Liam Cunningham

Un texte signé Claire Annovazzi

Liam Cunningham, plus connu pour ses rôles dans GAME OF THRONES ou HUNGER, entre autres, était au Brussels International Fantastic Film Festival pour présenter un petit film irlandais, LET US PREY. Nous nous sommes entretenus de son travail d’acteur et du cinéma irlandais en général.

Sueurs Froides: Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que j’ai apprécié LET US PREY.

Liam Cunningham: Bien, je suis content !

Sueurs Froides: Il était bien fun. Pas parfait, mais c’était exactement ce que nous attendions.

Liam Cunningham: Bien. Il est intéressant. Les personnages sont intéressants. L’histoire est bonne, avec une patine à l’ancienne. J’aime bien le film. Je l’ai vu deux fois, déjà. Ma première fois était hier. C’était vraiment cool de le voir avec un public.

Sueurs Froides: Vous jouez le personnage sombre et taciturne.

Liam Cunningham: Parfois. Parfois, oui.

Sueurs Froides: Souvent, je trouve. Même Davos est un peu comme ça.

Liam Cunningham: Oui, je suppose. C’est un brave type. Un type qui souffre depuis longtemps. Pauvre homme, je me sens désolé pour lui. Quelque chose de bien va lui arriver bientôt, j’espère.

Sueurs Froides: Espérons. Avez-vous lu le livre ?

Liam Cunningham: Non. Et vous ?

Sueurs Froides: J’ai commencé.

Liam Cunningham: Je lirai les livres à la fin du tournage. Je ne veux pas être influencé. Le script est ce qui m’intéresse pour le moment. Quand la série sera finie, je me pencherai sur les livres, je pense. C’est trop de travail pour l’instant.

Sueurs Froides: Comment en êtes-vous venu à participer au projet LET US PREY ?

Liam Cunningham: J’ai fait un court-métrage avec Brian, le réalisateur, il y a une dizaine d’années, appelé SCHOOL BACK. C’était un très bon – pas vraiment un film de gangster, mais un film de kidnapping. On voulait en faire un long, mais ça n’a jamais abouti. Comme ça arrive pour nombre de films. Il y a un ou deux ans, Brian a été approché par les producteurs avec le script. Ils lui ont demandé s’il était intéressé. Il a dit oui. Puis il m’a contacté pour me dire : “Faisons-le.” Et j’ai pensé que c’était plutôt cool. Si on y réfléchit, c’est le diable, ou la faucheuse, quel que soit le nom qu’on lui donne. Mais en fait, c’est un personnage plutôt cool. Il n’est pas maléfique. Il se débarrasse du mal. Il punit les gens mauvais. C’est une sorte d’anti-héros, non ? Mais c’est un bon personnage. Je l’aime assez. Vous pouvez spéculer à son sujet, mais vous n’êtes jamais vraiment sûr de pourquoi il fait tout ce qu’il fait. C’est un personnage intéressant. Il est énigmatique.

Sueurs Froides: Mais c’est toujours à cause d’une fille.

Liam Cunningham: Si vous pouvez avoir la fille en plus, c’est une bonne chose !

Sueurs Froides: Vous avez participé à d’autres films d’horreur, comme DOG SOLDIERS. Avez-vous un intérêt particulier pour le cinéma de genre ?

Liam Cunningham: Tout à fait ! Je suis un grand fan de science-fiction et de bons films d’horreur. LES DENTS DE LA MER est le film d’horreur parfait. L’une des raisons qui font que je les aime, c’est qu’ils sont proches de l’opéra. Les sentiments sont exacerbés. La vengeance, la peur, la paranoïa, la tension… tout un tas d’autres. Dans une certaine mesure, c’est comme être à bord d’un grand-huit. Vous êtes en sécurité, mais vous sentez quand même le danger. C’est chouette ! Il y a un ou deux moments effrayants ici – je vais vous dire quelque chose que je n’ai encore dit à personne. Vous voyez le jeu avec l’allumette dans ma main ? Et le passage où j’ai les yeux blancs ? C’est ma fille qui l’a fait. Elle participe aux effets spéciaux. Elle adore les films d’horreur. C’est la première fois que – elle est au générique du film. Elle a participé aux meilleurs effets effrayants du film, qui font vraiment peur aux gens. Ils sont à l’ancienne, le genre d’effet surprise. Mais on peut quand même raconter une bonne histoire. Avec de bons personnages, crédibles. Dans cet univers vraiment étrange, irréel. J’aime plutôt ça, ces paramètres du genre horrifique. J’aime les histoires. Si vous regardez GAME OF THRONES, on se demande de quoi ça parle. Il y a des dragons, des bébés-ombres…

Sueurs Froides: C’est du fantastique.

Liam Cunningham: C’est du fantastique, et en même temps, ça n’en est pas ! C’est un décor. Ce monde a été créé pour raconter cette histoire dramatique entre ces personnages superbement écrits. Je pense que quoi que vous fassiez, comédie, comédie musicale, drame, film d’horreur, n’importe quoi, vous avez une obligation envers le public d’avoir des personnages crédibles. Ils peuvent être extrêmes, mais ils doivent rester crédibles. Parce que vous partez en voyage avec eux. Ça vaut pour tous les genres, drame ou horreur. Il faut parvenir à suspendre l’incrédulité du public. C’est mon boulot, et c’est ce pour quoi je l’aime. Il y a beaucoup de violence, d’horreur, des choses bizarres, mais il faut essayer de lui donner du réalisme. C’est un peu la magie du cinéma.

Sueurs Froides: C’est la raison pour laquelle vous avez changé de carrière pour en venir au cinéma ?

Liam Cunningham: Plutôt, en fait, oui. J’avais 29 ans quand je suis devenu acteur. Je suis tombé amoureux de ce métier parce que j’aimais résoudre ce type de problème. Apporter mon jeu d’acteur à une histoire, en partie, mais aussi suivre ces personnages. On peut les détester, les aimer, pleurer avec eux, mais mon boulot, en tant que raconteur d’histoire, c’est d’emmener les gens avec moi. C’est ma responsabilité.

Sueurs Froides: Et vous y parvenez très bien.

Liam Cunningham: Je fais de mon mieux. Parfois, je suis meilleur qu’à d’autres moments, mais je fais toujours de mon mieux. J’essaye.

Sueurs Froides: Vous pensez que vous avez échoué, parfois ?

Liam Cunningham: Bien sûr ! On échoue tous.

Sueurs Froides: Pour quel film ?

Liam Cunningham: Je ne dirai rien ! Mais jamais totalement. Parfois, je regarde un de mes films et je me dis : “Je n’aurais peut-être pas dû faire ça.” Je suis très critique quand je regarde. Quand la caméra tourne, vous avez un temps limité, il y a les effets spéciaux, ce genre de choses… plein de choses qui peuvent gêner la prise de décision. Surtout sur des projets à petit budget, pour lesquels il y a une limite de temps. Il faut essayer de prendre un maximum de décisions avant le tournage, de savoir où vous vous placez. La plupart du temps, quand j’arrive sur le plateau, je n’ai aucune idée de ce que je vais faire, jusqu’à ce qu’on construise la scène. Il y a différentes manières de se lancer : passer une porte, une fusillade… Mais il faut quand même savoir comment vous placer, où vous allez, d’où vous venez. Tout cela affecte ce que vous pensez. C’est le genre de problème auquel j’aime me confronter.

Sueurs Froides: Puisque vous voulez interpréter vos personnages de manière crédible, comment vous vous préparez pour vos rôles ? Pour celui de Davos, ou celui que vous incarnez dans LET US PREY ? Avez-vous une méthode ?

Liam Cunningham: On en a tous une ! Tout d’abord, il faut qu’une histoire me saisisse. Ça a à voir avec le scénario. Quand je le lis, si au bout de cinq pages, je me demande ce qu’il se passait sur la première, ce que je sais, c’est que le public va penser la même chose. Alors je ferme le script, je le mets de côté, et je réponds que je ne peux pas le faire.

Sueurs Froides: Suivant !

Liam Cunningham: Mais si, quand je le lis, j’oublie mon personnage, et tout ce que je vois, c’est l’histoire sur le papier et la manière dont les personnages interagissent, je me dis : “Okay, si le script m’intéresse autant, au moins d’un point de vue créatif, je vais le faire.” C’est en quelque sorte instinctif. C’est pareil avec tout. Si vous prenez un livre et que vous vous dîtes : “Putain, j’aurais jamais dû acheter ça, c’est de la merde. Mais je vais le finir. On m’a dit que la seconde partie était meilleure.” J’ai pas de temps pour ça. La vie est trop courte ! Donc, autant que possible, non seulement je choisis des histoires que j’aimerais voir, mais aussi auxquelles j’ai envie de participer. C’est ce que j’essaye de faire. Et on espère qu’un bon scénario va nous parvenir. Dans la boîte aux lettres.

Sueurs Froides: LET US PREY est un film irlandais.

Liam Cunningham: Il a été tourné en Écosse.

Sueurs Froides: Mais la production est irlandaise.

Liam Cunningham: Il y a peut-être aussi de l’argent anglais ou écossais, mais je crois effectivement que la maison de production est basée en Irlande. Et les 3/4 du film ont été tournés à l’Ouest de l’Irlande. Et nous avons tourné une semaine en extérieurs en Écosse. Pour le village, ce genre de truc. C’est une production anglo-écossaise. L’histoire se passe en Écosse. La plupart des acteurs sont écossais.

Sueurs Froides: Ça s’entend !

Liam Cunningham: Même moi, je me demandais ce qu’ils racontaient. L’accent est très prononcé. C’était parfois difficile de comprendre ce qu’ils disaient. Mais oui, c’est assez inhabituel. Il n’y a pas souvent de films d’horreur irlandais.

Sueurs Froides: Ou de films irlandais en général.

Liam Cunningham: Oui, je crois que le dernier était CALVARY.

Sueurs Froides: L’an dernier, nous avons eu EARTHBOUND. C’était un très petit film. Je crois qu’il est sorti dans deux ou trois salles en Irlande.

Liam Cunningham: C’est très difficile de réunir l’argent à moins de le lancer à l’international, d’avoir une star à l’affiche. C’est difficile de rentabiliser l’investissement.

Sueurs Froides: Et vous êtes obligé de tourner dans d’autres pays.

Liam Cunningham: Je ne travaille pas beaucoup en Irlande. Sauf pour GAME OF THRONES, puisque c’est là qu’on tourne. Pour LET US PREY, j’ai passé trois semaines en Irlande. Mais mes deux derniers films, l’un a été tourné en Afrique, l’autre est supposé se passer en Irlande, mais on l’a filmé en Angleterre. Ce qui est bizarre. Mais c’est à cause de l’argent anglais. Parfois, il faut aller où est l’argent pour pouvoir raconter une histoire. Le côté sale de ce business. L’argent. Beurk.

Sueurs Froides: Donc de grands acteurs irlandais, comme vous ou Michael Fassbender, sont obligés de se mettre sur le marché international.

Liam Cunningham: Si vous aimez ce que vous faîtes, vous voulez qu’un maximum de gens le voient. L’Irlande, c’est 4 millions d’habitants. C’est tout petit. Ce qu’il faut faire alors – Michael est allé vivre en Angleterre en attendant une opportunité. Ce que lui a donné HUNGER. Qu’on a fait en partie en Irlande. Michael vient juste de revenir du Canada. Il a fini un film en Écosse, MACBETH, avec Marion Cotillard. Il faut aller là où il y a du travail !

Sueurs Froides: Est-ce que c’est un peu frustrant ?

Liam Cunningham: J’aime voyager, je m’en fous ! Je vais partout.

Sueurs Froides: Et la famille ?

Liam Cunningham: Je fais des allers et retours. Je ne suis jamais parti longtemps. J’adore monter dans un avion pour aller au travail. Je préfère travailler loin de la maison. GAME OF THRONES est à environ 2h30 de chez moi, ce qui est parfait. Mais c’est déjà loin de la maison. Je n’aime pas faire des films à Dublin. Je n’aime pas rentrer à la maison à la fin de la journée. Il faut laisser le film derrière soi. J’aime bien être emporté par le film quand je le fais. Je n’aime pas être interrompu par n’importe quoi. Je veux me concentrer. 9H30 sur 10, quand je suis sur un tournage, je ne pense à rien. Mais pendant cette demi-heure, j’ai besoin de pouvoir me retrouver, pour faire émerger des idées. J’ai besoin d’être libre de relire le script si je veux. Pas devoir accompagner les enfants à l’école. J’adore le faire, mais pas quand je travaille. Quand je travaille, je deviens très égoïste. Je pense qu’il faut l’être, parce que les gens payent pour voir votre travail ! Il faut essayer de faire de son mieux.

Sueurs Froides: Une dernière question : que pensez-vous du BIFFF et de son atmosphère ? De la Belgique en général ? Et bien sûr, de sa bière ?

Liam Cunningham: C’est ma première fois ici. Le BIFFF est fantastique ! On a reçu un accueil formidable. C’est la 4ème fois pour les producteurs, mais c’est ma première. Ce sont presque de vieux amis des organisateurs du festival. Ils adorent venir ici. C’est presque une deuxième maison pour eux. Et c’est un moyen formidable de faire connaître un film quand on n’a pas un gros budget pour la publicité et le marketting. Et quand on se retrouve face à un public de fans hardcores, comme celui-ci, qui est respecté internationalement, ou le public du Japon, par exemple, c’est merveilleux ! C’est une fête ! Pour des personnes qui aiment les films de genre. C’est super, parce que le cinéma, c’est comme la musique, c’est une chose magnifique qui réunit les gens. Ça fait vraiment plaisir d’être dans ce business quand les gens aiment ce que vous faîtes.

Sueurs Froides: Et la Belgique ?

Liam Cunningham: C’est très bien ! Je suis venu une ou deux fois ici, pour le Grand Prix à Spa Francorchamps. Mais j’ai passé qu’une nuit à Bruxelles, il y a huit ans, et c’est tout. On a bu la nuit dernière, au Cercueil. Ce soir, après dîner, on va faire des bêtises à Bruxelles. On va voir ce qu’on peut faire pour s’amuser.

Lire la critique de Let us prey

Retrouvez nos chroniques du BIFFF 2014


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- Article rédigé par : Claire Annovazzi

- Ses films préférés : Une Balle dans la Tête, Fight Club, La Grande Bouffe, Evil Dead, Mon Voisin Totoro

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