L’Eté De La Dernière Etreinte

Un texte signé Jérôme Pottier

Japon - 1979 - Kichitaro Negishi
Titres alternatifs : Nureta Shumatsu
Interprètes : Junko Miyashita, Junichiro Yamashita, Tokiko Kazama, Aoi Nakajima, Kenji Shimamura...

Le terme de roman porno est une trouvaille marketing de la société de production Nikkatsu, tout près de la faillite à la fin des sixties, c’est sous cette appellation qu’elle désigne les nombreux films érotiques qu’elle va produire à partir de 1971. Quelques interprètes vont alors émerger, elles seront considérées comme des reines du genre à l’image de Junko Miyashita. Elle est l’une des actrices les plus prisées par le mythique réalisateur Noboru Tanaka avec lequel elle entretient une fructueuse collaboration dès 1974 sur CONFIDENTIEL-LE MARCHE SEXUEL DES FILLES. Leur duo est à son apogée artistique avec LA VERITABLE HISTOIRE D’ABE SADA (1975) dans lequel elle interprète magistralement le rôle-titre. Elle est, en 1979, la vedette d’un roman porno à composante sociale réalisé par Kichitaro Negishi : L’ETE DE LA DERNIERE ETREINTE.
Shimako est une employée modèle, poussant le professionnalisme jusqu’à être la maîtresse de son patron, Goto. Loin d’être intéressée, elle est réellement amoureuse de ce père de famille dont elle garde régulièrement la petite fille prénommée Akemi. Elle entretient également une étrange relation avec l’épouse de Goto, cette dernière ne cesse de trouver des prétendants à Shimako… si elle savait ! Shimako attend patiemment que son amant quitte sa femme qu’il dit délaisser sexuellement. Mais une série d’événements va bouleverser la vie de Shimako, elle va nouer une étrange relation avec un syndicaliste licencié qui tente de la cambrioler et elle va apprendre que la femme de Goto est enceinte…
Bien sûr, derrière ce script se dessine un drame de la jalousie malheureusement desservi par une réalisation qui manque d’ambition signée Kichitaro Negishi. Ce metteur en scène peu prolifique (21 films en 32 ans de carrière) est plutôt à l’aise dans le registre dramatique (comme le démontre le reste de sa filmographie), beaucoup moins dans l’illustration de l’érotisme. Ainsi, le film présente le grand paradoxe de développer une intrigue autour de personnages potentiellement très riches dont les ébats pourtant relevés (allant jusqu’au triolisme) sont platement illustrés. Le réalisateur déploie une esthétique tristounette qui banalise l’acte sexuel. L’idée principale étant de mettre en scène l’amour au sein de lieux de plus en plus exigus au fur et à mesure que la situation de Shimako, autant sociale que sexuelle, se dégrade.
Malheureusement ces personnages beaucoup plus complexes que dans la majeure partie de la production roman porno de l’époque sont désavantagés par une accumulation de lieux communs. Goto est une caricature de macho qui trompe son monde, sa femme est une sinistre gourde aveugle et sourde, les syndicalistes sont alcooliques et débitent inlassablement des slogans, le licencié est un oisif au mauvais sens du terme, son ex petite amie insupportable vit en dilettante, quant à Shimako… lorsqu’elle s’engage dans une certaine ambiguïté (en particulier vis-à-vis de la petite Akemi) le récit recadre le tout pour la ramener dans le « droit chemin ». Le seul intérêt du script se situe dans les liens entre Shimako et Akemi qui tiennent du conte initiatique (voir, à ce sujet, les nombreuses références au PETIT CHAPERON ROUGE). Toutefois, le métrage au lieu de choisir de pervertir définitivement cette relation avec une évolution dramatique puissante, fait le choix de la raison. Les regrets sont d’autant plus grands que cette pelloche avait de quoi se hisser au niveau de réussites comme LE VASE DE SABLE (Yoshitaro Nomura-1974). De plus, l’étrange fatigue qui habite les protagonistes est génératrice d’un sentiment de frustration important chez le spectateur.
L’intérêt de L’ETE DE LA DERNIERE ETREINTE tient principalement dans son interprétation, les acteurs contribuant à distiller cette étrange atmosphère mélancolique à travers leurs attitudes résignées. Comme broyée par la société nippone Junko Miyashita campe une Shimako au regard désespérément vide, loin des compositions agressivement érotiques qui firent sa gloire dès 1971 chez Koji Wakamatsu avec LA FAMILLE DU SEXE. Cette actrice à la carrière immense, qui fut de nombreuses fois primée, prouve qu’elle n’est pas qu’une ravissante starlette estampillée pinku eiga. Elle illumine un film à la réalisation incertaine (à la décharge du metteur en scène, ce n’est que son troisième long métrage) réservé à ses fans beaucoup plus qu’aux amateurs d’érotisme raffiné.


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- Article rédigé par : Jérôme Pottier

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