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Neruda

A la fin des années quarante, le poète chilien communiste Pablo Neruda est une figure populaire du parti communiste. En devenant fasciste, le régime s’en prend aux communistes du pays et les enferme dans des camps. Convaincu par ses amis du danger, Pablo prend la fuite, accompagné par sa femme. L’inspecteur Oscar Peluchonneau se lance dès lors à sa poursuite. En voix off, c’est lui qui commente la poursuite durant laquelle il commence à développer une certaine fascination pour le poète.

Pablo Larraín réalise un biopic peu conventionnel, déroutant, choisissant de laisser libre court à la poésie plutôt que de suivre la piste rationnelle et factuelle. Pablo Larraín s’amuse à flirter avec les genres en mêlant le film noir, la comédie et la poésie. Apportant un ton original au film tout en étant difficile à appréhender pour le spectateur. Certes, peut s’attendre à de la poésie dans le biopic d’un poète. En revanche, la présence d’humour noir dans un sujet aussi pesant que la montée du fascisme est peu habituelle pour ne pas dire inconfortable.

Neruda n’est pas un héros symbolisant la liberté Il n’est pas le dernier rempart face au communiste. C’est juste un homme, disposant d’un bagou impressionnant mais lâche par moment, égocentrique, bourgeois, esthète. Pour lui, le confort est plus important que la liberté. Lorsqu’une communiste vient le rencontre, c’est pour le remettre à sa place car il n’est qu’un bourgeois. Comment pourrait-il comprendre les prolétaires, les ouvriers ? Ce portrait peu flatteur du poète qui pourrait trahir le propos du cinéaste ne le rend que plus touchant, plus humain. Quoi qu’il en soit, l’absence de manichéisme dans la description de cet homme traqué par le fascisme est intéressante.

Face à lui, le personnage du policier servant un gouvernement fasciste est incarné par Gael García Bernal qui jouait déjà dans NO, précédent film du cinéaste chilien. Narrateur du film à défaut d’en être le héros, Peluchonneau est un serviteur du système issu des milieux populaires, fils d’une prostituée. Personnage digne d’un film noir, il finit par tomber sous le charme du « criminel » qu’il traque. Il apporte le contre point comique, mais aussi la touche poétique : inspiré par celui qu’il pourchasse, le policier s’essaie à la poésie.

Pablo Larraín n’en est pas à sa première œuvre sur le fascisme. Dans son second film, SANTIAGO 73, POST MORTEM il fait vivre à son personnage l’avènement de Pinochet au pouvoir. Et dans NO, il met en scène un jeune publicitaire qui fait perdre un référendum à Pinochet. NO ayant remporté de nombreux prix en festivals le cinéaste chilien accède à la reconnaissance et de bénéficie de budgets plus conséquents.

NERUDA sort en salle en même temps que, JACKIE, dernier film en date du cinéaste, qui raconte comment l’ancienne première dame américaine use des médias pour transformer l’assassinat de son époux en évènement historique. Alors que NERUDA est dans l’exubérance, JACKIE est dans la retenue, dans le drame intime. Ces deux films démontre quoi qu’il en soit le talent du cinéaste chilien à adapter sa mise en scène à son sujet.

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