Missing

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Hong Kong - 2008 - Tsui Hark
Titres alternatifs : Sam hoi tsam yan, The Eye 3
Interprètes : Angelica Lee, Isabelle Leong, Chen Chang, Tony Leung

A l’origine prévu pour être la troisième séquelle de la saga THE EYE, le long-métrage de Tsui Hark débarque sur les écrans précédés d’une réputation tellement calamiteuse que l’on est finalement tout surpris de le trouver « consommable ». Certes le scénario se révèle classique dans sa première moitié et plutôt bateau dans la seconde et l’abondance de scènes romantiques sucrées bercées par de la canto-pop devient vite irritante mais, dans l’ensemble, MISSING se laisse voir.
Angelica Lee (nouvelle star du genre après THE EYE et RE-CYCLE des Pang Brothers) incarne Gao Jun, une psychologue menant l’enquête sur la mort mystérieuse du frère d’une de ses patientes, un certain Dave Chen. Ce-dernier, un photographe sous-marin, a disparu au cours d’une plongée effectuée, au large du Japon, en compagnie de Gao Jun. Hypnotisée, Gao Jun va tenter de se souvenir de ce qui s’est réellement passé lors de cette excursion fatale au fond des océans.
MISSING se poursuit donc par une série de flashbacks et développe une trame assez simple malheureusement embrouillée par des sous-intrigues nombreuses rendant difficile l’immersion du spectateur. D’autant que tout ce que l’on apprend durant cette première heure sera remis en question suite à un twist pas très honnête et discutable.
Cette intrigue en apparence classique propose donc une alternance de scènes intimistes et de passages fantastiques, sans oublier l’un ou l’autre moment d’épouvante souvent efficaces pour quiconque essaie de rentrer dans l’ambiance. Malheureusement, Tsui Hark paraît souvent avoir le cul entre deux (ou même trois ou quatre !) chaises et il hésite sur la direction générale à donner à son métrage, lequel souffre fortement de ce déséquilibre entre les différents genres abordés. L’impression générale reste finalement d’assister à un mixage de nombreux succès de ces dernières années, que ce soit les asiatiques THE EYE ou INNER SENSES ou même les plus anciens GHOST et ABYSS.
Dommage car, tout branlant et parfois ridicule qu’il soit, MISSING se montre plutôt sympathique durant sa première heure, ponctuée il est vrai de séquences grotesques mais à la nanardise assumée. Une séquence de retrouvailles avec flammes et gros effets visuels pas franchement réussis frôle même dangereusement le ridicule mais Tsui Hark parvient toutefois à maintenir une certaine émotion. On en dira certes pas autant des interventions assez effarantes d’un poisson d’aquarium animé de mauvaises intentions ou d’un combat entre les deux actrices principales tout droit tiré d’une série Z modèle « Girl With Guns » des années 80.
Comme de nombreuses productions actuelles, MISSING tente de surprendre le spectateur en lui offrant un gros twist remettant en perspective tout ce qui précède. Pas franchement concluant, ce retournement de situation donne une tournure plus philosophique à un métrage essayant, plus ou moins consciemment, de s’échapper du carcan de la simple « chinese ghost story » pour s’élever à un niveau supérieur. Mais Tsui Hark rate en (grande) partie le coche et semble surtout se foutre de son public en lui refusant cette œuvre fantastique et horrifique promise au profit de…on ne sait pas trop quoi en fait.
Certes, cette tentative d’introduire davantage de substance et de réflexion dans un genre sclérosé reste louable mais le cinéaste adopte ici une attitude hautaine et didactique assez antipathique. Evidemment, certaines sous-intrigues, exposées assez lourdement durant la première partie du métrage, paraissent encore moins pertinentes une fois le twist révélé.
Les séquences sous-marines sont, elles, souvent superbes, de véritables prouesses visuelles servies par une photographie de qualité qui invitent l’imagination au voyage même si elles s’apparentent parfois à des décalques du National Geographic. Dommage que les intermèdes musicaux n’aident pas à rendre le métrage plus digeste et que Hark se perde dans les méandres de son intrigue lorsqu’il ne se regarde pas filmer. Difficile en effet de justifier cette longueur de deux heures pour ce MISSING, lequel aurait grandement gagné à se voir élaguer d’une bonne trentaine de minutes.
Car la plus grande erreur de Tsui Hark consiste à prolonger artificiellement son film en y ajoutant une dernière demi-heure absolument imbuvable. Le scénario, troué comme un gruyère, utilise alors une suite de coïncidences grotesques pour amener les personnages à accomplir de peu crédibles actions, permettant au cinéaste de conclure sur un message écologiste « concerné » sans doute plaqué sur le script dans une nouvelle et vaine tentative d’intellectualiser le propos. Cette partie du métrage ruine malheureusement ce qui précède et achève l’ensemble sur une note fort négative en assénant au spectateur une série d’explications et de considérations pachydermiques. En multipliant les retournements de situations et autres twists sans paraître presser de conclure, Hark saborde lui-même son MISSING déjà bancal mais jusque là encore regardable avec indulgence.

Sans être un grand film, MISSING s’élève quand même au-dessus de sa piteuse réputation en proposant un scénario intriguant mélangeant drame romantique, thriller à twist, fantastique mystérieux et épouvante. Le tout se suit sans véritable déplaisir mais ne reste guère dans les mémoires, excepté pour une conclusion déloyale et quasiment honteuse.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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