Les Sorcières de Zugarramurdi

Un texte signé Yannik Vanesse

Un père et son fils, accompagné de quelques autres braqueurs, s’attaquent à un magasin, pour dérober les alliances qui y sont mises en gage. Ils s’enfuient à bord d’un taxi, en direction de la France, mais s’égarent dans un petit village dirigé par une confrérie de sorcières qui désirent détruire la civilisation occidentale.

Alex de la Iglesia est un réalisateur amoureux du cinéma de genre, dans lequel il plonge à chaque film. Mais il y injecte toujours une bonne dose d’humour, pour un mélange souvent déstabilisant mais qui provoque toujours l’engouement. LE JOUR DE LA BETE, qui l’a fait découvrir en France, offrait une approche du satanisme et de l’apocalypse assez surprenante, tandis que MES CHERS VOISINS coinçait les héros de l’histoire dans un immeuble emplis de fous furieux prêts à tout pour récupérer un trésor. Avec 800 BALLES, Alex de la Iglesia livrait un hommage aussi touchant qu’irrésistible au western, et LE CRIME FARPAIT était tout autant une critique de la société de consommation qu’un thriller d’inspiration hitchcockienne (passé à la moulinette Iglesia). Après un détour à Hollywood, pour un thriller solide mais trop classique (CRIMES A OXFORD), le réalisateur nous a livré entre-autre UN JOUR DE CHANCE, avant de revenir pour ces SORCIERES DE ZUGARRAMURDI, aussi appelé WITCHING AND BITCHING.

Comme souvent chez Alex de la Iglesia, les relations pères/fils sont au cœur du film, et LES SORCIERES DE ZUGARRAMURDI offrent une relecture, en la matière, de 800 BALLES, y compris avec le côté intrusif de la mère de l’enfant. Le réalisateur/scénariste développe aussi un côté qui pourrait passer pour misogyne, mais le second degré flagrant (voir troisième et quatrième) du réalisateur, qui aime beaucoup jouer avec les codes, ne peut que faire comprendre qu’il tourne en dérision la misogynie, à l’aide de l’hystérie la plus délicieuse.
Tous les hommes sont ainsi des ratés, des faibles, qui critiquent les femmes autant qu’ils peuvent. Ils en ont peur, elles les castrent et, bien entendu, les femmes du métrage sont fortes, volontaires, à moitié folles, et sorcières.
Les dialogues sont savoureux au dernier degré, et les situations toutes plus inoubliables les unes que les autres. Les acteurs semblent prendre grand plaisir à incarner leur personnage, que ce soit les hommes, ou les femmes qui courent sur les murs, séduisent, se montrent détestables (mention spéciale à la séduisante Carolina Bang).
Le réalisateur reprend la plupart des codes de films de genre pour s’en amuser. Nous découvrons ainsi la maison des sorcières, archétype de la demeure hantée et tentaculaire (avec caveaux, passages secrets, tunnels et autres), l’enfant se fait retrouver dans une casserole, une pomme dans la bouche, comme dans les contes de fée. Le spectateur fait la connaissance d’une famille étendue digne de la Famille Adams, et chaque minute de film bouleverse les attentes du spectateur, qui passe de la fascination au rire, jusqu’à une séquence finale tordant le cou aux légendes, et une happy end pleine de dialogues irrésistibles grâce auxquels le réalisateur se moque de lui-même.
Comme toujours, Alex de la Iglesia montre qu’il est un réalisateur oeuvrant là où l’on ne l’attend pas, et livre ici un spectacle aussi hystérique que généreux qui restera dans les mémoires.


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- Article rédigé par : Yannik Vanesse

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