Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Japon - 1961 - Ishiro Honda
Titres alternatifs : Mosura
Interprètes : Furankî Sakai, Hiroshi Koizumi, Kyôko Kagawa, Ken Uehara

retrospective

Mothra

Le film de monstres géants (ou kaiju eiga) est une tradition bien ancrée au Japon et le succès sans précédent de GODZILLA en 1954 entraîna non seulement une multitude de séquelles mais aussi de très nombreux décalques plus ou moins réussi. Si, en Occident, seul Godzilla (et dans une très moindre mesure Gamera) a acquis une véritable notoriété, les Japonais virent, au cours des années ’50 et suivantes, débarquer sur les écrans de très nombreuses créatures gigantesques à travers des films comme RODAN, VARAN, etc.
La mite (mite avec un M !) géante MOTHRA vient compléter ce riche bestiaire en 1961 en proposant différentes innovations, comme par exemple la présence de deux petites fées protectrice du monstre, à une formule sinon bien connue. Assez photogénique, la créature gagna peu à peu en popularité et affronta Godzilla en 1964 dans le distrayant MOTHRA CONTRE GODZILLA. Selon un sondage, le monstre femelle serait le préféré des Japonaises et Mothra revint dans de nombreux épisodes de la saga Godzilla, comme par exemple GHIDORAH THE THREE HEADED MONSTER ou INVASION PLANETE X.
30 ans après leur premier combat, les deux monstres vedettes s’affrontèrent à nouveau dans un semi-remake sorti en 1992, GODZILLA Vs MOTHRA. La popularité de Mothra fut d’ailleurs suffisante à cette époque pour que la Toho la fasse intervenir dans la plupart des Godzilla ultérieurs et la créature eut même droit à sa propre trilogie intitulée REBIRTH OF MOTHRA entre 1996 et 1998. Apparue dans une quinzaine de long-métrages en une quarantaine d’années (sa dernière apparition remonte à GODZILLA FINAL WARS en 2004), Mothra reste un des kaiju les plus populaires et intéressants du cinéma populaire japonais même si le premier métrage la mettant en scène pourra sembler difficile d’accès aux spectateurs occidentaux d’aujourd’hui. MOTHRA, en effet, se distingue de la plupart des kaiju eiga par un ancrage très prononcé dans la culture japonaise et de nombreuses séquences (entre autre les passages chantés !) plutôt surprenantes.

Classiquement, MOTHRA débute par le naufrage d’un navire dont seuls quelques marins pourront s’échapper, trouvant refuge sur la petite île isolée de Biru ou « Île Enfant ». Dans cette région, la nation de Rolisica effectue des essais d’armes nucléaires mais les naufragés ne semblent pas souffrir des radiations et, selon eux, l’explication réside dans une boisson que leur ont donnée les indigènes. Après que les marins aient rapporté cette information, une expédition est organisée pour explorer l’Île Enfant et découvrir le secret de la boisson magique susceptible de protéger la population mondiale du péril nucléaire. Après ce début sympathique même si fortement inspiré par KING KONG, la suite de MOTHRA n’est guère palpitante et ne dévie pas vraiment de la masse des kaiju eiga de la même époque. L’expédition finit par découvrir de petites Fées habitant sur l’île Enfant que l’un des aventuriers, l’arriviste Nelson, souhaite exploiter dans un de ses night-clubs de Tokyo. Les demoiselles miniatures se voient contraintes de chanter de petites mélodies consacrées à une mystérieuse Mothra, laquelle n’est autre qu’une gigantesque chenille élevée au rang de divinité sur l’Île Enfant. Bien sûr la créature finit par surgir des flots et se dirige vers Tokyo en détruisant tout sur son passage…mais à ce moment nous en sommes déjà à pratiquement une heure de projection !
Un des grands problèmes de MOTHRA, courant dans nombre de kaiju eiga mais ici particulièrement flagrant, réside dans son rythme léthargique et la prévisibilité de son intrigue. En dépit d’éléments novateurs comme la présence des petites fées, le métrage se traîne assez péniblement durant près de soixante minutes, proposant une resucée sans grande inspiration du classique KING KONG mélangé à un discours alarmiste et à des influences provenant tout droit de GODZILLA ou de RODAN. Autre défauts récurrents de nombreux métrages de ce style, les personnages humains sont largement mis à l’avant-plan en dépit du peu d’intérêt que suscitent leurs actions. Certes, ici, le scénariste semble avoir fait l’effort de leur donner un minimum de caractérisation mais cela ne suffit pas à atténuer l’ennui du spectateur, lequel attend patiemment les interventions de Mothra pour sortir de sa torpeur. La présence d’un enfant assez insupportable (une tendance qui ne fera que croitre dans les kaiju des seventies) n’arrange pas non plus les choses. L’idée la plus intéressante suggère toutefois que le véritable monstre est bien davantage l’homme d’affaire corrompu que Mothra dont toutes les attaques auraient pu être évitées sans l’arrivisme des humains. Si cela change agréablement du manichéisme de la plupart des kaiju eiga, MOTHRA ne développe pas suffisamment ce point de vue pour véritablement transformer la chenille géante en une métaphore de la nature courroucée par les expériences nucléaires des humains de Rolisica (apparemment ce pays imaginaire serait nommé d’après une contraction de Russia et America).
Très (trop !) attendues, les scènes de destructions massives surviennent finalement dans le dernier tiers du métrage mais s’avèrent légèrement décevantes tant les figurants en sont étrangement absents. Les maquettes, par contre, sont très belles et les effets spéciaux assez réussis pour ce type de production. La mise en scène de Honda, pour sa part, ne parvient pas vraiment à transformer ce grand bordel en un métrage cohérent et intéressant, MOTHRA se révélant malheureusement assez ennuyeux. Seules les séquences d’action possèdent une véritable énergie et justifient la vision de ce film pour un public plus large que les inconditionnels des monstres géants japonais.

Quoique le métrage possède ses fans (certains le considèrent même comme un des meilleurs kaizu eiga de tous les temps !), MOTHRA peut sembler aujourd’hui longuet et daté même si, comme la plupart des métrages de ce style et de cette époque, il garde un charme suranné qui le rend encore relativement agréable et divertissant.
A réserver toutefois aux fans purs et durs du kaiju eiga des sixties, les autres se tourneront vers des valeurs plus sûres, à commencer par le bien plus efficace et distrayant MOTHRA CONTRE GODZILLA.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer


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