retrospective

L’enfer des zombies

Suite à l’arrivée d’un voilier à l’abandon dans le port de New York, un des policier en charge de l’inspecter se fait agresser et tuer par une créature ayant l’apparence d’un cadavre en putréfaction, qui disparaît dans les eaux du port en ayant essuyé les tirs d’un second policier. Découvrant que le voilier appartient son père disparu, Anne Bowles (Tisa Farrow) décide de se rendre dans une île des Caraïbes, Matoul, pour tenter de le retrouver, accompagnée par le journaliste Peter West (Ian McCulloch). Elle débarque dans cette île sur laquelle vit le docteur Ménard (Richard Johnson), qui mène des recherches dans un hôpital à l’abandon, sur le fait que depuis quelques temps les morts reviennent à la vie et s’en prennent aux vivants.

Au moment de tourner L’ENFER DES ZOMBIES, il faut bien reconnaître que la carrière de Lucio Fulci a tendance à subir un petit coup de mou, notamment après L’EMMURÉE VIVANTE, en 1977, qui constitue pourtant une émoustillante tentative de retour au giallo, mais néanmoins aussi une réussite commerciale relativement modeste. Fabrizio De Angelis et Ugo Tucci décident de profiter du succès de ZOMBIE – DAWN OF THE DEAD de Georges A. Romero et entrevoient de faire réaliser à Enzo G. Castellari une fausse préquelle/suite mettant en scène ces cadavres ambulants boulotteurs de vivants ayant désormais le vent en poupe. C’est en définitive (sur les conseils de Castellari, d’ailleurs) à Fulci qu’échoira le bébé putréfié.

Le scénario de Dardano Sachetti a de quoi motiver Fulci par le fait qu’il propose, à l’instigation des producteurs, un mélange de genres incluant aventures et exotisme, fantastique, horreur, et même des éléments de western (une séquence de siège où les héros retranchés tentent de repousser une attaque de zombies, par exemple), que le réalisateur apprécie tout particulièrement. C’est en partie en cela que l’ENFER DES ZOMBIES va se démarquer du film de Romero auquel il était censé emboiter le pas. Quitte à ressembler (comme ce sera souvent le cas par la suite dans l’oeuvre du réalisateur) à un puzzle de scènes plus impressionnistes que vraiment soudées par une logique narrative stricte.

Que penser par exemple de la gratuité démonstrative de la scène de combat sous-marin entre un requin et un zombi (par ailleurs agrémentée de plans de quasi nudité), suivie de celles de déambulation des protagonistes sur l’île, accompagnées par les battements obsédants de tam-tams censés nous faire comprendre et ressentir l’impact des rites vaudou sur les lieux et les évènements ?… Vaudou aux sources de l’apparition des morts-vivants et qui finit de démarquer ZOMBI 2 du ZOMBIE de Romero en prenant paradoxalement des allures de préquelle. Mais cessons là les comparaisons en se remémorant une phrase de Fulci lui-même : « Les critiques aiment les comparaisons car cela leur permet de remplir leurs articles de références à d’autres films. »

Un des intérêts majeurs du métrage résidera une fois de plus dans la vision personnelle que lui insufflera Lucio Fulci. Une vision bien entendue pessimiste et amère qui cimente et rend plus cohérent un ensemble de séquences articulé par des ellipses et des raccords parfois toujours aussi abrupts et une logique un rien bancale – le type de structure qui siéra bien mieux aux futures œuvres horrifiques les plus fameuses du réalisateur. Quand bien même on perçoit que Fulci s’ingénie à respecter le cahier des charges exposé par le script en terme de scènes gore et de spectaculaire (citons à nouveau le combat sous-marin), L’ENFER DES ZOMBIES baigne au final dans une atmosphère désespérée et cynique vis à vis de notre société, montrée encore une fois comme futile, aveugle et imbue d’elle même. Il met en scène un monde trop lisse qui s’enfonce brutalement dans l’horreur, submergé par les restes d’un passé et des traditions qu’il a choisi d’enterrer. Le fait que des zombies soient montrés surgissant bel et bien de la terre prend ici un sens symbolique certain. De même que l’idée de ne jamais montrer explicitement des rites vaudous, mais de les suggérer simplement dans l’ambiance sonore, qui devient par extension l’ambiance de serre putride dans laquelle baigne l’île de Matoul exposée, de manière emblématique, comme le germe en train de percer d’une destruction généralisée à venir. Ce qu’illustre parfaitement le dernier plan du film montrant des zombies déambulant en masse sur le pont de Brooklyn. Plan ne figurant pas à la base dans le script et que Fulci a tourné de manière opportuniste, sans autorisation et improvisé en grande partie à la hâte par son équipe technique.

Pour la méthode Fulci y va de la manière forte, de la gifle gore crue et nauséeuse à répétition. Le catalogue en est certainement bien connu des amateurs et il n’est donc pas nécessaire de s’appesantir sur ces plans et scènes qui ont rendu le film célèbre et lui on valu ses ennuis avec la censure de divers pays. Leur accumulation et leur juxtaposition permettent néanmoins de se prendre à se poser une question : Serait il possible que Lucio Fulci nous clame qu’il ne nous aime pas, nous spectateurs ?… D’autant plus quand on voit le manque total d’empathie avec lequel sont montrés les divers protagonistes de l’histoire. Personnages falots et souvent ballots, sans cesse à la limite de l’ineptie et n’ayant à afficher, face aux évènements macabres et sanglants dont ils sont spectateurs, que des regards d’ahuris ou d’abrutis bouche bée faisant écho aux nôtres. On s’imagine alors volontiers un Fulci goguenard s’écriant « hé bien quoi ? Vous ne vous attendiez pas à ça, hein ? ».

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