Un texte signé Tom Flener

Japon - 1967 - Seiichi Fukuda
Titres alternatifs : ZOKU AKUTOKUI : JOI-HEN ; CONTINUATION : VICE DOCTOR – FEMALE VICE EDITION
Interprètes : Michiko Aoyama, Akihiko Kanbara, Yuichi Minato …

retrospective

Madame O

Seiko (Michiko Aoyama) est une gynécologue respectée. Et pourtant, personne ne se doute ni de son calvaire ni de sa vie secrète. Violée quand elle était jeune, elle a contracté la syphilis par l’un de ses violeurs. Depuis, elle chasse les hommes la nuit dans le but de leur transmettre sa maladie en couchant avec eux. Lorsqu’elle rencontre le docteur Takow, Seiko doit reconnaître que tous les hommes ne sont peut-être pas des monstres dépravés. Pour la première fois, elle mène une vie heureuse et remplie. Mais lorsque son passé la rattrape, cette vie paisible vire à la tragédie.
Dans les années 60, l’industrie du cinéma japonais se retrouvait dans une situation précaire. Parce que les studios perdaient une grande partie de leur audience au profit de la télé naissante et de plus en plus populaire, ils ont dû prendre des mesures désespérées et inclure dans leurs films plus de violence et de sexe, chose impensable à la télé. Ainsi, on voit la naissance des « eroduction films ». Précurseurs de la vague des « pinku eiga » et des « roman porno », beaucoup de ces films érotiques des années 60 sont perdus ou tout simplement oubliés. Il faut donc savourer les rares trouvailles, même dans des conditions pas toujours idéales. Ainsi, MADAME O a été acheté à l’époque par la société de Radley Metzger, Audobon, et synchronisé pour un marché américain avide de nudité à l’écran. Faute de pouvoir retrouver une copie originale du film, cette œuvre n’existe donc plus qu’avec la synchronisation US de 1969.
Qu’en est-il donc des qualités de MADAME O ? Le film est une suite au tout-aussi-compliqué-à-retenir VICE DOCTOR – MATERNITY AND GYNAECOLOGY DEPARTMENT DIARY, mais la vision du premier n’est pas essentiel pour la compréhension de sa séquelle. Tout au contraire, MADAME O est une œuvre absolument indépendante. Visuellement, le film n’a rien à envier aux chefs-d’œuvre futurs de la Nikkatsu et il est dommage que la presque totalité de la filmographie du réalisateur semble avoir disparu dans les oubliettes, métaphoriquement aussi bien que physiquement. Ainsi, le format cinémascope est pleinement utilisé et les compositions sont parfaites. Si le film saute de la couleur au noir et blanc sans raison apparente, il en profite pleinement sur un plan esthétique. Pendant les séquences couleur, l’œuvre use des possibilités offertes tandis que les ombres et les contrastes dans les séquences en noir et blanc sont bien travaillés.
Couplons ceci avec des acteurs forts, avec en tête la présence de Michiko Aoyama. Elle nous donne une excellente prestation en tant que femme torturée et même la synchronisation anglaise n’arrive pas à cacher les qualités de son jeu.
Ce qui manque un peu par rapport aux efforts érotiques japonais des années à venir sera surtout le sexe et la violence. Si l’héroïne se déshabille fréquemment, on note néanmoins une certaine timidité du côté du réalisateur. On est encore loin des films plus osés de la Nikkatsu ou des films ero-gro de Teruo Ishii. En effet, avec ses compositions choisies, son rythme lent et ses séquences en noir et blanc, MADAME O évoque par moments les films de la nouvelle vague française.
Il ne faut donc pas s’attendre à un film saturé de sexe. Les scènes prolongées de nudité pourraient même être coupées et on aurait toujours une étude psychologique sérieuse d’une femme troublée. En revanche, ce qui reste, c’est un film étant le digne représentant d’une première époque peu connue et mise en lumière du cinéma japonais érotique, avant que la Nikkatsu n’inaugure une deuxième vague, beaucoup plus familière et documentée, en 1971.


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- Article rédigé par : Tom Flener

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