retrospective

Les 11 Guerriers du Devoir

LES ONZE GUERRIERS DU DEVOIR, film dramatique et émouvant, est réalisé par Eiichi Kudo, cinéaste à la fois passionnant et original. Il nous conte avec talent une histoire de vengeance tragique sur fond d’intrigues politiques et d’abus de pouvoir.
Au cours d’une partie de chasse, le Seigneur Nariatsu, frère du Shogun et Daimyo du fief Tatebayashi, traverse sans permission la frontière avec le fief Oshi et tue froidement un paysan qui lui barrait la route. Le Daimyo d’Oshi, qui se promenait sur ses terres à ce moment-là, est témoin de l’incident et reproche à Nariatsu sa conduite effrontée, indigne de son rang. Mais ce dernier, emporté par la colère, le tue d’une flèche dans l’œil. Les samouraïs du clan d’Oshi, outrés par la mort injuste de leur chef, décident de le venger. Ils mettent alors au point un plan stratégique et minutieux afin de trancher la tête de son meurtrier…
Une histoire intéressante donc, rondement menée, qui nous montre les travers du gouvernement shogunal d’Edo dans une société étouffée par les injustices engendrées par ces codes et ces castes. Par exemple, lorsque les vassaux du seigneur défunt d’Oshi déposent leur plainte contre le Seigneur Nariatsu au Gouverneur, celui-ci trouvant leurs accusations irrecevables les condamne selon la loi en usage. De ce fait, il y avait peu de plaignants car la plupart se retrouvaient en prison ou devaient se faire hara-kiri. Les gouverneurs en profitaient pour passer sous silence les affaires qui les arrangeaient contre quelques compensations. Il n’est donc pas question ici uniquement de vengeance mais également de justice et de révolte contre le pouvoir du Shogun qui privilégie toujours les plus puissants.
La construction narrative, bien structurée, apparaît relativement lente et l’action se déroule sur le ton tranquille qu’elle impose. Cependant, avec des angles de vue inédits pour l’époque, des zooms avant au cœur des combats souvent filmés caméra à l’épaule, le métrage se révèle bien rythmé. L’utilisation d’un noir et blanc très contrasté offre une photographie superbe mise en valeur par certains jeux de lumière. Le tout pose une ambiance souvent sombre, triste et mélancolique.
Les personnages attachants et touchants sont bien construits. Isao Natsuyagi, célère acteur très populaire au japon (KIBA, GOYOKIN de Gosha ; J.I. SAMOURAI de Saito ; DE L’EAU TIEDE SOUS UN PONT ROUGE de Imamura…) campe à merveille un samouraï rebelle et contestataire de son époque dévoué à ses idéaux. Les protagonistes féminins sont valorisés par des rôles intéressants utiles au récit.
Les combats demeurent réalistes, sanglants et même violents avec cette première scène où le Seigneur d’Oshi meurt énucléé par une flèche. L’embuscade tendue pour piéger Nariastu ainsi que la séquence finale montrent bien la brutalité des affrontements.
LES ONZE GUERRIERS DU DEVOIR est une œuvre sensible et captivante qui dénonce les abus de pouvoir des personnes les plus haut placées et respectées dans la hiérarchie. Un film réalisé avec savoir-faire et personnalité qui apportait en 1967 un souffle de renouveau au jidai geki.

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