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Les révoltés de l’ïle du diable

D’après la véritable histoire de l’orphelinat de Bastoy, LES REVOLTES DE L’ILE DU DIABLE s’intéresse à la vie d’une maison de redressement norvégienne au début du 20ème siècle, située comme l’indique son titre sur une île. A travers l’arrivée d’un nouveau pensionnaire taciturne, on découvre l’univers de cet environnement autoritaire, ses rouages, ses règlements et surtout ses gardiens dont un particulièrement sadique. Un pensionnaire emprisonné depuis sa jeune enfance, tente de faire comprendre au nouveau venu les règles à respecter, ce qui est toléré de ce qui ne l’est pas. Le dernier arrivé entreprend malgré tout une tentative d’évasion, vite échouée sur cette île étant relativement petite. En guise de punition, son nouveau camarade avec qui il était parti nettoyer les latrines, est sommé par la direction de le fouetter plus d’une dizaine de fois. Le châtiment n’a pas l’effet escompté et l’adolescent au caractère indocile exercera, par d’autres moyens, son influence libertaire auprès de ses camarades. Le suicide d’un des leurs provoqué par une gardien aux mœurs quelque peu déviants fournira l’étincelle à une rébellion spontanée des pensionnaires qui s’achèvera en bain de sang, carnage qui sera à l’origine de la triste notoriété de cette maison de redressement.

Sous un ciel couvert, dans une nature enfouie sous un épais manteau de neige, l’environnement hostile de ce centre de rééducation entouré de toute part par l’océan, rend quasiment impossible l’évasion de ces prisonniers. Finalement si ce n’était ce gardien prenant plaisir à infliger des humiliations aux prisonniers et son penchant pervers, la vie de ces derniers sur cette île semblerait, somme toute, plutôt convenable. En effet, travaillant pour la plupart au grand air, coupant des arbres, arrachant la terre, travail physique exténuant mais sans excès, les prisonniers s’ils n’ont pas la vie facile, pour autant s’ils respectent le règlement, ils ne leur arrivera rien. Le directeur de la prison interprété par Stellan Skarsgard, est lui-même, comme il le dira, un homme sévère mais juste, estimant que les punitions infligées ne doivent pas être disproportionnées à la faute commise et, qu’en tant que représentant de l’autorité, chacun des gardiens se doit d’être exemplaire. Si ce directeur semble un homme raisonnable, c’est sa lâcheté, quand des prisonniers s’adresseront à lui pour dénoncer les agissements pédophiles d’un gardien, qui sera à l’origine de la rébellion des adolescents cherchant à se faire justice eux-mêmes.

Le métrage est réalisé avec application et soins par Marius Holst, le metteur en scène. Les personnages, dans l’ensemble très peu stéréotypés, sont investis dans leur rôle. Néanmoins, à l’instar de cet hiver norvégien, le film est atteint d’une forme de frigidité et d’austérité dans sa narration et son traitement, notamment dans la psychologie des personnages. L’on perçoit en effet ces derniers, comme « embués » dans cette gangue hivernale, ce qui renvoie au spectateur l’impression que le film lui parvient à travers un rideau de neige, tel que tout ce qui arrive, le cours de l’histoire avec ces évènements dramatiques, le vécu des personnages, l’approche d’un dénouement que l’on devine tragique, ne finissent par susciter qu’un intérêt poli du spectateur.

On est donc face à un objet cinématographique de qualité mais froid, ce qui permet difficilement de s’intéresser et de suivre avec angoisse le destin de ces jeunes hommes. L’aspect pédagogique du film et son côté documentaire – les conditions d’existence des délinquants en centre de redressement en Norvège au début du XXème siècle -, les personnages enfermés en eux-mêmes et peu sympathiques, font des REVOLTES DE L’ILE DU DIABLE, malgré un titre très accrocheur, un film difficile d’accès. Il n’est donc pas impossible, le rythme étant lui aussi sous le joug de cet hiver interminable, que le spectateur tombe doucement en léthargie.


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- Article rédigé par : Stéphane Pretceille

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