retrospective

Les flics ne dorment pas la nuit

Roy Fehler, jeune étudiant en droit, s’engage dans la police pour subvenir aux besoins de sa femme et de sa fille. Partenaire du vétéran Andy Kilvinski, le jeune homme apprécie cette nouvelle vie et néglige peu à peu ses études. Lassée de ne plus le voir, sa femme le quitte et Roy sombre dans la dépression…

Richard Fleischer, cinéaste polyvalent à la filmographie aussi hétéroclite qu’impressionnante, réalise là un film policier adoptant un style réaliste quasi documentaire. Loin des poncifs du polar, LES FLICS NE DORMENT PAS LA NUIT adopte la forme d’une chronique de vie ; ou plutôt la chronique de la carrière de trois policiers.

La caméra immersive de Fleischer suit le quotidien de trois jeunes recrues parmi les forces de polices de Los Angeles qu’elles sont affectées à patrouiller dans les bas-fonds de la ville durant ses nuits plutôt chaudes et dangereuses. En choisissant de suivre ses trois personnages, le réalisateur ne raconte pas l’histoire d’une affaire mais plutôt d’une suite de cas auxquels sont confrontées nos jeunes recrues. On les voit vieillir, abandonner leurs illusions de jeunesse, leurs rêves d’une autre vie et on les voit aussi prendre plaisir à leur boulot. Roy, qui se destinait à des études d’avocat, préfère sillonner les rues de L.A. et jusqu’au bout, refuse de renoncer à ce boulot même si c’est aux dépens de sa vie de famille.

Le moment où son mentor choisit de prendre sa retraite est d’ailleurs au cœur d’une séquence presque aussi tragique que lorsque la femme de Roy l’abandonne en emportant sa fille loin de lui. Désemparé, Roy ne sait pas comment exprimer ses émotions. Il ne comprend pas qu’on ne saisisse pas l’importance de son travail, pas plus qu’il n’en comprend les conséquences autant pour son entourage que pour sa propre vie. Comme toujours avec Fleischer, c’est davantage aux émotions de ses personnages et aux répercutions psychiques qu’il s’intéresse qu’à l’action, même s’il sait la filmer avec brio.

Dans le domaine de la mise en scène, le film réserve quelques pépites. En effet, la hauteur de caméra choisie dans ce plan où une femme fait feu sur notre héros est par exemple étonnante, quasiment autant que la position de caméra posée au sol dans TERREUR AVEUGLE. Quand on voit l’impact de cette mise en scène, on comprend qu’elle est tout simplement géniale. Fleischer est un metteur en scène hors pair. Il est capable de concilier des traitements différents de l’image. Par exemple, il opte pour une approche quasi documentaire qui trouve sa parfaite illustration dans LES FLICS NE DORMENT PAS LA NUIT et plus encore dans L’ÉTRANGLEUR DE LA PLACE RILLINGTON. Et dans le même temps, il démontre, en quelques plans, par sa maîtrise de l’exacte hauteur de caméra, par son impressionnant choix de placement du point de vue, qu’il est un cinéaste sous-estimé dans son génie.

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