Un texte signé Patryck Ficini

Etats-Unis - 1940 - William Witney, John English
Titres alternatifs : Drums of Fu Manchu
Interprètes : Henry Brandon, William Royle, Gloria Franklin, John Merton, Dwight Frye…

retrospective

Les Tambours de Fu Manchu

Le docteur Fu Manchu veut s’emparer du sceptre sacré de Gengis Khan, qui lui permettra de mener les peuples d’Asie à la révolte. L’Empire Britannique est en danger. Le pire ennemi de Fu Manchu, Sir Nayland Smith, intervient !
Le Péril Jaune désigne tout un pan de la littérature et du cinéma populaires, né au début du vingtième siècle, qui montre du doigt une hypothétique menace asiatique qui pèserait sur le monde occidental. Si le concept est indéniablement xénophobe voire raciste, et à replacer dans son contexte historique, il n’en a pas moins donné naissance à des oeuvres passionnantes. Citons l’incroyable Invasion Jaune du Capitaine Danrit où Chinois et Japonais, bizarrement alliés, déferlaient sur la vieille Europe. Plus connus, et rendus inoubliables par le charisme même de ces génies du Mal, sont les romans sur Fu Manchu et l’Ombre Jaune (de Henri Vernes), successeur modernisé du méchant créé par Sax Rohmer. Tout comme Madame Atomos, de André Caroff, Fu Manchu en jupons qui veut faire payer Hiroshima aux U.S.A, à coups d’inventions fantascientifiques. Impossible aussi de ne pas établir un rapprochement avec le docteur No de Ian Fleming, adversaire de Bond dans un seul roman à la différence de ses confrères qui donnèrent lieu à de longues séries.
Notons que des héros d’origine asiatique comme les détectives Charlie Chan et Monsieur Wong ou les agents secrets M. Moto et M. Suzuki témoignent aussi de l’existence d’une vision tout à fait positive de la sagesse orientale. Ces héros sympathiques et souvent malicieux trouvèrent eux-aussi naissance dans la littérature avant d’être adaptés au cinéma. Comme Fu Manchu ou No, ce furent des acteurs occidentaux grimés qui les incarnèrent généralement à l’écran. Aussi talentueux fussent-ils (Boris Karloff, Warner Oland !), peut-être le vrai racisme est-il là… Les rares acteurs asiatiques d’alors (La révolution Bruce Lee n’avait pas encore eu lieu.) étaient souvent voués à de petits rôles (les enfants de Charlie Chan)… même si, tout arrive, Chan fut aussi interprêté par des acteurs d’origine japonaise ou chinoise (lire FANTASTYKA N°21). On le voit, en matière de Péril Jaune ou de héros asiatiques, il faut se garder de trop généraliser dans l’espace forcément restreint d’un article.
Fu Manchu ne pouvait que séduire les créateurs de serials, par son potentiel maléfique (sa lutte contre l’occident colonisateur est fascinante) comme par le style même de son auteur, on ne peut plus feuilletonnesque. Des essais muets furent tournés en Angleterre, pays d’origine du personnage, mais la consécration vint surtout avec LE MASQUE D’OR de Charles Brabin, perle de ciné-club qui fit longtemps de l’ombre à ce grand serial, LES TAMBOURS DE FU MANCHU.
Inspiré par plusieurs romans de Sax Rohmer, et notamment par Le Masque de Fu Manchu et Le Prophète au Masque d’or, LES TAMBOURS DE FU MANCHU transcende, par son rythme trépidant (dès le teaser, digne d’éloge) une intrigue dont le point de départ évoque LE MASQUE D’OR. Les Fu Manchu, répétons-le, étaient faits pour le serial. Bien sûr, l’une des règles d’or du genre étant de privilégier l’action et les cascades, les auteurs ont cru bon d’inventer un jeune héros intrépide qui effectue la plupart des scènes d’action (beaucoup de bagarres bien réglées) à la place du trop vieux Nayland Smith. Les fans de Sax Rohmer le déploreront (le docteur Petrie, son Watson, a même un rôle insignifiant), les autres s’en moqueront et profiteront plutôt d’un spectacle total.
Si l’action y est très présente, ce n’est pas au détriment du mystère et de l’angoisse. Fort heureusement, car les enjeux sont bien différents du RETOUR DE ZORRO, des mêmes réalisateurs. Le génie du Mal Fu Manchu doit faire peur, comme lorsqu’il survient par une nuit d’orage, accompagné par les fanatiques voués à sa cause . Il est le vrai héros (négatif) des romans et du serial – comme, ailleurs, Fantômas ou Diabolik. On ne peut que saluer l’interprétation de Henry Brandon, sans faille, qui rivalise avec celle de Boris Karloff dans le Brabin et écrase celle, trop monolithique, de Christopher Lee dans les séries B des années 60.
Peut-être comme beaucoup de serials, et aussi réussi soit-il, LES TAMBOURS DE FU MANCHU se dégustera-t-il mieux à petites doses, épisode par épisode. Pourquoi pas en 15 jours ? Ce afin d’éviter un certaine lassitude née de la vision d’une intrigue qui piétine un peu sur le fond. Ce qui n’empêche pas des cliffhangers variés et des scènes incroyables comme l’attaque du héros par une pieuvre, une scène de pendule à la Edgar Poe (dont se souviendront Ian Fleming et Guy Hamilton pour un supplice mémorable de GOLDFINGER), ou l’utilisation d’un lézard venimeux à l’encontre de Nayland Smith. En 1962, le docteur No usera d’une mygale pour se débarrasser de James Bond. Mais c’est (peut-être) une autre histoire !


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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