Mick Garris : interview

Un texte signé Grégory Lécrivain et Claire Annovazzi

- Mick Garris
Titres alternatifs : Bag of bones, Critters 2, Psychose IV, Desolation, Invasion

Mick Garris a réalisé de nombreuses adaptations de romans de Stephen King. Président du jury du Festival international du film fantastique de Bruxelles 2012 (BIFFF), il est venu présenter la dernière d’entre elles, BAG OF BONES.

Sueurs Froides : Caitlin Carmichael qui joue Kyra dans BAG OF BONES s’y révèle extraordinaire. Etait-elle votre premier choix ?

Mick Garris : Eh bien, il a été très difficile de trouver quelqu’un pour ce rôle. J’ai travaillé avec beaucoup d’enfants mais ils grandissent et ne conservent naturellement pas leurs sept ans. Nous avons probablement auditionné une centaine de fillettes et aucune d’entre elles ne correspondait, bien que certaines se soient révélées de fantastiques actrices. On se rapprochait vraiment de l’échéance, je me trouvais sur la côte est du Canada m’apprêtant à tourner et nous ne l’avions pas encore auditionnée. Elle, sa mère et son acting coach, sans même m’en parler, ont enregistré la scène juste avant que Mattie soit tuée, où elle est dans son lit avec Pearce et dit « Je t’ai vu cette nuit dans mon rêve ». Sa performance m’a donné des frissons tellement elle était juste. Elle était vraiment merveilleuse. Cet enregistrement m’est parvenu dans le courrier, sur une cassette, alors que je m’apprétais à engager une autre jeune actrice. Quand j’ai vu la cassette de Caitlin, je savais qu’elle serait le bon choix, parce que l’enregistrement a eu lieu sans coupure. Vous pouvez faire apparaître une fillette comme douée en montant ses meilleurs moments, mais ici la séquence a été jouée d’une traite et elle s’y montrait incroyable. Et pour l’anecdote, il s’est avéré que son meilleur ami vit juste en face de chez moi. Donc, je l’avais déjà croisée auparavant, sans m’en rendre compte. Nous l’avons engagée sans même la rencontrer parce que nous étions alors de part et d’autre du pays. Nous avons été très contents d’elle. Elle est assez spéciale.

Ses pleurs sont ainsi très authentiques. Sa mère m’a dit : « Oh, vous savez, elle est vraiment douée pour pleurer” et je me demande encore ce qu’elle a voulu dire par là (Rires). Mais c’est une enfant super et nous sommes devenus de très bons amis. Je n’ai moi-même pas d’enfants et donc, quand elle vient voir son copain de l’autre côté de la rue, j’entends parfois frapper à ma porte – Toc, toc, toc – et je réponds alors [en imitant la voix de Caitlin]: « Salut ! ». Elle est comme ma nièce.

Sueurs Froides : est-ce vous que l’on voit de dos habillé comme un prêtre dans la scène des funérailles de « BAG OF BONES » ? … C’est votre coupe de cheveux !

Mick Garris : (Rires) Je suis étonné quand les gens le décèle car on ne voit pas du tout mon visage. Oui, c’est moi !

Sueurs Froides :Voulez-vous faire une apparition tout comme Stephen King l’a fait dans certaines de ses adaptations cinématographiques?

Mick Garris : Oui, comme dans PET SEMATARY… C’est juste pour le fun. Je ne le fais pas tout le temps, mais, vous savez, c’est amusant de partager une scène avec Pearce Brosnan, Matt Frewer, Jason Priestley et tout le casting. Je ne voulais pas que l’on m’entende et donc j’ai ouvert la Bible et je me contente de marmonner. Et Pearce m’a dit plus tard qu’il lui était difficile de ne pas rire quand il levait les yeux vers moi. Il essayait de garder son sérieux – la scène traitant de la mort de sa femme – et voilà son réalisateur dans une tenue de prêtre en train de faire ça (rires).

Sueurs Froides :Vous avez écrit sur divers groupes et films pour The San Diego Door, le L.A. Herald Examiner et d’autres magazines dans les années ‘70 et vous lancez maintenant « Post Mortem », une série télévisée d’entrevues avec les plus grands noms du genre. Le travail journalistique vous manquait-il ?

Mick Garris : ce n’était pas tellement qu’il me manquait, mais nous avions du mal à monter BAG OF BONES. Trente ans plus tôt, j’ai fait une émission de télévision semblable pour une chaîne du câble à Los Angeles, ce qui s’est révélé vraiment amusant. J’ai ensuite été très proche de nombreux cinéastes par le biais des dîners des « Masters of Horror » qui ont donné lieu à la série et je pensais qu’il serait intéressant de refaire un talk-show similaire à celui de ma jeunesse. Mais maintenant, ce serait entre pairs plutôt que d’intervieweur à cinéaste. Un grand nombre d’entre eux étaient des amis qui avaient participé à ces interviews trente ans plus tôt, comme John Landis ou Tobe Hooper. Je voulais que cette nouvelle émission soit adoptée et appréciée par les fans, et que tant moi que les cinéastes participant y prennent du plaisir. Le but ne serait pas ici de promouvoir quelque chose. Les invités viendraient justes pour parler de leur carrière et de leurs opinions. Nous en avons fait dix, et peut-être en ferons nous d’autres ultérieurement. Mais pour le moment, je suis en train de les vendre dans différentes parties du monde. FEARnet bénéficie cependant pour l’instant d’une exclusivité, de sorte que vous ne pouvez pas encore la regarder ici.

Sueurs Froides : Pensez-vous qu’elle sera diffusée en Europe ?

Mick Garris : J’aimerais qu’elle le soit. Une société s’occupe de nos ventes hors Etats-Unis mais rien n’est encore fait. Nous disposons de ces dix shows d’une demi-heure, mais ils faisaient plus d’une heure chacun avant leur montage. Donc, nous pensons sortir peut-être la version complète en DVD, soit dix heures d’entretiens.

Sueurs Froides : Pendant huit ans, vous avez été chanteur dans un groupe appelé The Horsefeathers

Mick Garris : … qui est d’ailleurs faussement rebaptisé un peu partout sur internet en « The Horsefeathers Quintet ». Le groupe avait été fondé en 1970 et s’est dissout en 1977. Ensuite, notre guitariste est mort, une quinzaine d’années après cette séparation.

Sueurs Froides : Vous arrive-t-il encore de chanter ?

Mick Garris : Seulement sous la douche ou dans la voiture (rires). C’est drôle, je disais justement à Olga [Chouvalov, actrice et amie de Mick, elle l’a accompagné pendant le BIFFF] qu’il y a deux ans, nous nous sommes réunis, les quatre membres restants du Horsefeathers « Quartet » (rires), et nous avons écrit et enregistré trois nouvelles chansons dans le courant de l’année. C’est le seul moment où j’ai rechanté. C’était fantastique mais je ne le fais pas professionnellement.

En fait, j’ai également composé et interprété le thème de « Post Mortem ». Je n’avais encore jamais fait de soundtrack. C’était génial mais je ne pense pas que je pourrais le rejouer, je l’ai juste improvisé.

Si vous étiez à la projection hier soir [au BIFFF où il est de tradition que les invités chantent une petite chanson], tout le monde m’en voulait de ne pas chanter (rires). C’est vraiment parce que je n’avais pas de chanson en tête ! (Rires)

Sueurs Froides : Avez-vous aimé être sur scène ? Je ne sais pas si vous avez fait des concerts.

Mick Garris : Oh, oui, nous avons fait de grands concerts. Nous avons ouvert pour nombre d’artistes importants. J’étais un vrai cabotin à l’époque. J’étais vraiment un interprète, j’étais allumé, plus grand que nature, et j’y prenais mon pied. Le groupe était la chose la plus excitante qui soit et j’ai adoré ça… et le fait de rencontrer beaucoup de filles. C’est d’ailleurs pour cela que les mecs forment un groupe, ce n’est pas prioritairement pour devenir des artistes (rires). Bref, c’était super et à le refaire, je n’aurais rien changé, mais je ne voudrais par contre pas être encore là actuellement avec des cheveux gris. (Rires)

Ca ne me manque pas du tout.

En tant que réalisateur, vous êtes dans les coulisses et j’aime vraiment ça. De temps en temps je sors de l’ombre, comme pour « Post Mortem » ou encore quand je monte sur la scène pour présenter le film, et c’est amusant de parler directement au public. Puis sporadiquement, quelqu’un va me demander de faire un petit rôle dans un film ou une émission de télévision. Mais c’est tout ce dont j’ai besoin. C’est assez pour moi.

Sueurs Froides : Qu’est-ce qui vous attire dans l’œuvre de Stephen King ?

Mick Garris : il est un peu plus âgé que moi, mais nous partageons pas mal de goûts ou références culturelles. Nous avons grandi avec la télévision, les bandes dessinées et les films d’horreur et toutes ces choses que vous faites lorsque vous êtes un « monster kid », comme ils disent. Nous avons aussi les mêmes origines économiques et sociales. Nous avons enfin tous deux été élevés par notre mère après le divorce de nos parents respectifs, sans argent, dans des conditions très difficiles. Après notre rencontre, il s’est montré vraiment heureux de mon adaptation de « Sleepwalkers » et il a relevé notre communauté de choix créatifs et de personnalités. En plus de collaborateurs, nous sommes devenus de très bons amis. C’est un tel plaisir de travailler avec Stephen King.
Mais ce que j’aime au sujet de son travail, c’est qu’il le situe dans le monde réel. Je ne suis pas fan de films de fantasy, mais j’aime au contraire l’horreur qui se déroule dans un monde avec lequel je suis familier et peuplé d’humains qui ressentent les mêmes émotions que moi. L’horreur est alors liée au cœur autant qu’à l’esprit et non pas seulement, comme c’est trop souvent le cas dans ce genre, au corps. Ses livres parlent de personnes plongées dans des situations qui peuvent devenir tout à fait inhumaines ou surnaturelles, mais auxquelles vous croyez (rires).
Sueurs Froides : La plupart du temps, dans les livres de Stephen King, les monstres sont des êtres humains et non des monstres réels ou des esprits ou des fantômes …
Mick Garris : Ou même quand ce sont des monstres, l’histoire s’attarde moins au monstre dans le placard qu’aux gens qui vivent dans la maison abritant ce placard.

Sueurs Froides : pour en finir avec Stephen King, pensez-vous que vous ferez quelque chose de sa série « The Dark Tower » ?

Mick Garris : un accord à ce sujet a été conclu, mais c’est vraiment difficile et compliqué. En outre, comme je l’ai dit, je me projette moins dans la fantasy que dans le monde réel. Pourtant, j’aime ces romans, mais différemment de ses autres.

Je ne pense pas être le meilleur adaptateur de ce projet. D’autres seraient bien plus à l’aise pour recréer ces mondes fantastiques géants.

J’adorerais essayer cependant et j’ai d’ailleurs rédigé une mini-série de quatre heures sur « The Talisman ». C’est un des traitements que j’ai le plus aimé écrire, mais c’est resté en rade faute de budget approprié. Steven Spielberg en était l’un des producteurs, et en additionnant Stephen King, Peter Straub et, dans une moindre mesure, moi, c’était vraiment devenu trop cher avant même de commencer à faire le film.

Stephen King et moi pensions que ça aurait pu convenir à HBO, le grand réseau de télévision payante, mais rien n’en est sorti. Puis Imagine, une des sociétés de Ron Howard, a conclu un contrat pour en faire une série de films. Il y a des choses géniales là-dedans mais à ce stade, personne ne m’a vraiment contacté. Et puis, je ne veux pas me cantonner à faire du Stephen King. (Rires)

Sueurs Froides : Pouvez-vous nous parler de votre prochain film, A NOBLE LIE ?

Mick Garris : Il n’a pas encore reçu son feu vert mais traitera des phénomènes d’ovnis survenus au cours des années 1950 – notamment Roswell -, de l’ensemble des événements supposément avérés, de leur dissimulation par le gouvernement et de l’analyse qu’on peut en faire. Nous l’avons retitré INVASION pour donner une meilleure idée de ce dont il s’agit. A NOBLE LIE était un titre génial mais seulement à partir du moment où vous savez ce qu’il recouvre. On y retrouvera des protagonistes de l’époque comme le président Eisenhower et Richard Nixon, ce qui m’excite d’ailleurs dans ce projet car cela le rend d’autant crédible.

C’est donc très différent pour moi aussi parce que les soucoupes volantes et autres extra-terrestres s’éloignent des sujets habituels de Stephen King. C’est effrayant, mais ce n’est pas un film d’horreur. C’est de la science-fiction mais très terre à terre. Je suis vraiment enthousiaste pour cette production que j’espère pouvoir faire décoller.

Propos recueillis par Grégory Lécrivain et Claire Annovazzi au BIFFF 2012, mis en forme par Philippe Delvaux.

Retrouvez notre critique de BAG OF BONES.

Retrouvez notre critique de CRITTERS 2.

Retrouvez notre critique de CHOCOLAT.

Retrouvez notre critique de Masters of Horror Saison 2: Valerie on the Stairs.

Retrouvez nos chroniques du BIFFF 2012.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Grégory Lécrivain et Claire Annovazzi

- Ses films préférés : Une Balle dans la Tête, Fight Club, La Grande Bouffe, Evil Dead, Mon Voisin Totoro

Share via
Copy link