horizons

Nos Désirs Font Désordre

C’est en 2005 que Stéphane Arnoux signe son premier film, LA CAROTTE ET LE BATON. Un documentaire militant moyennement convaincant qui met en vedette le « gratin » de l’extrême-gauche caviar, à savoir, José Bové, Patrick Pelloux, Jack Ralite et les autres. Ce premier métrage s’avère généreux mais peine à exprimer une véritable ligne directrice. Néanmoins, l’ensemble suscite la sympathie tant on devine derrière un manque cruel de moyens. En 2009, le loustic signe sa deuxième pelloche, NOS DESIRS FONT DESORDRE, qui débute par la lutte contre le Traité Constitutionnel Européen…
Alors que les libéraux de droite comme de gauche tentent d’imposer une constitution européenne à la population par le biais d’un référendum, une étudiante essaye difficilement de convaincre ses camarades de s’engager dans la campagne. Elle prend également le parti d’une amie argentine menacée par un éventuel non-renouvellement de ses papiers. Au même moment, une jeune fille tente de se lancer dans l’écriture, tandis qu’un apprenti réalisateur essaye difficilement de monter un film (au détriment de sa compagne qui le trompe) et que deux actrices se lancent dans le théâtre de rue. Tout ce petit monde, et quelques autres, se retrouvent le temps d’un week-end à la mer…
Stéphane Arnoux, pour son deuxième long métrage, se livre à une expérience risquée. Il demande à une équipe de jeunes interprètes motivés d’écrire une série de textes décrivant leur rapport à la société. Au metteur en scène de faire le lien afin d’arriver à une histoire cohérente. Le but est de décrire la précarité qui touche la jeunesse de France. Stéphane Arnoux choisit donc d’ouvrir NOS DESIRS FONT DESORDRE par la campagne anti TCE et de conclure par la lutte anti CPE, avec en point culminant la sacro-sainte scène de repas, nécessaire à la réussite de tout bon film d’auteur franchouillard.
Le casting bénévole et co-auteur de cette bobine est composé de parfaits inconnus très talentueux, et plus particulièrement en ce qui concerne le beau sexe. En effet, Saida Djoudi, aperçue en 2001 dans un épisode des MONOS, est très convaincante, tout comme Fabiana Belot, dotée d’un charme envoutant auquel il est difficile de résister. Les garçons sont beaucoup moins convaincants, en particulier le rôle-titre, un peu fade.
Cette troupe sert donc, pour le mieux, une réalisation soignée (Stéphane Arnoux fait preuve d’un beau sens du cadre) qui ne trahit jamais son budget étriqué. Néanmoins, le film ne fait qu’effleurer son sujet. Le lien entre précarité, environnement social et les luttes qui en découlent n’est jamais fait. Une fois passé les quelques minutes sur le TCE, le film développe une intrigue uniquement centrée sur les individus. S’ensuit une série de galères où chacun évoque son petit malheur personnel, jamais la problématique ne sort du microcosme estudiantin petit-bourgeois, le comble étant la tentative de suicide ridicule de Nadia, amoureuse éconduite. Toutes ces sous-intrigues convergent vers une scène de repas indigeste car mal écrite, et ce malgré une belle mise en scène. Ces jeunes précaires nous paraissent bien égoïstes, pas une seule fois ils ne semblent se soucier du monde qui les entoure, et c’est bien là le défaut de NOS DESIRS FONT DESORDRE. Jamais les personnages ne vont au delà de leurs convenances personnelles, quid de la solidarité, quid de la possibilité d’un autre monde ? Même si, au final, les protagonistes entament une autre lutte, celle contre le CPE, ils s’avèrent fort peu attachants, et le projet si séduisant de Stéphane Arnoux tombe, comme Nadia, à l’eau.

Share via
Copy link