Mahakaal

Un texte signé Tom Flener

Inde - 1993 - Shyam Ramsay, Tulsi Ramsay
Interprètes : Archana Puran Singh, Karan Shah, Johnny Lever …

Anita (Archana Puran Singh) et Seema, deux collégiennes, sont hantées dans leurs rêves par un homme au visage défiguré, la main couverte d’un gant orné de longues lames. Lorsque le père d’Anita, le chef de la police locale, apprend à celle-ci que le monstre est responsable de la mort de sa sœur Mohini quelques ans plus tôt, et qu’il a enterré le meurtrier vivant de ses propres mains, Anita réalise que tous ceux qu’elle connaît sont en danger.
MAHAKAAL fut commencé en 1988, mais les frères Ramsay arrêtèrent la production lorsqu’un autre film basé sur la série des NIGHTMARE ON ELM STREET sortit en 1989 (KHOONI MURDAA de Mohan Bhakri). Lorsque leur version sort enfin en 1993, non seulement le public a perdu de l’intérêt pour les films d’horreur, mais les coiffures et les vêtements des personnages permettent de dater le film.
Il est clair, dès le début, que les frères Ramsay se sont inspirés du film de Wes Craven et de ses suites. Contrairement à cette œuvre originale et marquante, MAHAKAAL peine à faire impression. Les frères Ramsay ont bien su reprendre quelques scènes-clés de la saga de Freddy, et certaines de ces scènes sont exécutées avec un bon sens du rythme et de l’atmosphère, et on arrive même à ignorer le budget plus serré de la version indienne.
Par contre, c’est le monstre lui-même qui crée le plus de problèmes. Freddy Krueger est un boogeyman bien défini, un prédateur unique, instantanément reconnaissable, et pour lequel la saga développe un passé aussi horrifique que tragique (en mettant de côté la qualité inégale des différentes suites). MAHAKAAL peine de son côté à faire sortir sa créature du lot. Shakaal est plutôt fade, insipide, ne fait la plupart du temps que marcher derrière ses victimes, rire comme un fou, ou apparaître de nulle part.
Les frères Ramsay essaient de caser dans un film de 130 minutes un développement qui a pris aux créateurs de Freddy plusieurs suites à réaliser et à expliquer (même si parfois d’une manière farfelue). Ainsi, Shakaal ne fait au début que hanter les rêves de ses victimes, mais prend alors possession d’Anita, juste pour être capable un peu plus tard d’agir de nouveau dans le monde réel. Tout ceci n’est pas expliqué.
Afin d’ajouter un parfum local à leur monstre, les frères Ramsay ont fait de Shakaal un sorcier au service d’une déité démoniaque. Ce qui ajoutait une dimension tragique, voire même mondaine, à la figure cynique de Freddy – son passé plein d’abus, sa transformation en prédateur sexuel, ainsi que sa mort horrible dans le feu – et qui faisait de lui une créature identifiable, est donc perdu ici. Il faut être honnête néanmoins, et admettre que la nature sexuellement agressive de Freddy Krueger aurait créé des problèmes de censure dans une Inde plutôt conservative dans tout ce qui touche au sexe. Les frères Ramsay auraient donc mieux fait de créer un monstre original plutôt que de provoquer une comparaison avec l’original qui risquait de jouer en leur défaveur.
Plus violent que d’autres œuvres dans la filmographie des frères Ramsay, MAHAKAAL souffre en conséquence davantage de l’inclusion des scènes de danse et soi-disant humoristiques. Si ces inclusions sont de rigueur et, semble-t-il, obligatoires dans tout film indien de grand public, le contraste de ton est trop prononcé, et la partie horreur de MAHAKAAL ne décolle jamais. De leur côté, les scènes d’humour sont difficiles à regarder. Johnny Lever, qui joue Canteen, est le personnage chargé de nous faire rire. Il est difficile de décider si le problème réside dans les différences culturelles, ou simplement dans le fait qu’il n’est pas drôle, mais le fait est qu’un public occidental devrait finalement avoir des problèmes à rigoler ou même sourire face à ses bouffonneries.
Techniquement, MAHAKAAL garde un niveau qualitatif qui ne décevra pas les gens habitués au cinéma d’horreur des frères Ramsay. Le tout est bien filmé et rythmé, les acteurs ne déçoivent pas. C’est finalement à cause de la comparaison avec les NIGHTMARE ON ELM STREET que les frères Ramsay provoquent, mais n’arrivent pas à assumer, que MAHAKAAL souffre plus que nécessaire, et ne sera finalement pas une entrée essentielle dans leur œuvre. Les aficionados du cinéma d’horreur international peuvent néanmoins, et sans crainte, oser le détour.


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- Article rédigé par : Tom Flener

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