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Lost Soul: The Doomed Journey of Richard Stanley’s Island of Dr. Moreau

Richard Stanley, cinéaste prometteur de HARDWARE, rêve depuis toujours de porter à l’écran le roman de H.G. Wells, L’Île du docteur Moreau. Après avoir sorti un script dans lequel le roman est modernisé, il se met en quête de producteurs qui pourraient lui permettre de réaliser son rêve. Or, les droits du livre appartiennent à un studio. Finalement, après une longue bataille pour rester à la réalisation, il se retrouve, en 1996, à la tête d’un budget conséquent lui permettant enfin de donner vie à son projet. La présence de Marlon Brando à l’affiche est une providence pour le film mais va également marquer le début de l’enfer pour le jeune cinéaste. En effet, le rêve va très vite tourner au cauchemar : entre les batailles d’ego, l’implacable fonctionnement de l’industrie cinématographique et l’indéniable malédiction qui semble frapper le métrage. Un documentaire revient sur l’étendue de ce naufrage : des premiers croquis préparatoires au renvoi brutal de Richard Stanley du plateau de tournage, en passant par les exigences d’un Marlon Brando surréaliste…

David Gregory, auteur du documentaire, n’en est pas à son premier essai. Il réalise en 2000 TEXAS CHAINSAW MASSACRE – THE SCHOCKING TRUTH, avant de concevoir une centaine de documentaires dans la même veine. Il fonde en 2006, Severin Films, un label de films d’horreur cultes dont le but est de restaurer les œuvres et de les ressortir en salles. En 2008, il réalise son premier film fictionnel, PLAGUE TOWN. Puis, en 2011, alors qu’il dirige l’anthologie THE THEATRE BIZARRE, il rencontre Richard Stanley qui réalise le premier sketch de l’anthologie. C’est durant la post-production de THE THEATRE BIZARRE que les deux hommes parlent de ce projet de documentaire.
Dans un premier temps, Richard Stanley qui a signé une clause de confidentialité sur la production de L’ÎLE DU DOCTEUR MOREAU, n’a guère envie de parler de ce film qui a quasiment détruit sa carrière ainsi que sa vie. Mais au fil des rencontres et du temps, il finit par accepter de se confier à la caméra de David Gregory qui parvient à réunir un grand nombre de participants de cette infernale aventure, comme les producteurs, le studio de production mais aussi Fairuza Balk et d’autres acteurs du film. Rares sont ceux manquant à l’appel.

Le documentaire cherche à expliquer comment le projet a pu capoter à ce point-là en menant une véritable enquête auprès de tous ceux qui ont été témoin de ce naufrage. LOST SOUL n’essaie pas d’adopter un point de vue, de se ranger du côté de Richard Stanley ou de la production, mais plutôt de recueillir les témoignages de chacun et de tracer un gigantesque portrait robot du tournage sans doute le plus catastrophique n’ayant jamais existé.
Le documentaire donne lieu à des moments de drôleries quand on nous raconte les folles exigences de Marlon Brando qui, s’il est attaché au film par un contrat, ne semble guère avoir envie de participer à ce qui ressemble à une farce maudite. Parfois, c’est au tragique qu’il touche, quand on voit la déchéance de Richard Stanley, chassé de son propre film, qui revient sur le tournage en tant que figurant portant un masque de singe, pour assister à la destruction de son rêve.

Mélange d’une destinée funeste et d’une effroyable machine qui s’enraille, LOST SOUL, est le récit d’une enquête qui revient sur le tournage catastrophique de L’ÎLE DU DOCTEUR MOREAU en laissant le spectateur seul juge. Indéniablement, un bon documentaire qui satisfera les cinéphiles curieux comme les amateurs de récits de catastrophe.

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