LUFF 2010

Un texte signé Éric Peretti

- 2010

C’est à Lausanne, du 20 au 24 octobre, que s’est tenue la neuvième édition du LUFF, acronyme accrocheur dissimulant sobrement un événement culturel aussi courageux qu’ambitieux, le Lausanne Underground Film & Music Festival.
Jouant la carte de la pluralité des supports, le LUFF se décline en plusieurs attractions, sur différents médiums. Il était donc possible d’assister à toute une série de concerts réunissant avec bonheur divers courants musicaux et artistes originaux, de flâner à l’exposition Destroy all Monsters, d’être surpris par des performances sauvages, ou encore d’écouter la radio éphémère du festival.
En ce qui concerne la partie purement cinématographique, la programmation fut une fois encore aussi pointue que captivante en proposant des œuvres peu consensuelles et parfois difficiles, tentant de répondre à la vaste appellation « underground ».
Du côté des films en compétition, THE DEATH OF ALICE BLUE, gentille comédie vampirique, ne parvient pas réellement à convaincre de sa légitimité au sein de la sélection et va retourner, avec MODUS OPERANTI, hommage kitsch au cinéma d’exploitation, dans le carton des films arrivés là par erreur. Plus convaincants sont THE LIFE AND DEATH OF A PORNO GANG et WOUND. Le premier pose un regard pessimiste sur une Serbie où les valeurs morales ont été remaniées par des années de guerre civile, quant au deuxième, il confirme l’attachement de son réalisateur pour le sadomasochisme et le fétichisme. Mais la pièce maîtresse de cette sélection fut assurément TRASH HUMPERS et ses baiseurs de poubelles, qui remportera presque sans surprise le Grand Prix 2010 décerné par un Jörg Buttgereit visiblement peu motivé.
Une compétition parallèle opposait une trentaine de courts métrages dans trois catégories différentes, fiction, animation et expérimentale. Apparemment plus harmonieuse et en phase avec la thématique du festival, cette sélection de courts rassure sur le potentiel créatif d’une nouvelle génération.
Outre les compétitions, le LUFF propose également des rétrospectives bienvenues favorisant la découverte de cinéastes peu connus et de films suffisamment rares pour susciter l’envie de les voir sur grand écran. C’est le cas de Michael Snow, expérimentateur audiovisuel travaillant entre autres sur les niveaux de perception chez le spectateur, invité par le festival à participer à une table ronde.
Plus connus mais rarement diffusés, les longs métrages du tchèque Jan Svankmajer furent projetés à un public curieux de découvrir ce maître de l’animation en volume. Les cinq films choisis, dont le récent SURVIVING LIFE qui fera l’ouverture du festival, étaient présentés par un universitaire absolument pas pédagogue qui, à force de trop vouloir intellectualiser l’œuvre, a fini par dérouter les spectateurs avec ses théories fumeuses et a presque réussi à annihiler toute envie de rester pour la suite.
À l’opposé de ces exposés fastidieux, le phrasé pétillant de Christophe Bier a bien été dégusté comme le meilleur des apéritifs par un public curieux de voir un genre de film qui a disparu des salles de cinéma depuis longtemps. Excellente initiative que de donner une carte blanche à cet érudit de l’étrange pour qu’il la transforme en série rose. Les quatre pornos français des années 70 projetés furent un enchantement, déclenchant certes plus de rires que d’excitation. Comble du bonheur, le réalisateur Michel Barny et sa femme Maryline Jess étaient présents pour la présentation de MES NUITS AVEC…
Autre phénomène présent au LUFF cette année, le prolixe et attachant Jean-Louis Van Belle venu fièrement présenter quatre films, dont le mythique SADIQUE AUX DENTS ROUGES dans une magnifique copie restaurée. Véritable pile électrique ne ratant jamais une occasion de faire le pitre, il assurera le spectacle sur scène lorsque la bobine de l’un des films cassera en meublant le temps de réparation par le récit des nombreuses anecdotes de tournage.
Mais ce n’est pas tout, l’on pouvait également se délecter, dans une salle minuscule, des films du président du jury, Jörg Buttgereit, ou encore tenter de se plonger dans les bobines 1 et 3 de YOU KILLED THE UNDERGROUND MUSIC, film fleuve de 14 heures dans sa version complète. Enfin, la section Music in Films proposait avec le documentaire LEMMY, l’occasion d’en apprendre plus sur le leader de Motörhead.
Pour clôturer ce festival riche en inédits, le pneu tueur de RUBBER fera salle comble pour son avant-première helvétique.
Bien qu’il ne bénéficie pas de la renommée d’autres grands festivals de genre, le LUFF mérite pourtant toute notre attention de part les valeurs qu’il défend. Ses choix de programmation courageux offrent au plus grand nombre la possibilité de découvrir, voire même d’apprécier, sur grand écran, des films souvent rares et totalement en marge de la norme et des consensus imposés par une industrie cinématographique dont le but est d’uniformiser ses produits aseptisés pour ensuite les imposer comme seule et unique référence.
Festival de taille humaine, le LUFF est un lieu de rencontres, et pas seulement cinématographiques. Avec sa ligne éditoriale rigoureuse, il attire principalement des passionnés et des amateurs à l’esprit ouvert, non des professionnels blasés, permettant ainsi d’échanger des points de vue, de nouer des contacts…
Humain reste définitivement le mot pour qualifier l’événement, à l’image de ses bénévoles qui se sont décarcassés pour que tout puisse fonctionner et satisfaire le public, à l’image aussi de ses organisateurs dont la disponibilité et la gentillesse ne font que renforcer l’impression familiale qui se dégage de la manifestation qui semble alors bien trop courte. Le rendez-vous est déjà pris pour la dixième édition, du 19 au 23 octobre 2011. En attendant allez jeter un œil sur le site du LUFF, histoire de patienter…


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- Article rédigé par : Éric Peretti

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