Les courts-métrages en compétitions au BWE 2015

Un texte signé Sophie Schweitzer

Les 26 courts métrages de différentes nationalités ont été sélectionnés avec soin. Nous y retrouvons tous les genres, de l’humoristique au sérieux, du classique à l’original, en bref il y en a pour tous les goûts.
Globalement c’était une compétition de haute volée et le jury a probablement dû éprouver certaines difficultés à choisir parmi ces 26 films pour décerner les 5 prix : effets spéciaux, scénario, animation, prix spécial et grand prix. Le jury jeune et le public devant décerner eux aussi chacun un prix.
Découpé en trois sessions projetés chacune un jour différent, ce mode de diffusion permettait ainsi au public de pouvoir digérer ce qu’il avait vu puisqu’il n’y avait pas de projections juste après. Parfait pour se souvenir des courts-métrages les plus frappants. Et il y en avait !

VENDREDI, PREMIERE SESSION.
Ainsi commençait la sélection avec INVADERS de Jason Kupfer, un petit court de 7 minutes provenant des USA. Deux truands s’apprêtant à réaliser un « home invasion » un soir de noël discutent des détails techniques et esthétiques de leur opération. Très référencé, INVADERS joue sur un humour assez trash, burlesque et Grand-Guignol. Efficace, la fin est assez jouissive même si je ne vous en dirait pas plus, pas de spoiler. Seul bémol, la séquence de début est trop courte et un poil frustrante.
Nous avons ensuite continué avec un court espagnol FLASH de Ruiz Rojo Alberto. Un homme rentre seul dans une cabine de photomaton, quand il en ressort il découvre avec surprise une série de cliché de lui embrassant passionnément une femme. Or il était seul dans la machine. Quelques minutes plus tard, il aperçoit une femme ressemblant à celle de la photo et décide de la suivre. C’est une sorte d’histoire de fantôme, très bien racontée qui contient beaucoup d’émotion, un message profond, et une vraie atmosphère. L’histoire nous est de plus raconté sans qu’un mot ne soit prononcé ce qui forcément rend le court très efficace.
L’ART DU GESTE d’Ivan Radkine est court français. Un homme porte une cagoule sur la tête pendant que deux hommes vêtus de noir s’affairent autour de lui dans ce qui ressemble à une ancienne église. Nous sommes immédiatement plongés dans l’atmosphère pesante d’une scène de torture où l’on sent une étrange complicité entre la victime et le bourreau. Bien qu’anecdotique ce court est bien réalisé, bénéficiant d’acteurs assez charismatiques pour insuffler de l’énergie au film.
Suivant ensuite MURPHY de Xavier Lafarge, Bruno Lévêque, Téo Saintier, Randy Gudin, Rémi Stompe, Laszlo Trachsel, Coline Sapin et Aurélien Rigaudeau. Nous nous retrouvons avec un parachutiste durant la seconde guerre mondiale qui a le malheur de tomber sur une étrange créature des bois. Cette dernière malgré toute sa bonne volonté va largement contribuer à illustrer la fameuse loi de Murphy. Drôle et touchant, la créature fantastique ressemble à un mini faune, et est plutôt bien intégrée vu les moyens du film. Sympathique même si on comprend vite le fonctionnement du court à cause de son titre.
RIEN NE PEUT T’ARRÊTER de David Hourrège est un court métrage de science-fiction ayant bénéficié de moyens prêtant aux effets spéciaux et au film des caractéristiques techniques de long métrage. Un couple assiste à une manifestation dans une grande ville française (peu reconnaissable), et les choses tournent mal, l’un deux est mortellement blessé. La survivante à l’hôpital constate qu’un étrange orage lui a fait remonté le temps, elle s’élance alors, court droit devant elle, peu importe les obstacles afin d’empêcher l’inévitable catastrophe. Très dynamique, véritable film d’action, il ne parvient cependant pas à s’en tirer au niveau des paradoxes temporels, même s’il faut avouer que c’est un exercice relativement difficile.
LA MOMIE de Lewis Eozykman est l’exemple parfait de tout ce qu’on peut faire avec beaucoup d’imagination et peu de moyen. Déjà passé au PIFFF, ce court-métrage noir et blanc fonctionne sur un système assez simple mais peu spectaculaire s’appuyant sur une voix off et un plan fixe. Plutôt original, il manque à mon sens d’un brin de cinématographie. S’il est très bien écrit, on se dit quand même que l’auteur aurait pu faire un roman photo, il n’y aurait pas eu de grande différence. Mais cela contribue à l’originalité et au style du film.
THE CURE de Xavier Mesme est un court métrage français de 15 minutes. Une jeune femme désirant se débarrasser d’une addiction fait appel à un docteur un peu spécial et carrément suspect. Oscillant entre le thriller et la comédie horrifique, THE CURE reste malheureusement un peu trop en surface pour gagner le cœur de son public. Dommage car on sentait un vrai potentiel avec le choix de casting un peu original. Malheureusement, il tombe dans un schéma assez classique dans ce type de court métrage.
YOU WILL FALL AGAIN de Alex Pachon a été conçu par des danseurs dans un concours de danse et réalise une sacrée performance : parvenir à raconter une histoire uniquement en utilisant le corps humain. Très bien réalisé, efficace et douloureux, c’est l’une des pépites de la programmation. Film espagnolo-hong-konguais durant 6 minutes, il parvient avec un acteur unique, une pièce unique, en noir et blanc, à faire vraiment mal au spectateur. Efficace et beau.

SAMEDI MATIN, SECONDE SESSION DE COURTS-MÉTRAGES.
La seconde session commençait fort avec JULIET de Marc Henri Boulier nous projetant dans un futur où existe des androïdes perfectionnés domestiques servant à la fois de compagnon, de jouet sexuel, et d’homme ou femme à tout faire. Évoquant l’esthétique et la thématique de la série suédoise REAL HUMAN, c’est un court-métrage qui techniquement frôle la perfection. C’est d’ailleurs pour cela que le jury l’a honoré du Prix Spécial du Jury. Très bien conçu, il fait penser aux fausses pub qui avaient été réalisées pour la sortie de Deus Ex Machina, des fausses pub pour la compagnie créant les améliorations dans le jeu.
MR DENTONN de Ivan Villamel est un court espagnol de 9 minutes nous situant dans la chambre d’un enfant. David a trouvé un livre étrange dans le garage contenant la légende plutôt effrayante d’une espèce d’homme au sable venant enlever l’âme des enfants. Après que la grande sœur gardant son petit frère soit retournée dans sa chambre pensant que David dort paisiblement, le monstre se manifeste dans la réalité par un jeu de miroirs. Vraiment bien réalisé, il a quelques maladresses, mais le court manifeste la volonté de faire du cinéma gothique, évoquant un peu MISTER BABADOOK dans sa thématique.
PRESENCE de Thomas Lebascle qui a remporté le Prix du Meilleur scénario est un court-métrage français de 17 minutes. Angèle, 8ans, regarde « La nuit de tous les mystères », un vieux film d’horreur chez ses grands parents. Cultivant son angoisse des fantômes, elle a du mal à s’endormir après cela et quand le sommeil vient, elle fait un horrible cauchemar qui va la pousser à se demander si l’horreur est uniquement dans son imagination. Bénéficiant d’une esthétique quasi-gothique, il se distingue aussi des autres courts métrages en lices par une certaine lenteur atmosphérique loin d’être déplaisante.
TIMOTHY de Marc Martinez Jordan, espagnol, a remporté le Grand Prix du jury. Sanglant, efficace et assez barré, il donne à Simon, un petit garçon, l’occasion de voir son rêve se réaliser, et ainsi, de voir débarquer son personnage préféré dans la réalité pour le plus grand malheur des adultes. L’un des rares courts-métrages à y aller franchement dans le bain de sang, le gore, et l’esprit malsain, il a su séduire un jury en attente de chair fraîche par son esprit sanglant.
LE DESIR DU MONSTRE de Aurélien Antezac a remporté le Prix des Meilleurs effets spéciaux. Dans un spectacle freak show, l’homme lézard fantasme sur deux sœurs siamoises. Quand il vient leur déclarer son amour, il découvre que se sont juste deux sœurs jumelles qui jouent les siamoises sur scène. Cruellement déçu, il part en claquant la porte, ignorant que les sœurs sont follement amoureuses de lui. Une histoire bien menée qui aurait mérité plus de moyens, mais reste efficace grâce à des idées de mise en scène originales et intéressantes. Il possède de plus l’esprit un peu cruel et malsain d’un épisode de la série LES CONTES DE LA CRYPTE.
ENCHAINÉS de Stéphane Youssouf racontait une histoire assez classique dans le film de genre. Deux cambrioleurs débutants débarquent dans la maison d’un tueur psychopathe. Partagés entre l’envie de fuir et de sauver la jeune fille retenue dans la cave du tueur, ils finissent par se retrouver coincés à l’intérieur de la maison de l’horreur. Mêlant humour et retournement de situation, nous pouvons y trouver un aspect limite Vaudeville quand débarquent à la fois les forces de police, le tueur et la sœur d’un des cambrioleur sur les lieux du crime.
HYBRIS de Audrey Serre, Benjamin Gros, Océane Nguyen et Margaux Le Gall nous montrait en 8 minutes 40 un zoo d’un nouveau genre où des espèces hybrides vivent. Quand on dit espèce hybride c’est par exemple un requin blanc croisé avec une raie. Avec un incroyable travail en FX, ce court métrage nous fait immédiatement rêver en nous plongeant dans un monde fantastique mais également onirique. Assez poétique, drôle, mignon et touchant, HYBRIS rend hommage à JURASSIC PARK.
Quand à LE MESSAGER de Michael Krsovsky, il nous raconte une histoire qui aurait pu être celle d’un épisode de la QUATRIEME DIMENSION. Un psychiatre souffre d’hallucination où ils voient des personnes lui délivrer des messages aussi énigmatiques qu’absurde puisqu’il ne connaît pas ces personnes. Il se demande alors s’il n’est pas en train de devenir fou. Sans tout vous révéler, nous pouvons vous dire qu’il est assez surprenant et réussit. Comme beaucoup de courts projetés, on regrette qu’ils n’aient pas eu un peu plus de moyens techniques pour le concevoir.

DIMANCHE, TROISIEME SESSION : ANIMATION.
La session spéciale animation a débuté avec IMPOSTEUR de Ellie Chapuis qui a remporté le Prix du Jury pour l’Animation. Simple, terriblement efficace, il fait référence à une animation retro et joue sur le côté vintage avec une image en noir et blanc. Seule déception, la fin qui nous laisse un peu sur notre faim. L’imagerie années 40/50 est renforcée par l’histoire et sa simplicité. Ainsi un faune décide de prendre la place d’un homme ordinaire. Après lui avoir volé sa tête, il se fait passer pour lui au sein de sa famille. Etonnamment, la femme préfère le nouveau corps de son mari au grand dam de ce dernier.
FOREVER MIME de Michael Visser est un court venant des Pays-Bas mettant en scène deux mimes qui se battent pour attirer l’attention d’une jolie gothique. Leur combat est basé sur des mimes ce qui donne des scènes très drôles. Mis en scène avec une animation très en vogue en ce moment, il manque peut-être un peu d’originalité, mais l’idée de mise en scène reste assez forte pour marquer le spectateur.
TEMPETE SUR ANORAK de Paul Carbon est un court métrage français possédant un ADN breton. Deux jeunes gens au cours d’une tempête où les éléments se déchaînent tentent d’échapper à de l’espionnage industriel ainsi qu’à une étrange sorcière. Drôle, bourré de référence, avec un humour un peu à la SOUTH PARK, une animation jolie et poétique, original dans son histoire et sa construction, c’est une vraie petite pépite. Gros coup de cœur pour cet ovni qui possède son propre caractère et une grande générosité.
SETTLING de Emma Mc Cann est un bijou d’animation. Un conducteur de camion servant à déneiger vit seul dans une maison paumée dans la montagne enneigée. Pour tromper la solitude, il crée un bonhomme de neige. Ce dernier va lui montrer que parfois que tout le monde n’est pas d’accord avec son boulot, et qu’il vaut mieux parfois rester seul. Certaines scènes fonctionnent très bien, d’autres moins, maladroit mais plein de potentiel, il a une esthétique vraiment soignée et une très belle animation.
MUTE de Job Roggeven, Joris Oprins et Marieke Blaauw, dure 4 minutes 22. Terriblement efficace il est l’un des courts les plus drôle de la sélection. Dans un monde de gens sans bouche et donc sans parole, une famille découvre suite à un accident domestique comment retrouver la voix et donc le son. S’ensuit une réaction en chaîne excessivement drôle et sanglante. A l’humour incisif, il évoque ces courts qui marquent les esprits et a sans nul une belle carrière devant lui.
LA MAISON DE POUSSIERE de Jean-Claude Rozec a remporté le Prix du Public et celui du Jury Jeune. Déjà présent au PIFFF ainsi que dans d’autres festivals. Ce court manifeste d’une grande poésie et de beaucoup d’émotion. Dans une tour HLM vouée à la destruction la vie demeure en ces lieux abandonnés. Poétique et touchant, il ne laisse personne indifférent.
L3.0 de Alexis Decelle, Cyril Declerq, Vincent Defour et Pierre Jury est un film de l’école Isart Digital. Il met en scène un enfant robot qui recherche un camarade de jeux dans un Paris vide et abandonné de tous. Bien que techniquement impeccable L3.0 souffre d’un problème d’écriture qui fait passer le public à côté de son propos. La fin étant un peu bâclé à mon humble avis, trop rapide pour être réellement compréhensible.
PATCHWORK de Galaad Alais, Benjamin Bourmier, Stéphanie de Fortis, Amélie Gavard, Arnaud Lapeyre, Amélie N’Guekora et Magali Vida est lui aussi un film de l’école Isart Digital. L’histoire de ce sculpteur qui ne parvenant à mettre en forme la femme parfaite décide de découper des femmes afin de tirer le meilleur de chacune d’elle suit une trame assez classique qui donne au spectateur une impression de déjà vu. Dommage, car on sentait une volonté d’insuffler une ambiance particulière. Par contre le générique de fin est très drôle et l’animation réussie, si bien qu’on est déçu qu’ils n’aient pas utilisés ce style d’animation et cet humour sur tout le film.
MY FATHER, EXCALIBUR AND ME, le troisième court projeté est issu de l’école Isart Digital. Il est réalisé par Jean-Patrick Bernad, Fanny Branet, Julie Burge Catinot, Kenny Chindavong, Giovanni Gasparetto, Sephira Lemoine, Jonathan Setbon, Théo Weber. Son animation est d’un style très marqué, qui était à la mode dans les années 90, notamment dans les jeux vidéo. L’histoire est celle du roi Arthur raconté avec humour, et bourré de référence notamment à la fantasy et au Seigneur des Anneaux. Assez simple mais pas dénué d’originalité.
TIMBER de Nils Hedinger est un court-métrage suisse de 5 minutes 35. Mordant, terriblement drôle, nous plonge dans une forêt décapitée envahie par la neige. C’est l’histoire de bout de bois coupés se retrouvant dans le froid, une histoire de survivants prêts à tout. La thématique de la survie et de ce que l’homme peut être amené à faire est plutôt réussie dans ce court à l’humour très noir. Forcément ça nous évoque les histoires tragiques de ces crashs aériens dans la montagne, mais aussi de ce que l’humanité révèle dans ces instants là. Tout cela étant amené rapidement, intelligemment, et avec une certaine efficacité.
LA BÊTE est un véritable bijou d’animation qui raconte l’histoire d’une femme dansant avec une bête démesurée, bestiale, virile, sorte de pendant monstrueux à la sensualité et à l’élégance de la femme. Le bal des deux êtres est guidé par le dessin de Vladmir Mavounia-Kouka qui réalise là un court assez sublime qui n’a malheureusement pas remporté de prix mais en aurait largement mérité.
Enfin SALE GUEULE de Alain Fournier est un film d’animation avec des marionnettes. L’histoire est celle d’un conte breton. Morlaix est un vieux gardien de phare quasi tyranique qui accepte difficilement la venue de son nouvel assistant, une gueule cassée qui n’a en effet pas grand chose à faire là. Le vieux loup marins est un être hostile à premier abord, mais la solitude, et la présence plus menaçante encore de l’Ankou, l’ange de la mort, va pousser les deux hommes à se faire mutuellement confiance. La voix off, l’animation et l’écriture donnent une atmosphère vraiment spéciale au court, lui donnant ses lettres de noblesse.

En résumé, vous l’aurez constaté, la sélection était vraiment excellente. Le spectateur n’avait pas l’occasion de s’ennuyer puisqu’on passait d’un style à un autre non sans une certaine intelligence dans le choix de programmation. L’on trouve rarement dans les festival autant de soin consacrer à la programmation des courts aussi pouvons-nous féliciter les organisateurs d’avoir prit autant de soin dans ce difficile exercice.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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