Un texte signé André Cote

USA - 1957 - Robert Mulligan
Titres alternatifs : The Defender
Interprètes : Martin Balsam, William Shatner, Ralph Bellamy, Steve McQueen, Rudy Bond...

retrospective

L’Ombre Du Doute

Un père et son fils, tous deux avocats, doivent défendre un homme accusé, à tort semble-t-il, d’un meurtre. Les deux hommes de loi ont des opinions divergentes : l’un pense cet homme innocent, l’autre le croit coupable.

Le polar juridique est un genre bien ancré dans la culture américaine. Il compte bon nombre de classiques comme l’excellent DOUZE HOMMES EN COLERE de Sidney Lumet, les livres de John Grisham ou encore la série télé PERRY MASON. Dans ce sous-genre du polar, on peut trouver plusieurs éléments propices au suspense, comme la découverte de nouveaux témoins ou de nouvelles preuves, et surtout le verdict inéluctable.
Notre OMBRE DU DOUTE (ou THE DEFENDERS en VO) s’inscrit dans cette lignée. A l’origine, le long-métrage de Robert Mulligan, réalisateur méconnu mais à la réputation honorable, est un téléfilm en deux parties pour l’anthologie Studio One. Or, l’Histoire a fait de cette anthologie une source impressionnante de talents : le scénariste de ce DEFENDERS n’est autre que Reginald Rose, qui sera oscarisé pour le fameux DOUZE HOMMES EN COLÈRE ; après avoir dirigé une bonne centaine d’épisodes,le réalisateur Franklyn J. Schaffner mettra en scène PAPILLON et LA PLANETE DES SINGES ; en outre, du côté des acteurs, nous pouvons trouver des Charlon Heston, Leslie Nielsen ou encore Dennis Hopper, encore inconnus à l’époque. D’ailleurs, nous avons ici un William Shatner qui n’était pas encore le Capitaine Kirk de « STAR TREK » et un Steve McQueen avant sa série « AU NOM DE LA LOI » ou le film LA GRANDE EVASION. Ces derniers incarnent respectivement le fils de illustre avocat et l’homme accusé de meurtre.
Au niveau de l’interprétation, on remarque d’ailleurs que le tandem Shatner et Ralph Bellamy, qui joue le père, portent à merveille le récit sur ses épaules en nous offrant un conflit générationnel. Ainsi, alors que le duo père/fils nous est présenté dans la perspective d’une relation maître/élève, les points de vue des personnages se révèlent tellement en opposition qu’ils donnent naissance à une discorde sur la stratégie à adopter. On constate, à cet égard, que le cœur de l’intrigue ne se révèle pas la recherche de la vérité mais le dilemme entre le devoir moral et professionnel : le père, blasé, pense que leur client est coupable et qu’aucune astuce juridique ne devrait être employée ; le fils, quant à lui, idéaliste, estime que leur rôle n’est pas de juger. De cette manière, si le déroulement de l’enquête importe peu, c’est bien le combat verbal que se livrent les deux hommes qui s’avère captivant. Il donne lieu à un face à face où les regards et les mots ont plus d’impact qu’un coup de poing, puisqu’à travers le discours, c’est le sort d’un homme qui se joue.
De surcroît, il est bon de noter que THE DEFENDERS reste ambigu sur la responsabilité de l’accusé. Si le dernier acte du procès est propice à moult rebondissements, aucun témoignage ou indice ne se montre satisfaisant. De même, les circonstances du crime ne nous sont jamais dévoilées, pour que nous, spectateurs, puissions rétablir la vérité. En conséquence, L’OMBRE DU DOUTE semble préfigurer DOUZE HOMMES EN COLERE de Lumet. Dans ce dernier, nous voyons une douzaine de jurés réunis pour délibérer. L’un des intérêts du récit réside dans le combat d’une de ces personnes qui pousse ses collègues à voir au-delà de leur préjugés afin de rendre un jugement équitable, sans que le spectateur ne soit dans la confidence, par l’intermédiaire de scènes en flash-back évoquant par exemple, des événements qui font l’objet du verdict. Or, dans les deux parties du métrage de Mulligan, nous avons un avocat encore novice qui doit lutter contre les désillusions de son aîné et la vindicte de la foule. Dans les deux œuvres, on nous propose ainsi la description d’un système faillible en raison des idées préconçues des individus, qui en sont pourtant les serviteurs.
En somme, alors que l’on pouvait redouter un rythme laborieux, tributaire des contraintes télévisuelles, Mulligan réussit à rendre son métrage haletant en privilégiant l’aspect humain. L’écriture de Reginald Rose doit y être également pour beaucoup au regard des thématiques abordées. Pour cette raison, L’OMBRE DU DOUTE fait partie de ces petites perles télévisuelles qu’il est urgent de découvrir.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood

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