Nuda per Satana

Un texte signé Franck Boulègue

Italie - 1974 - Luigi Batzella
Interprètes : Rita Caldana, Stelio Candelli, James Harris, Renato Lupi, Barbara Lay…

Peu de films peuvent se targuer de faire aussi peu cas de leur intrigue que ce NUDA PER SATANA au titre bien trouvé. Entre les passages psychédéliques multipliant les filtres colorés pour l’image, les agissements pas toujours très cohérents des divers personnages et le propos un rien décousu servant de liant aux diverses scènes composant le récit, il s’avère souvent difficile de suivre cette histoire bizarroïde mêlant érotisme « soft » et fantastique à la Lewis Carroll. Le spectacle n’est pourtant pas dénué d’intérêt, ne serait-ce que pour l’ambiance onirique que le réalisateur parvient à instaurer par moments, en dépit du jeu pitoyable des acteurs, du scénario constellé de trous gros comme ceux du gruyère et des « effets spéciaux » dans l’ensemble pour le moins décevants.

Tout débute par une sombre nuit d’orage, tandis que le Docteur William Benson (Stelio Candelli) parcourt la campagne au volant de sa voiture à la recherche de la demeure d’un patient. Soudain, une apparition spectrale sur le bord de la route lui fait perdre le contrôle de son véhicule. Tout va très vite : il termine sa course en travers de la chaussée, un peu sonné mais indemne, peu avant qu’une seconde voiture n’imite son accident à l’identique et ne s’immobilise à quelques dizaines de mètres de lui. Susan, la conductrice de ce second véhicule (Rita Caldana) est inconsciente et nécessite des soins médicaux immédiats.

Le Docteur se dirige alors vers le château isolé aux abords duquel le hasard les a menés. Il découvre une bâtisse en apparence vide de toute présence humaine, où il ne tarde pas à être assailli d’hallucinations grotesques qu’il se refuse dans un premier temps à prendre pour la réalité. Pourtant, quand la jolie conductrice se présente soudain à lui vêtue comme une femme du XVIIIème siècle et agit comme si elle le connaissait de toute éternité, il devient évident que le concept de réalité n’a peut-être pas sa place en ce lieu. D’autant plus que la séquence suivante nous dépeint la même Susan se présentant aux grilles du château, toujours vêtue à la mode du XXème siècle, toute surprise d’avoir été abandonnée durant la nuit sur les lieux du crash. Elle ne tarde pas à faire la connaissance d’un personnage à l’air diabolique qui s’avère être le propriétaire de ce domaine – et très certainement le « Satan » du titre. Peu après, dans les jardins environnants, c’est à son tour de rencontrer le double du Docteur Benson, lui aussi habillé de vêtements d’un autre temps…

Bref, il n’est pas toujours évident de dénouer les fils scénaristiques qui tissent ce récit confus. Le film navigue d’une scène érotique à une autre, oscille entre le jour et la nuit, multiplie les mouvements de caméra penchée de manière à accroître encore un peu la sensation de perte des repères qui caractérise l’intrigue, le tout sans vraiment parvenir à convaincre. A sa façon, pourtant, le métrage se montre assez radical dans ses choix – mais l’on peut craindre que les incohérences multiples relèvent moins de la volonté du réalisateur que de sa maladresse.

Une séquence, surtout, provoque le rire plutôt que l’horreur qui s’affiche pourtant sur le visage de Susan. Après être tombée dans un puits sans fond, cette dernière finit sa course engluée dans une toile d’araignée géante et se met à hurler quand elle aperçoit la bête qui rampe lentement vers elle. Il faut bien reconnaître pourtant que la créature velue n’a rien de révulsant : confectionnée à l’aide de cartons agglomérés, les pattes tristement immobiles, probablement poussée dans le champ de la caméra à l’aide d’une tige, elle engendre autant la peur qu’un nain de jardin ne provoque l’horreur !

Toujours est-il que l’on peut apprécier ce film si on l’aborde sous l’angle du « trip », avec tout ce que cela implique en terme de récit déstructuré à l’extrême, sautillant de fantasme en fantasme, le tout nimbé d’une atmosphère cauchemardesque.


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- Article rédigé par : Franck Boulègue

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