L’Ordre de la Mort

Un texte signé Patryck Ficini

France - 2017 - Ganche Edouard

« Deux entailles profondes marquaient à la place des seins, deux cicatrices horribles. Et tout autour de cette poitrine autrefois merveilleuse, de larges taches produites par un fer rouge étaient comme autant de larmes coulant de ces plaies repoussantes. » (pp. 23-24)

L’ORDRE DE LA MORT regroupe des nouvelles publiées en revue au début du vingtième siècle par l’auteur d’un véritable chef d’œuvre : LE LIVRE DE LA MORT, l’immense Edouard Ganche. La Clef d’Argent, qui avait réédité l’oeuvre majeure de Ganche en 2012, dans une version définitive, fait ici une nouvelle fois œuvre utile.
En effet, le lecteur avide de sensations macabres qui tourne la dernière page du LIVRE DE LA MORT, n’a qu’une envie : en lire plus, connaître d’autre contes de la plume de l’étonnant Edouard Ganche, tant ce recueil fait l’effet d’un enterrement de première classe.
Soyons clairs, L’ORDRE DE LA MORT, aussi intéressant et remarquablement écrit soit-il, s’avère nettement moins fort dans son ensemble que le LIVRE DE LA MORT, décidément unique.
Des textes sont d’un intérêt un peu anecdotique (notamment lorsque Ganche s’essaie avec un certain talent à l’exercice littéraire du portrait), alors que d’autres nous replongent heureusement dans l’ambiance puissamment délétère et morbide du LIVRE DE LA MORT.
Parmi ces derniers, citons le génial OLGA DIMITROFF, sensuel autant que malsain (le corps d’une femme mutilée, objet de fascination/répulsion – on est proche de l’Ero Guro d’un Edogawa Ranpo) ou LE GENIE DU MAL dont le titre en dit long sur la vision qu’avait Ganche des motivations profondes de certains médecins (carrière qu’il fallit d’ailleurs embrasser, à l’image de son père). L’ORDRE DE LA MORT, fantastique comme une nouvelle d’Edgar Poe, CHIENS… A LA CUREE (où un homme fait l’amour devant le cercueil de sa mère, préalablement assassinée par ses soins !) et L’OPEREE apportent des émotions comparables à celles qui étaient véhiculées par LE LIVRE DE LA MORT et ne devraient donc pas décevoir l’admirateur sincère de Edouard Ganche.
Des textes comme le très joli GRAND AMI, sur la mort d’une enfant, ou LES MISERABLES, à l’issue tragique et terriblement réaliste, sont emplis de la passion troublante de Ganche pour les choses de la mort. Sous sa plume inspirée, le conte cruel (et émouvant, bien souvent) rejoint le macabre le plus noir, le naturalisme (LES MISERABLES, toujours) se joint au nécromantisme le plus pur pour entraîner le lecteur incrédule vers un univers unique et torturé par l’appréhension du devenir humain, ultime et irrémédiable.
Il en va ainsi de même pour la MORT DU MEDECIN, autobiographique en grande partie (les souvenirs liés à son père) mais au final incroyablement noir et violent.
Ganche reste à lire aujourd’hui pour l’admirable maîtrise de la langue qui était la sienne (un régal pour les nostalgiques cultivés puisqu’on n’écrit plus ainsi aujourd’hui), mais aussi et avant tout pour le contenu de ses textes les plus sombres, qui achèvent d‘en rendre la lecture incomparable.
“Et je vis maintenant dans l’ombre de la mort.” (p. 76)


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

Share via
Copy link