Un texte signé Patryck Ficini

France - 1995 - Jean-Loup Philippe

chroniques-infernalesDossier

Mémoire de Sang

« Alors, je bondis sur ma proie, saisis un oreiller et l’appliquai sur la tête de l’homme qui se débattait convulsivement en suffoquant. Bientôt ses bras s’affaissèrent et son corps se détendit jusqu’à une immobilité totale. En moi monta une telle jouissance que je dus m’accroupir sur l’oreiller que j’inondais de mon plaisir. » (P.97)
Eros et Thanatos !
Après une greffe de cerveau, une jeune femme éprouve de la volupté dans le plaisir de faire souffrir, puis de tuer. Avec son mari, qui ne l’abandonnera pas, elle va remonter jusqu’au donateur de l’organe. Une tueuse en série ?
Le thème S.F de la greffe de cerveau a donné bien des films de série B ou Z. C’est même une tarte à la crème d’une certaine science-fiction horrifique.
Jean-Loup Philippe transcende ce thème bateau par une histoire sadienne, qui est aussi une histoire d’amour fou, avec MEMOIRE DE SANG (paru chez Frayeur, Fleuve Noir) .
Il y a quelque chose de touchant dans cette victime qui se découvre progressivement des pulsions sadiques et meurtrières. Elle commence par torturer et manger un scarabée, avant de passer aux chats et aux chiens. Jusqu’à commettre l’irréparable : conduire à la mort une aveugle qui aura eu pour seul tort de lui faire confiance (très bonne scène) et assassiner l’ami de son mari. Un peu comme une tueuse en série qui ferait ses gammes avant de passer aux choses sérieuses.
Des flashs lui en apprennent un peu plus sur sa donatrice, qui fut victime de mauvais traitements (l’auteur n’a pas peur des clichés sur les tueurs fous, mais il va au-delà et se livre à une véritable dénonciation des violences et abus subis par les femmes – ce qui rappelle L’ISOLA de Alda Teodorani).
Très fort : lorsque son mari comprend que sa femme chérie n’est plus (tout à fait) sa femme, il continue de l’aimer et de la protéger, devenant en quelque sorte son complice. La fin est d’ailleurs d’un romantisme absolu. Dommage qu’il ne nous soit guère possible de la citer ici, sans la déflorer, car elle est vraiment belle.
Jean-Loup Philippe, homme de théatre et poète, fut aussi l’acteur principal de LEVRES DE SANG (Jean Rollin dirigeait d’ailleurs la collection Frayeur), mais aussi du très bon SEXE QUI PARLE, un porno fantastique de Frédéric Lansac, inquiétant, qu’il est difficile d’oublier lorsqu’on l’a vu. Des acteurs classiques pouvaient alors jouer dans un hard – encore que Philippe le fit sous pseudonyme et en étant doublé pour les scènes X. Du moins si la chose n’était pas fréquente, elle resta, un temps, envisageable. Même de grandes stars avaient des projets en ce sens.
Jean-Loup Philippe signe un roman brillant avec MEMOIRE DE SANG, même si son style est un peu précieux et ses dialogues, trop théatraux – à la Jean Rollin.
Terminons par ces quelques lignes, très belles, et infiniment érotiques :
« Les cuisses d’Hélène se referment encerclant la tête visiteuse… Elles serrent… serrent, telles des tentacules dont il ne peut s’échapper… s’arracher. Cris, râles, soubresauts… Charles vient de perdre connaissance, noyé dans un flot de jouissance.” (P.107)


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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