Un texte signé Yannik Vanesse

chroniques-infernales

Lune de Miel

Lison a 19 ans. Nous sommes en 1876, et elle est toujours traumatisée par la mort abominable de ses deux parents. Dans quelques jours, elle se mariera, contrainte et forcée par sa tante, lasse de l’héberger. L’homme qu’elle va épouser ne veut pas prendre en charge Céleste, sa jeune sœur. Mais à qui appartient la voix qui la hante, le soir ? Est-elle folle ?

Manon Elisabeth d’Obremont est une jeune auteure belge, passionnée de forums rpg. Après un premier roman, publié chez Lancelot éditions et plongeant dans une fantasy sombre, sanglante et référentielle, tout en ayant sa propre identité (LA CHIENNE DE L’OMBRE, dont nous attendons la suite), elle s’est lancée dans une série littéraire chez l’Ivre-book (LE NECHTAANOMICON, dont deux épisodes sont pour l’instant parus) elle-aussi ancrée dans la fantasy, mais cette fois teintée de steampunk. En parallèle, toujours chez l’Ivre-book, la voilà qui décide d’offrir une nouvelle à part, s’inspirant de l’horreur gothique.

Un auteur est toujours inspiré par de nombreuses choses (livres, films, peinture, musique), qu’il injecte plus ou moins consciemment dans ce qu’il crée. Cependant, certains décident parfois de livrer des hommages volontaires, qui sont hélas souvent la justification d’un manque d’imagination qui fait enquiller poncifs et clichés. Manon Elisabeth d’Ombremont, qui a déjà, malgré le peu d’ouvrages à son actif, un imaginaire possédant une véritable identité, n’est évidemment pas dans ce cas de figure.
LUNE DE MIEL est extrêmement bien écrit, le style de son auteure s’écoulant avec fluidité. Il ne quitte jamais les pas de Lison, son héroïne qui, contrairement aux autres personnages principaux créés par l’auteure, se révèle des plus fragiles. Lison est certes passive, mais cela se révèle des plus logiques pour visualiser l’époque et pour l’ambiance voulue.
Le récit est court (il s’agit d’une nouvelle, vendue à tout petit prix), mais l’auteure parvient à construire une ambiance soignée, s’inspirant de l’horreur gothique, mais tutoyant tout autant le théâtre du grand guignol. Cependant, avec une véritable identité, LUNE DE MIEL s’inscrit aisément dans l’œuvre de Manon Elisabeth d’Ombremont, ne dépareillant pas avec LA CHIENNE DE L’OMBRE et LE NECHTAANOMICON. En effet, les propos susurrés à l’oreille de Lison, le mélange d’amour et d’horreur qu’ils distillent, coulent de source chez l’auteure, et ainsi, LUNE DE MIEL se révèle être une superbe histoire d’amour tragique tout autant qu’une plongée dans la folie. Celle de l’héroïne, bien entendue, mais aussi celle de cet étrange protagoniste (existe-t-il, d’ailleurs?) et, face à cela, le lecteur se fait voyeur.
Et, quand le récit bascule dans le macabre, lors de deux grosses scènes, le talent de l’auteure et son amour pour les descriptions sanglantes et malsaines explosent. S’y mélangent démence, gore, sexe et religion, dans un maelström qui ne peut que plaire à l’amateur du genre.
Bien entendu, la fin est brutale, plutôt ouverte, et le lecteur se retrouve empli de questionnements, mais c’est l’apanage des grandes nouvelles, qui font réfléchir le lecteur et qui ne l’abandonnent pas, alors qu’il tente de combler les trous.
Manon Elisabeth d’Ombremont offre ici une superbe histoire, aussi malsaine que passionnante, qui ne se rate que très légèrement lors d’une conversation entre Lison et son reflet, les propos étant trop modernes pour convaincre totalement. Mais sorti de cela, elle soigne son ambiance et ancre aisément LUNE DE MIEL dans la tradition des récits gothiques et dans le grand guignol, offrant une belle histoire d’amour désespérée et malsaine teinté du rouge de l’horreur sanglante. Elle se révèle ainsi une auteure décidément à suivre, dont le style progresse d’histoire en histoire, et qui se montre aussi à l’aise ici qu’elle ne l’était dans LA CHIENNE DE L’OMBRE. Espérons qu’elle s’essaiera à d’autres incursions dans le gothique, peut-être à l’occasion d’un véritable roman qui donnerait le temps de s’attacher aux personnages et de s’enliser dans les ambiances qu’elle sait mettre en place.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Yannik Vanesse

- Ses films préférés :

Share via
Copy link