Miracle Mile

Un texte signé Sophie Schweitzer

Etats-Unis - 1988 - Steve De Jarnatt
Titres alternatifs : Appel d'urgence
Interprètes : Lou Hancock, Mykelti Williamson

Un jeune musicien suite à un rendez-vous manqué se retrouve en plein cauchemar. Un appel qu’il a reçu par erreur l’informe d’une guerre nucléaire sur le point d’exploser, il va alors faire tout son possible pour retrouver la femme de sa vie, et la sauver.

Steve de Jarnatt a mis dix ans à faire APPEL D’URGENCE, titre français, aussi appelé en anglais MIRACLE MILE. Aussi lorsqu’il l’a écrit, durant les années 70, la guerre froide était alors d’actualité. La menace d’une guerre nucléaire était vive, assez pour provoquer des cauchemars au réalisateur qui décide d’en faire un film. MIRACLE MILE est selon ses propres propos, une comédie romantique qui tourne mal. C’est aussi et surtout un cauchemar au rythme implacable, dynamique et onirique à la fois, encré dans les années 80 et pourtant à l’esprit appartenant plus aux années 70.

Le film commence effectivement comme une comédie romantique. Harry, musicien trompettiste dans une formation jazz fait la rencontre de Julie durant une visite au musée. Véritable chassé croisé amoureux, Harry manque de rater celle qu’il appelle la femme de sa vie. Mais Julie le rattrape, et s’ensuit un rendez-vous amoureux des plus romantiques. Harry devant partir le lendemain en tournée, ils conviennent d’un rendez-vous nocturne qu’hélas Harry rate.

A partir du moment où Harry fume sa cigarette, l’esprit amoureux et enfiévré, et décide de la jeter au lieu de la fumer en entier, le film bascule dans une logique onirique et bizarre. La cigarette est aussitôt emportée par un oiseau dans son nid, et celle-ci provoque un incendie à l’hôtel où dort Harry. L’action des pompiers provoque une coupure de courant, et Harry rate son rendez-vous. Par la suite, de plus en plus de bizarreries et d’étrangetés vont se produire provoquant des coupures dans le rythme qui va en s’accélérant. De l’apparition de « blattes » à une séquence de station service complètement absurde où chaque choix de chaque personnage ne fera qu’empirer la situation jusqu’à aboutir à une catastrophe absolue à laquelle seul le héros réchappe miraculeusement, le film est porté par une absurdité du drame et de la catastrophe. Chaque pas en avant semble être un pas vers une sortie de route.

Mais le film bascule véritablement à mi parcourt où un coup de fil reçu par erreur va persuadé notre héros qu’une guerre nucléaire est sur le point d’éclater. Evidemment chaque personnage avec qui il va tenter de confronter son idée ne fera que l’exacerber et bien sûr répandre la rumeur comme un nuage toxique contre lequel le héros sera en perpétuelle lutte.

En effet, tout le reste du film ne sera alors qu’une course-poursuite contre le temps. La narration du film s’emballant à partir du moment du basculement dans ce qu’on pourrait dire un film catastrophe excepté que son mécanisme est celui du cauchemar où chaque pas en avant en entraine deux en arrière. Et à mesure qu’il avance, la panique enfle. Le film est porté par une musique puissante qui amène à la fois l’aspect cauchemar éveillé, accélérant le rythme, et à la fois la touche de magie et de romanesque.

On oscille toujours entre le film apocalyptique avec la ville cédant à la panique, les comportements de plus en plus égocentriques, et une vision assez noire de l’humanité, et à la fois l’humanité de nos deux héros qui ne peuvent s’empêcher de vouloir sauver le plus de monde possible, ne comprenant pas qu’il est absolument impossible. Et au milieu de la panique, ces personnes que croise notre héros lui démontrent plus tard leur reconnaissance que ce soit le chauffeur ou le pilote. Il y a dans MIRACLE MILE un étrange mélange de bonté et de noirceur qui fait au final un portrait de l’humanité nuancé et donne au film une touche de poétique et d’onirisme.

Autre point notable très intéressant, c’est que Steve de Jarnatt laisse le doute persister jusqu’au bout. A aucun moment, le film ne nous permet d’être absolument certain de ce que cette guerre nucléaire va réellement se produire. Si le doute est permis c’est aussi ce qui entraine cette impression de domino de la panique. Notre héros a besoin d’en parler autour de lui pour se convaincre que c’est vrai et de cette manière, il propage la rumeur. La manière dont celle-ci enfle et atteint des proportions gargantuesques est aussi effrayante que la rumeur en elle-même, la possibilité d’une guerre nucléaire. Et l’on comprend bien que c’est là le propos du film, la terreur que provoquait la guerre froide et l’effet qu’elle pouvait avoir sur les personnes qui vivaient en Amérique autant qu’en Europe à ce moment là.

C’est aussi et avant tout une histoire d’amour. La force du film est évidemment la bonté de ses deux héros et l’amour qui les unis, un amour que l’adversité va renforcer, un amour qui finit par apparaître tel un îlot de beauté autour de la sauvagerie qui se répand dans la ville. Le sentiment amoureux étant mis en exergue par la musique d’une beauté et d’une poésie absolue portant littéralement le film. C’est aussi dû aux acteurs qui parviennent à mêler naïveté et bonté, et transformer le sentiment amoureux en véritable force alors que leurs personnages se connaissent à peine, seulement depuis 24h. Et cela fait de MIRACLE MILE sans nul doute l’une des meilleures comédies romantique. Une comédie sombre à l’humour noir, mais indéniablement, une comédie romantique comme on en voit rarement. Une perle à découvrir !


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà


=> Pour prolonger votre lecture, nous vous proposons ce lien.
Share via
Copy link