Les traqués de l’an 2000, film de science-fiction non-conforme

Un texte signé André Quintaine

Austraie - 1982 - Brian Trenchard-Smith
Titres alternatifs : Turkey Shoot, Escape 2000
Interprètes : Steve Railsback, Olivia Hussey, Michael Craig, Carmen Duncan, Noel Ferrier, Lynda Stoner, Roger Ward...

Les Traqués de l’an 2000 est un chef-d’oeuvre de divertissement saint, qui cite Wells et Orwell. Sa radicalité lui permet d’adopter un ton juste. Quant à son histoire, c’est triste, mais avec le recul, elle s’avère plus visionnaire que dystopique.

Il n’en est pas moins que le film de Brian Trenchard-Smith est systématiquement descendu par les gardiens d’un septième art arrogant, orgueilleux et élitiste. «  Une honte pour l’industrie cinématographique australienne » disait-on à l’époque.

Dans un futur proche, les personnes qui ne partagent pas le même discours que le gouvernement sont appelées traîtres ou déviants.

Il convient dès lors de les “rééduquer”, en particulier le héros prit en flagrant délit de critique du régime dans son émission Radio Liberté. Les méthodes pour le remettre dans le droit chemin, lui et ses comparses, ne sont pas forcément à la pointe de la pédagogie. Par exemple, de temps en temps, des chasses à l’homme sont organisées au cours desquelles les favoris du régime peuvent tester leurs dernières armes sur les malheureux détenus…

Toutes ces raisons expliquent pourquoi les citoyens de ce monde de 1995 préfèrent se soumettre à un discours de conformité sociale plutôt que de s’exposer à la violence policière et aux condamnations à l’emporte-pièce…

S’il est aisé de railler Les Traqués de l’an 2000, c’est probablement parce qu’il est un peu… différent.

Ainsi, toutes les trouvailles du scénariste ne sont pas toujours très judicieuses, comme cet homme-chien cannibale qui obéit au doigt et à l’oeil à l’un des participants de la partie de chasse…

Les amateurs de cinéma bis apprécient, mais ce genre de délire est indéfendable en face d’un cinéphile élevé à l’école conformiste et qui aura tôt fait de conclure au navet, lui permettant, par la même occasion, de ne pas avoir à discuter du fond…

C’est bien dommage, car ce qui caractérise véritablement Les Traqués de l’an 2000, c’est le fond justement…

Radio liberté, convoi de la liberté même combat

D’abord, le tyrannique directeur du camp s’appelle Thatcher. Il s’agit d’un affront direct à la Dame de fer qui, avec l’appui de Ronald Reagan, a, à grands coups de réformes, fait basculer notre monde dans le libéralisme, ce qui a accru les inégalités économiques.

Ensuite, la violence du personnel du camp est gratuite, sadique, injustifiée. Elle renvoie aux images que l’on trouve dans les réseaux sociaux.

Quant à l’impunité avec laquelle les adorateurs du système se délectent de leur position de force pour s’en prendre aux plus faibles et aux insoumis, ne s’agirait-il pas d’un miroir reflétant le clivage de la société ?

Enfin, l’obligation de réaliser des tâches inutiles et improductives simplement parce que le « programme » les a conçus, soi-disant pour notre bien-être, fait écho aux bullshit jobs.

Brian Trenchard-Smith en rajoute un peu pour mieux nous interpeller. C’est d’autant plus important et désagréable que les années passant, le trait est de moins en moins gros et certains slogans de cette société tyrannique interpellent aujourd’hui, jugez-en par vous-même :

  • « La liberté c’est l’obéissance, L’obéissance c’est le travail, le travail c’est la vie »
  • « La désobéissance est une trahison, La trahison est un crime, Le crime sera puni »

À croire que certains de nos politiques contemporains ont vu le film et l’ont pris au pied de la lettre…

Fuck the critics!

Trahi par ses financeurs, Les Traqués de l’an 2000 a subi une coupe drastique dans son budget. Cela n’a pas empêché Brian Trenchard-Smith de livrer un film haut en couleurs.

Mais ce n’est pas tout…

Divisé en deux parties (la vie dans le camp suivi de la chasse à l’homme), l’oeuvre ne connaît aucun temps mort.

Le film n’est jamais avare en effets gores, certes gratuits, mais spectaculaires (tête coupée, corps qui explose…). L’action est survoltée (courses poursuites en voitures improbables, plantation en feu…) et le dépaysement surprenant avec des décors naturels divers et variés, parfois paradisiaques, d’autre fois désertiques…

Les personnages sont cocasses avec pléthore de protagonistes truculents, en particulier chez les méchants… Jennifer (Carmen Duncan) est une lesbienne fatale et sadique, Tito (Michael Petrovitch) est un pervers hautain, secondé par son homme-chien Alph (Steve Rackman), etc. Le casting est impeccable, même du côté des gentils grâce à Steve Railsback (Lifeforce) ou encore Olivia Hussey (Psychose IV ou Ça en 1990).

Au final, Les Traqués de l’an 2000 ne démérite pas aux côtés d’Arlequin, Strange Behavior, Le survivant d’un monde parallèle ou encore Patrick, qui font partie de cette vague de films australiens rafraîchissante qui a déferlé à la fin des années 70 et au début des années 80.

Ce n’est pas forcément surprenant car Brian Trenchard-Smith livre depuis le début des années 70 un cinéma d’exploitation des plus raffiné avec plusieurs films cultes comme La Nuit des démons 2, Le Drive in de l’enfer, Le Gang des BMX (premier film avec Nicole Kidman !) ou encore The Man from Hong Kong.

Bande-annonce

Les Traqués de l'an 2000 (1982) // Bande-annonce (VO)

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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks... Passionné de cinéma de genre, oeuvre également sur les blogs ThrillerAllee consacré au cinéma allemand et L'Écran Méchant Loup dédié aux lycanthropes au cinéma


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