retrospective

L’Épouse, l’amante et la secrétaire

Le terme de roman porno est une trouvaille marketing de la société de production Nikkatsu, tout près de la faillite à la fin des sixties, c’est sous cette appellation qu’elle désigne les nombreux films érotiques qu’elle va produire à partir de 1971. L’un des thèmes récurrents du genre est l’adultère, qui génère, bien évidemment, nombre de situations vaudevillesques. Toute une veine de la production “légère” nippone va alors, à l’instar des italiens et de la sexy-comédie, s’engouffrer dans cette brèche. L’EPOUSE L’AMANTE ET LA SECRETAIRE est l’un des rejetons de ce sous-genre.
Dans la mégalopole tokyoïte, un patron engage sa maîtresse comme directrice adjointe. Il se sert d’elle comme call-girl de luxe auprès des acheteurs américains. Cette dernière, dévouée à son amant performant, constate qu’il lorgne également sur l’une des secrétaires de la boîte. L’épouse du « big boss » ainsi que son « 5 à 7 » et sa secrétaire finissent par se rencontrer pour fomenter une vengeance contre l’indélicat fornicateur…
Attention, L’EPOUSE L’AMANTE ET LA SECRETAIRE, est un long métrage aussi fin et profond que le laisse sous-entendre son titre français. Les spectateurs qui ont apprécié le Max Pécas période ON N’EST PAS SORTIS DE L’AUBERGE (avec Jean Lefebvre et Bernadette Laffont-1982) devraient être aux anges avec cette pelloche. Ce film de Katsuhiko Fujii est un remake grivois de COMMENT SE DEBARRASSER DE SON PATRON (Colin Higgins-1980) avec Jane Fonda et Dolly Parton. Loin de saisir les opportunités de son script, comme a su si bien le faire Frédéric Lansac cinq ans auparavant avec son remake sexué de LA GRANDE BOUFFE (Marco Ferreri-1973) intitulé MES NUITS AVEC… ALICE PENELOPE ARNOLD MAUDE ET RICHARD, Fujii livre une copie paresseuse. Seul deux rebondissements rappellent au cinéphile qu’il a bien affaire à une production Nikkatsu, une étrange scène de viol (?) assez immorale qui concerne la secrétaire et une pseudo-scène de pédophilie plutôt maladroite. Mais la platitude de la mise en scène ainsi qu’une photographie plutôt moyenne empêchent l’adhésion totale.
En effet, L’EPOUSE L’AMANTE ET LA SECRETAIRE est loin d’être un incontournable du genre, il constitue plutôt une polissonnerie agréable selon l’humeur du spectateur. D’autant plus que derrière un scénario à vocation féministe se cache des relents de misogynie exécrables. Ce qui est assez étonnant avec cette bobine c’est qu’elle s’inscrit en faux par rapport au cycle sur lequel Fujii travaillait à l’époque. Celui-ci était alors impliqué dans la réalisation d’une série d’une dizaine de films assez relevés consacrés aux écrits du Marquis De Sade Japonais, Dan Oniroku. Aussi étonnant que cela puisse paraître, aucune trace de l’univers dérangeant d’Oniroku dans L’EPOUSE L’AMANTE ET LA SECRETAIRE.
L’intérêt de cette bobine loin d’être inoubliable réside dans son casting aux charmes voluptueux et certaines scènes comiques assez rigolotes à force d’essayer de détourner le floutage de la censure. Ainsi L’EPOUSE L’AMANTE ET LA SECRETAIRE est l’un des seuls roman porno qui dévoile une touffe de poils pubiens. Le pornophile connaisseur reconnaîtra également un emprunt à l’un des fleurons hexagonal du genre, DELIRE PORNO de Michel Barny (1976), un remake « Olé ! Olé ! » du MAGNIFIQUE avec Bébel (Philippe De Broca-1973), qui présentait déjà un usage obscène de la photocopieuse. En bref, L’EPOUSE L’AMANTE ET LA SECRETAIRE est l’équivalent des comédies européennes qui mettaient en vedette Paul Préboist en France et Lino Banfi en Italie, une grosse sucrerie graveleuse à consommer avec modération.

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