Les contes de la fée verte

Un texte signé Sophie Schweitzer

Américain - 1993 - Poppy Z. Brite
Titres alternatifs : Wormwood

Poppy Z. Brite est une auteure contemporaine connue pour ses romans gothiques, underground et provocateurs qui mélangent récits horrifique, milieux gays underground et vaudou sur un ton digne des grandes heures des magazines mêlant nouvelles trash et bande dessiné d’horreur. Vivant à la Nouvelle-Orléans ses histoires ont bien souvent un parfum exotique où le fantastique croise la superstition.

A la manière d’une Anne Rice, elle a fait ses débuts avec l’histoire de vampires issus de la Nouvelle-Orléans excepté que LOST SOUL, Les âmes perdues en français ressemblait plus au film Aux frontières de l’Aube qu’à Dracula de Bram Stocker. Comme Stephen King, elle connaît des débuts difficiles et enchaîne les petits boulots avant de connaître le succès. Enfin comme Jacques Tourneur ou Henri Clouzot, elle parvient à distiller une atmosphère angoissante dans un univers frôlant le fantastique, le tout en étant totalement encré dans une époque, un milieu plutôt populaire et un phrasé typique de sa génération.

Les contes de la fée verte rassemblent une douzaine de nouvelles où se croisent des personnages récurrents dans son œuvre, comme Steve et Ghost, chanteurs du groupe Lost Souls qui apparaissent dans son premier roman (du même nom), et figurent dans deux nouvelles dans le receuil LES CONTES DE LA FEE VERTE. Il y a aussi l’imagerie de la superstition typique de la Louisiane présente au travers de quelques nouvelles, cet univers poisseux d’une Nouvelle-Orléans où la mort frappe les milieux underground qu’on trouvait également dans son roman Le corps exquis. Enfin, il y a un esprit malveillant, une constante morbide accompagnant chaque page, une fatalité exquise, comme si c’était la faucheuse qui rassemblait tout ce petit monde. La mort rode dans chacune de ces nouvelles ainsi qu’un esprit, presque insolent, moqueur, et cynique jetant un regard amusé sur le monde moderne et les ombres qui y règnent.

Après une courte mais très bien faite introduction de Dan Simmons, nous voici embarqués auprès de Ghost et Steve, un couple atypique de deux vieux potes qui au détour d’une panne en plein milieu d’une Amérique profonde se retrouvent confrontés à des frères siamois séparés à la naissance ne cherchant qu’à redevenir un seul et unique être dans l’une des baraques les plus angoissantes qu’on a vues, quoi qu’ANGES rivalise pas mal avec certaines demeures Richard Matheson ou encore celle de Leatherface dans Massacre à la tronçonneuse.
L’histoire suivante nous embarque dans une maison où vivent quatre garçons, l’un maigre et dépressif ne songe qu’à la mort et son amant, ami, le retient à la vie de toutes les manières possibles, un CONTE GEORGIEN voué à la tragédie où l’amitié se mêle à l’amour entre garçons perdus.
La troisième nouvelle, SA BOUCHE AURA LE GOUT DE FEE VERTE nous mène sur les traces de deux amis insatiables qui s’enivrant chaque nuit d’alcool et de sexe, recherchant toujours plus de sensations fortes, finissent par s’intéresser au vaudou à leur risque et péril.
LA MUSIQUE EN OPTION POUR VOIX ET PIANO, quatrième nouvelle du recueil met en scène un groupe de musique dont le chanteur a un charme si puissant qu’il semble emporter de vie à trépas tous ceux qui l’écoutent un peu trop passionnément.
Deux ivrognes sont chargés par un mystérieux inconnu de surveiller un cadavre dans XENOPHOBIE, la drogue et l’alcool aidant, leur nuit a tout pour être source d’angoisse et de frayeur !
Dans la nouvelle intitulée LA SIXIEME SENTINELLE, une jeune cajun portant la poisse attire les attentions d’un homme étrange qui va rapidement développer un amour si possessif envers la pauvrette qu’elle regrettera sans doute la confiance aveugle qu’elle lui accorde si vite.
Lucian vit au-dessus d’une boutique de magie, et ce soir-là, il a invité son ami Andrew chez lui. La présence d’un étrange cercueil attire leur curiosité, qu’ils feraient mieux de ne pas chercher à assouvir dans la nouvelle DISPARU.
Dru doté de pouvoirs surnaturels s’amuse à ramener les morts à la vie dans TRACES DE PAS DANS L’EAU, un loisir qui tôt ou tard finit par avoir un certain prix dans une nouvelle aussi courte que parlante qui a la poésie d’un film de Lucio Fulci et le même goût prononcé pour les morts se décomposant.
Nous retrouvons Steve et Ghost pour une PRISE DE TÊTE A NEW YORK où le jeu de mot est à prendre littéralement. Une nouvelle déconcertante où la misère devient aussi effrayante que des hordes de zombie venant dévorer votre cervelle.
Dans la nouvelle CALCUTTA SEIGNEUR DES NERFS les zombies ont envahi les rues de l’Inde miséreuse et d’une chaleur étouffante où les odeurs des morts en décomposition se mêlent à celle du sang frais des malheureux qui se voient dévorer vivants. Le tout sur un fond de mysticisme qui n’est pas sans rappeler certaines nouvelles de Clive Barker et leur côté grandiloquent dans l’horreur la plus totale.
Paul et Jen sont un couple jeune et uni qui se voient séparé par la naissance de leur enfant, pour Jen la maternité est source de doute, elle a du mal à aimer son enfant que Paul adore dès les premiers instants. Mais la PATERNITE est parfois plus douloureuse qu’on ne le pense.
Enfin dans CENDRE DU DESIR, POUSSIERE DU SOUVENIR on voit un amour se déliter et le parfum de la vengeance dévorer le cœur d’un homme abusé.

Avec Poppy Z. Brite, l’amour n’est jamais loin de la haine, la revanche a toujours un goût de fiel, et la recherche du plaisir sans fin se solde toujours par une ironie fatale. On reconnaît en elle le même frisson que chez ses pairs, avec un certain goût pour les garçons perdus, les alcooliques et les drogués, les enfants de la nuit tels qu’elle les appelle, ceux qui se vêtissent de noir et ne sortent que la nuit, flirtent avec le surnaturel et font la cour à la faucheuse. Plonger dans son univers n’est pas sans risque, à chaque détour de page un frisson nous échappe, un vague sentiment de malaise nous étreint.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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