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Let us prey

Dans une petite bourgade d’Écosse, Rachel quitte sa chambre de bonne pour rejoindre le poste de police où elle va effectuer son premier service de nuit. Sur le chemin, elle assiste à un accident de voiture sans victime : celle-ci disparaît avant qu’elle ait pu l’examiner. Mais elle emmène le coupable au poste. Ses collègues retrouvent bientôt l’homme mystérieux qui a survécu au choc. Mais le garder au poste va se révéler une terrible erreur. Il a le don de mettre à nu les pires instincts – et les plus horribles secrets – de ses compagnons de cellule.

Les films de genre irlandais ne sont pas légion. Récemment – en fait, au BIFFF l’an dernier – il y avait eu EARTHBOUND, un long métrage de science-fiction. LET US PREY lorgne plus vers l’horreur plus ou moins psychologique avec un soupçon d’ambiance mystérieuse et dérangeante et un final gore en forme de gros cadeau, et il y parvient avec brio. La presque totalité du film se déroule pendant une nuit, avec des allures d’ASSAULT (1976), et la photo met en valeur ces ténèbres persistantes. À tel point que les quelques scènes de jour éblouissent – un beau contraste quand on sait qu’elles dépeignent certains des moments les plus sombres du script.

Derrière la caméra, Brian O’Malley fait des débuts prometteurs aux manettes de son premier long métrage. Cultivant à la fois le suspense et l’exhibitionnisme, les angles qu’il choisit montrent toujours précisément ce qu’il souhaite que l’on voit, laissant une partie dans l’ombre. Pour mieux nous en mettre plein la vue quand le besoin s’en fait sentir.

Sans être d’une grande originalité, le scénario brille pourtant sur deux points : l’écriture des personnages, du protagoniste et de l’homme mystérieux plus particulièrement, et la montée crescendo de la tension et de la violence.
Rachel – interprétée par Pollyanna McIntosh qui nous avait séduits dans le rôle titre de THE WOMAN (2011) – est l’héroïne de LET US PREY et tout est mis en oeuvre pour qu’on s’identifie à elle, à sa droiture et son honnêteté, voire sa naïveté. Mais, petit à petit, on découvre un personnage moins manichéen qu’il n’y paraît. C’est la même chose pour le personnage interprété par Liam Cunningham. Habitué des rôles d’hommes sombres et renfermés (par exemple Davos dans la série GAME OF THRONES), il prête une fois de plus son physique bourru et ses sourcils renfrognés pour incarner un personnage – diable ou démon – qui en sait plus qu’on ne le pense. Mais loin d’être le mal incarné, ses motivations en font un personnage ni blanc ni noir. Nous avons tous une part sombre et cachée en nous-mêmes, et LET US PREY s’emploie à nous mettre face à cette évidence.
Le village dans lequel se déroule l’action semble désert. Les seuls personnages qui y évoluent sont les créatures de la nuit que le film nous invite à suivre. Peut-on y voir là une métaphore ? Ce village n’est-il qu’une sorte de purgatoire où les âmes les plus noires seront punies ? Et qu’est-ce qu’elles morflent, ces âmes souillées ! O’Malley fait le choix de nous montrer toujours un peu plus de cette part sombre chez ses personnages, jusqu’à un final de rouge et de noir, de feu et de sang. Une explosion libératrice après une longue macération dans son univers étrange.

Petit film sans prétention mais avec des intentions honnêtes pour séduire les fans du genre, LET US PREY remplit le cahier des charges. Tour à tour fun et éprouvant, il permet de passer un bon moment. Le film est d’ailleurs reparti avec le Méliès d’Argent qui récompense le meilleur film européen de la sélection. Enfoncez-vous dans les landes écossaises, si vous n’avez pas peur d’y laisser votre âme.

Entretien avec Liam Cunningham

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