Mother of Tears

Un texte signé Paul Siry

Une urne ancienne enterrée avec un cercueil est découverte en bordure d’un cimetière italien. Après avoir été observée par un évêque craintif, celui-ci l’envoie à Michaël, un spécialiste de l’histoire de la magie et de l’ésotérisme, travaillant dans un musée. L’urne attise la curiosité de deux étudiantes qui l’ouvrent en cachette. Elles découvrent des objets ancestraux dont une tunique qui se révèle être un talisman. L’une des deux se fait aussitôt massacrée par d’étranges individus surgis de nulle part, tandis que l’autre, Sarah, guidée par une voix, réussit à s’enfuir.

Après un début de carrière entamée par le giallo avec une trilogie, composée d’un oiseau, d’un chat et de quatre mouches, et des FRISSONS DE L’ANGOISSE considéré comme l’un de ses meilleurs films, Dario Argento entame en 1977 une nouvelle trilogie surnaturelle autour des trois Mères des Enfers avec SUSPIRIA. Vient ensuite INFERNO en 1980 et Dario continue sa carrière sans boucler le troisième opus. Il réalise, entre autres, du giallo (TÉNÈBRES, TRAUMA, LE SANG DES INNOCENTS…) et des films sur l’opéra, décor déjà récurrent dans ses films (TERREUR À L’OPÉRA, LE FANTÔME DE L’OPÉRA…). Ce n’est qu’en 2007 qu’il conclut la trilogie avec MOTHER OF TEARS. Après avoir rencontré Mater Suspiriorum (Mère des Soupirs) dans une académie de danse à Friburg dans SUSPIRIA, Mater Tenebrarum (Mère des Ténèbres) dans un immeuble à New-York dans INFERNO, voici Mater Lachrimarum (Mère des Larmes) qui sème le chaos à Rome, où c’est sa fille Asia qui s’y colle pour neutraliser les forces obscures.

Dans ce film-là particulièrement, ça se fait en famille. En plus du père et de la fille, on retrouve également Daria Nicolodi. L’ex-épouse de Dario avait appris la magie noire et a un grand intérêt pour les sciences occultes. Co-scénariste de SUSPIRIA, c’est grâce à elle que Dario s’est intéressé à ces sujets. De plus, Daria joue ici la mère décédée du personnage d’Asia, une âme vagabonde s’étant battue contre la sorcière de SUSPIRIA.

Le cinéma de genre italien ayant connu ses heures de gloire dans les années 60 et 70 avant d’agoniser durant les années 80, Dario Argento reste le seul à perpétrer son cinéma durablement dès les années 90, les autres grands noms étant décédés (Mario Bava, Lucio Fulci…) ou soit à la retraite, soit travaillant principalement à la télévision (Michele Soavi, Sergio Martino, Enzo G. Castellari…). On peut remarquer depuis TRAUMA une baisse de qualité dans la filmographie de Dario, qui peut s’expliquer par une jeune équipe technique ayant débuté leur activité suite à l’effondrement de la forte productivité italienne, alors que Dario Argento reste ancré dans ces années, comme un réalisateur qui refuse de vieillir et continue de créer.

Que ce soit pour le maquillage, les effets spéciaux ou la photographie, le film paraît banal et cheap, loin de l’aura créatrice des années 70. Mais l’un des problèmes du film est sa crédibilité quant il s’agit de faire vivre une foule. Que ce soient les différentes sorcières arrivées par avion ou les habitants de Rome devenus fous, il est dur d’imaginer que le Mal plane sur la ville. Avec ces quelques casseurs de voitures, elle parait étonnamment propre et tranquille pendant que l’on voit le groupe de sorcières refusant, hilares, de donner l’heure à un passant. La terreur est à son maximum ! Mais c’est dans son gore grand-guignolesque que MOTHERS OF TEARS est très divertissant. On y égorge, empale, démembre, éventre et torture en toute gaieté. Ces fulgurances sanglantes gratuites rappellent le bon temps du cinéma d’exploitation italien, la violence ne faisant jamais dans la demi-mesure.

Coutume italienne, les policiers ayant généralement le mauvais rôle, ils résolvent rarement les enquêtes dans les gialli et font preuve de violence la plupart des cas. Ici, plus cartésiens que jamais, ils pouffent de rires aux explications de Sarah et l’accusent avec hâte du crime de son amie.

Les récents films de Dario Argento ont quand même de beaux restes. Comme toujours dans sa trilogie, il nous fait explorer des mondes secrets via ses personnages principaux. On remarquera par ailleurs un superbe plan où Asia entre dans une ancienne demeure abandonnée et la parcourt à la recherche de Mater Lachrimarum. Un dédale d’escaliers et de pièces spacieuses, que l’on découvre en même temps qu’elle, à l’instinct. Bien que cela semble inhabité depuis des années, on y sent avec elle une présence.

Survivant de son époque, Dario Argento reste le seul à perpétrer, avec une qualité variable, son cinéma riche d’idées. Quand il ne se repose pas sur ses acquis (TRAUMA ressemblant étrangement sur certains points aux FRISSONS DE L’ANGOISSE), et quand il n’endort pas carrément son spectateur (le pénible téléfilm AIMEZ-VOUS HITCHCOCK ? et ses deux épisodes pour la série MASTERS OF HORROR), Dario Argento continue d’explorer divers domaines et s’essaye aux différents moyens techniques cinématographiques, comme le montre son dernier film en date, DRACULA en 3D, flirtant avec des influences de la Hammer.


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- Article rédigé par : Paul Siry

- Ses films préférés : Requiem pour un massacre, Mad Max, Ténèbres, Chiens de paille, L'ange de la vengeance

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