DossierentretiensHallucinations Collectives 2012

Nicolas Boukhrief 2

Sueurs Froides : Tu as également travaillé longtemps pour Canal+.

Nicolas Boukhrief : Au départ, j’ai lancé Le Journal du Cinéma en tant que rédacteur en chef. Au bout de deux ans, ça devenait moins intéressant à faire car ça roulait tout seul. Ce qui me plaisait, c’était de toucher le support médiatique et de faire un peu ce que l’on faisait à Starfix, pouvoir caser un sujet sur Verhoeven au milieu d’un sujet sur LES VISITEURS par exemple. Lorsque j’ai voulu partir, De Greef m’a dit non, il trouvait que j’avais un rapport très spécifique au cinéma qui correspondait bien à Canal et m’a proposé de travailler à la programmation. Ce que j’ai fait durant un an. On a fait un cycle Verhoeven, Argento… C’était comme une continuité du travail effectué pour Starfix. À l’époque, Canal refusait de faire des reprises car l’abonné paye pour voir de la nouveauté. Je leur ai dit « Vous avez passé MASSACRE À LA TRONCONNEUSE quand il y avait 200 000 abonnés, aujourd’hui il y en a 3 millions et demi, vous pouvez vous offrir quelques rediffusions. » On a alors fait un cycle shocker avec L’EXORCISTE, MASSACRE et EVIL DEAD qui ont fait des cartons. De Greef m’a alors donné une fenêtre pour faire une programmation intéressante. Il m’ont demandé ensuite ce que je voulais faire. Je trouvais qu’en France on se focalisait dangereusement sur la grosse comédie et le cinéma d’auteur pur et dur, qu’on faisait totalement disparaître le cinéma de genre. Or c’est ce qui a tué le cinéma italien. Donc ce serait intéressant de créer un atelier d’écriture où on lance un appel d’offres pour obtenir des scénarios de films de genre. J’ai rencontré Richard Grandpierre, qui avait produit la VENGEANCE D’UNE BLONDE, avec qui je me suis très bien entendu et on s’est lancé dans Canal+ écriture. On a signé DOBERMANN, TRAIN DE VIE et BERNIE entre autres, les films cartonnaient. Au bout d’un moment, comme c’était frustrant de ne s’occuper que des scénarios et que ça marchait bien, on nous a demandé ce que l’on désirait faire. Grandpierre a dit qu’il souhaitait monter une boîte de production. Du coup on s’est lancé dans l’aventure Eskwad. Mais pour moi, le plaisir s’était envolé. En tant que metteur en scène s’étant planté avec LE PLAISIR, film descendu par la presse et pas suivi par le public, je gagnais trop bien ma vie. Je trouvais cette situation malsaine. Soit je devenais producteur à Canal et continuais à gagner beaucoup d’argent, soit je me ramenais à ma position de cinéaste en me mettant à nouveau en danger. J’ai démissionné de Canal et je me suis retrouvé dans la situation d’après mes premiers films, sans beaucoup d’argent. De cette nécessité nouvelle de devoir gagner ma vie, je devais sortir un film qui se voulait moins prétentieux que le précédent et un peu plus proche du public. C’est devenu LE CONVOYEUR.

Sueurs Froides : Le film a très bien marché. Ça a été plus facile ensuite pour produire CORTEX ?

Nicolas Boukhrief : Pas vraiment. C’est assez drôle car après le PLAISIR j’étais vraiment grillé, mais LE CONVOYEUR était une bonne idée et tout le monde voulait, ensuite, que je refasse la même chose. J’ai écrit une comédie sur un pitch que je trouvais excellent et qui se nommait L’ITALIEN. On avait trouvé de l’argent, mais pas assez. L’avis général des financiers était : « La comédie, on ne sait pas s’il sait faire, pourquoi il ne refait pas un bon polar. En plus c’est un sujet sur un arabe qui se fait passer pour un italien, on ne sait pas si ça va faire marrer les gens.». Le film a fini par se faire avec Olivier Baroux en 2010, ils ont tout réécrit en ne gardant que le pitch. J’ai perdu presque deux ans à essayer de faire ce film. Du coup je suis revenu au polar, qui est tout de même un genre que j’aime particulièrement.

Sueurs Froides : Mais avec une approche différente du genre.

Nicolas Boukhrief : Je ne voulais pas refaire un CONVOYEUR bis. J’ai eu cette idée en discutant avec la scénariste Frédérique Moreau qui avait écrit MEURTRIÈRES, le film de Patrick Grandperret. On voulait faire un film sur les seniors, on a réfléchi et on a conçu cette histoire autour de la maladie d’Alzheimer.

Sueurs Froides : L’enchaînement avec GARDIENS DE L’ORDRE a été assez rapide.

Nicolas Boukhrief : Je n’ai pas trop réfléchi. Après CORTEX, je voulais faire un film sur la religion, mais j’avais ce sujet qui traînait depuis longtemps sur une nouvelle drogue qui apparaîtrait sur Paris et ferait péter les plombs aux gens. Comme c’était mon idée la plus avancée, j’en ai terminé l’écriture en allant trouver Dan Sasson avec qui j’avais travaillé sur le scénario du PLAISIR.

Sueurs Froides : Je crois savoir que tu as quelques regrets par rapport au résultat final.

Nicolas Boukhrief : Le film a souffert d’un manque de budget, il devait être beaucoup plus ample au départ. Le fait qu’il se rapproche du CONVOYEUR m’a permis de trouver de l’argent, mais pas assez pour faire ce que j’avais en tête. Mais bon, c’est la loi du marché, je ne m’en plains pas. À un moment, soit je ne faisais pas le film, soit je le réduisais énormément. J’ai opté pour cette seconde option. J’ai coupé les 25-30 premières pages du script pour me rapprocher sur le couple et le film est devenu un exercice de style. Je ne pense pas que ce soit un film qui brille par son scénario car il a été ramené à sa portion congrue. Au départ, c’était plus un film sur la fabrication d’une drogue qui arrivait sur le marché et croisait la route de flics. Il y avait un côté social, on voyait beaucoup plus la bande de voyous. On voyait aussi beaucoup plus les flics chercher la drogue, là ils arrivent en boîte et tombent sur un mec qui dit « tiens j’en ai trouvé ». Ça va trop vite car je n’avais plus les moyens de faire comme dans CRUISING par exemple où le gars fait plusieurs boîtes avant de trouver ce qu’il cherche. Mais j’ai jugé qu’il valait mieux le faire comme ça que pas du tout. Toute l’équipe était prête, les acteurs aussi. Je me suis dit que j’allais me préoccuper essentiellement de la mise en scène, continuer à apprendre et à me perfectionner pour faire un film agréable à voir. Ca m’a permis d’expérimenter la HD et de développer malgré tout un personnage féminin, ce que je n’avais jamais fait jusqu’à maintenant.

Sueurs Froides : Et si maintenant tu avais une liberté totale sur un projet, avec une garantie de diffusion en salles, quel film ferais-tu ?

Nicolas Boukhrief : Il y a un livre que j’aimerais adapter, c’est Léon Morin, prêtre de Béatrix Beck. Il y a déjà eu deux adaptations, une par Melville et une autre pour la télé en 1991. C’est un très beau sujet, mais je ne suis pas sûr que si demain j’arrive dans une boîte de production en disant que je veux faire Léon Morin, prêtre on me réponde oui. Ça se passe durant la guerre, je me servirai du conflit pour donner un climat de tension au film, il y aura des explosions, des avions, et même si l’histoire se passe en Province, on peut faire une incartade sur Paris en s’éloignant du roman.

Merci à Nicolas Boukhrief pour sa disponibilité.
Merci à Luc et Cyril pour les photos.

cliquez ici pour lire la 1ère partie

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