Muoi

Un texte signé Franck Boulègue

Corée-du-Sud/Vietnam - 2007 - Tae-kyeong Kim
Titres alternatifs : Meui
Interprètes : An Jo, Ye-ryeon Cha, Anh Thu, Anh Hong, So-hee Hong…

Voici un film susceptible de raviver l’intérêt du public occidental pour le cinéma d’horreur coréen. Non pas que MUOI : THE LEGEND OF A PORTRAIT soit un pur chef-d’œuvre, mais le cadre exotique dans lequel se déroule son intrigue apporte suffisamment de nouveauté à l’ensemble pour satisfaire la soif d’originalité de tout fan de « k-horror » qui se respecte. Le film de Tae-kyeong Kim se déroule en effet au Vietnam, terre jusqu’à présent peu parcourue par les cinéastes asiatiques – du fait, probablement, d’un régime politique volontiers replié sur lui-même. Il s’agit même de la première co-production entre les deux pays. Le fait d’aborder le genre déjà pas mal visité des histoires de fantômes aux longs cheveux couleur de jais par ce biais là procure au récit, tant narrativement que visuellement, une fraîcheur bienvenue.
Tout débute quand l’éditeur de Yun-hee, jeune et séduisante romancière coréenne, lui demande de se mettre à l’écriture de son deuxième opus. Cela fait trois ans déjà que son premier livre – intitulé « Secrets & Mensonges », un récit semi-autobiographique pas forcément flatteur consacré à son « amie » Seo-yeon – est paru. Depuis, Yun-hee s’est montrée incapable de produire quoi que ce soit de neuf.
Elle part alors pour le Vietnam afin d’effectuer des recherches pour son nouveau roman. Seo-yeon, qui vit là-bas depuis plusieurs années, lui a en effet parlé d’une légende susceptible de l’intéresser : un esprit issu d’un portrait maudit hanterait la ville de Dalat. Yun-hee ne pense pas que son amie, exilée au Vietnam, ait lu son premier ouvrage. Elle ne s’inquiète donc pas des mauvais tours que cette dernière pourrait vouloir lui jouer.
La légende en question concerne une ravissante jeune femme qui est tombée amoureuse d’un peintre en 1896, alors que le Vietnam était encore colonie française. Muoi (qui signifie 10 en vietnamien, sa position dans la ligné de ses frères et sœurs) file dans un premier temps le parfait amour avec Nguyen (le peintre). Mais la fiancée de ce dernier, extrêmement jalouse, découvre sa liaison et se venge horriblement sur Muoi. Elle lui brise la cheville avant de la défigurer à l’aide d’acide. Muoi se suicide peu après, se transformant ainsi en esprit assoiffé de vengeance. Des moines parviennent néanmoins à enfermer son fantôme dans un portrait…
Le film joue moins sur la peur du spectateur que sur l’atmosphère dans laquelle il le plonge. Les recherches effectuées par Yun-hee, sa relation avec Seo-yeon, la mise à jour des tenants et des aboutissants de l’histoire de Muoi, la découverte d’un nouveau pays : autant d’éléments que le cinéaste met en avant de manière à ne pas se limiter au seul récit fantomatique traditionnel. La photographie est superbe, les acteurs jouent juste, le cadre est magnifique. MUOI est un film très « classieux » qui déroule son intrigue avec professionnalisme. Un peu trop, peut-être, pour être franc. On aurait aimé que tout ne soit aussi bien léché dans ce métrage, que des éléments de surprise et d’imprévu jaillissent de-ci de-là à l’écran. Au lieu de quoi nous sommes confrontés à une mécanique sans a-coups, bien huilée mais un peu froide. On ne se prend jamais vraiment de passion pour les recherches de Yun-hee, qui n’est de toute façon pas vraiment un personnage aimable dès le début (ce qui est plutôt une bonne chose, en revanche, car cela confère de la profondeur à son jeu).
MUOI : THE LEGEND OF A PORTRAIT remplit donc haut la main les objectifs qu’il s’est fixé : nous conter une histoire vaguement terrifiante, sise dans un environnement exotique à souhait. Le spectateur amateur de ce genre de récits reste cependant un peu sur sa faim, le quota minimum de sursauts et de giclées d’adrénaline n’étant pas tout à fait atteint au final. Quoi qu’il en soit, le film mérite néanmoins le détour, ne serait-ce que pour l’originalité du lieu de tournage.


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- Article rédigé par : Franck Boulègue

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