Looker

Un texte signé Philippe Chouvel

USA - 1981 - Michael Crichton
Interprètes : Albert Finney, Susan Dey, James Coburn, Leigh Taylor-Young, Dorian Harewood, Tim Rossovich

Un chirurgien esthétique renommé est obligé d’enquêter sur la mort violente de trois de ses anciennes patientes, qui étaient toutes des ‘top model’. Suspecté par la police, il va devoir prouver son innocence tout en protégeant une amie proche des trois victimes, elle-même mannequin.
Le Docteur Larry Roberts est un éminent chirurgien plastique. Parmi ses récentes patientes figurent quatre ravissantes jeunes femmes, travaillant toutes dans la publicité et se connaissant donc. Bien que physiquement très belles, elles ont souhaité apporter quelques retouches à leurs apparences physiques, destinées à rectifier des petites imperfections. Ces soi-disant défauts ont été notifiés par la société qui les emploie : la Digital Matrix, une agence de publicité « high-tech » qui concilie marketing et recherches scientifiques. Cette firme est spécialisée dans l’étude des mécanismes de la perception et utilise pour ses travaux un matériel informatique ultra-perfectionné. Les spots publicitaires qu’elle met au point nécessitent le concours de mannequins performants au point d’arriver aux 100% imposés par le logiciel : un chiffre qui correspond non seulement à la beauté de l’actrice mais aussi à sa façon de se mouvoir dans l’espace, l’élégance de sa gestuelle, etc. De ce fait, il va sans dire que Digital Matrix se donne bien du mal pour vendre ses produits, qu’il s’agisse d’un parfum ou d’un nettoyant ménager. Susan, Lisa, Tina et Cindy sont les quatre modèles ayant atteint les meilleurs scores. Seulement voilà, la première s’est écrasée contre un pilonne au volant de sa voiture, et la deuxième a fait une chute mortelle depuis le balcon de son appartement. Puis, c’est Tina qui vient avertir Roberts qu’elle est en danger de mort. Et, tandis que celui-ci décide à son tour de lui rendre visite afin d’en savoir plus, il est témoin de la mort violente de sa cliente, venant s’écraser sur le toit d’une voiture après une chute similaire à celle de Lisa quelques heures plus tôt. Le chirurgien décide donc de mener sa propre enquête, avec la collaboration de Cindy, elle aussi désireuse de savoir ce qui est arrivé à ses collègues et amies.
Très vite, les indices remontent jusqu’à Digital Matrix, dirigée par une femme à la fois belle et froide : Jennifer Long, et dont le propriétaire s’appelle John Reston, un riche magnat de la publicité et grand patron de la presse, un homme particulièrement influent qui soutient le sénateur Harrison en vue des prochaines élections présidentielles.
Avant d’être l’écrivain mondialement connu qu’il est depuis plusieurs années, Michael Crichton a aussi été, en parallèle, un excellent réalisateur, le premier film qu’il ait mis en scène pour le cinéma n’étant autre que MONDWEST (1973). Déjà, à cette époque, l’auteur explorait les avancées du progrès et intégrait des éléments de science-fiction dans un contexte contemporain. En 1978, avec MORTS SUSPECTES (COMA), Crichton nous mettait en garde contre le danger de la manipulation, à travers le pouvoir de la médecine. Trois ans plus tard, avec LOOKER, il en remet une seconde couche, et cette fois c’est la télévision, et à travers elle la publicité, qui se retrouve dans le collimateur de l’écrivain/cinéaste. S’appuyant sur des statistiques édifiantes (les américains passent en moyenne cinquante minutes par jour à regarder des publicités, et un cinquième de leur vie devant un poste de télévision), il démontre à quel point ce support médiatique peut constituer un danger pour tout un chacun, mais aussi une arme redoutable pour celui qui l’exploite à des fins peu recommandables. De ce fait, Michael Crichton nous invite à traverser le tube cathodique, telle Alice, pour voir ce qui se passe de l’autre côté de l’écran. LOOKER est par conséquent, derrière une façade de thriller fantastique, une critique virulente des médias, de la consommation à outrance, et de la manipulation du public via certains moyens comme le subliminal. Le cinéaste parsème son film d’éléments purement fictionnels, cela dit, comme cette fameuse arme déclenchant un flash de lumière ayant le pouvoir de paralyser et de faire perdre la mémoire pendant quelques secondes, voire plusieurs heures si l’arme est utilisée plusieurs fois contre la même cible. Cela donne un côté futuriste, et même humoristique lorsque l’on sait que le tueur qui utilise ce prototype top-secret, un certain « Moustache Man », est en réalité plus maladroit que dangereux, et ce ressort comique souhaité par Crichton se concrétise notamment à l’écran par une scène de poursuite en voiture mémorable.
Un autre aspect du progrès développé par le metteur en scène dans LOOKER concerne l’évolution et l’importance sans cesse croissante des images de synthèse dans le cinéma et la publicité. Moins perfectionné qu’aujourd’hui, évidemment, c’était déjà en 1981 un domaine qui avançait à grands pas, et il suffit de voir les travaux effectués par les studios Walt Disney avec TRON l’année suivante (1982) pour s’en rendre compte.
LOOKER, outre un scénario excellent et une réalisation soignée, bénéficie également d’un casting « 4 étoiles ». Dans le rôle du Docteur Larry Roberts, on retrouve avec plaisir Albert Finney, un acteur attachant, homme de théâtre, qui enchaînera la même année avec un autre film fantastique : WOLFEN. Cindy est incarnée par une charmante jeune femme : Susan Dey, qui tournera essentiellement pour la télévision. Dans des seconds rôles étoffés, James Coburn et Leigh Taylor-Young (SOLEIL VERT) crèvent l’écran. Enfin, pour l’anecdote, le film regorge aussi de splendides playmates du magazine Playboy, parmi lesquelles Terri Welles, dans le rôle de Lisa, la première victime. Ajoutons une bande musicale agréable, qui alterne musique classique (Vivaldi), plages de synthétiseur rappelant Mike Oldfield et Tangerine Dream, et un générique Rock FM très proche d’une Pat Benatar ou d’une Ellen Foley. Au final, LOOKER peut être considéré tout simplement comme l’un des films majeurs des années 1980.


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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