Nuit nanarland 3

Un texte signé Sophie Schweitzer

France - 2018 - Nanarland

Cette année, la Nuit Nanarland a mis les petits plats dans les grands afin d’assurer à son public, venu fort nombreux, un spectacle digne de ce nom. Il manque une phrase pour faire le lien entre les deux phrases qui ont des sujets différents. Ainsi, les portes s’ouvraient deux heures plus tôt, puisqu’avant que la nuit ne commence, un concert a été programmé. Une programmation bonus qui a plu au public puisque la séance affiche complet.

Afin d’être fidèle à l’esprit du festival un concert décalé au ton volontairement humoristique a été proposé. Sosie de Robert De Niro dans Heat accompagné au clavier par Sosie de Robert de Niro dans Les Affranchies, nous ont proposés un spectacle visuel et musical accompagné d’un brin de jeu d’acteur. Le duo se la joue kitch qui n’est pas sans rappeler le film PODIUM où Benoit Poelvoorde incarne un sosie de Claude François. Une bonne manière de chauffer le public avant le début de la nuit !

Après le concert, place à Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque française et père spirituel de la Nuit excentrique ! Ce dernier officie encore une fois comme maître de cérémonie en distribuant comme le veut la tradition des cravates aux couleurs bigarrées. Il est accompagné sur scène par toute l’équipe faisant vivre la Nuit Nanarland, mais aussi Tanzi production fournisseur officiel de bande-annonce en 35mm.

La nuit s’ouvre avec WHITE FIRE, sans nul doute le film le plus attendu. Sorti en 1985, ce film français d’aventure / action / braquage tourné en Turquie a tous les ingrédients pour être un savoureux nanar. Avec les années, WHITE FIRE a acquis le statut culte en grande partie parce qu’il était invisible sur les grands écrans depuis 13 ans. Jamais sorti en DVD, visible qu’à partir de copies de faible qualité, WHITE FIRE a bénéficié d’un scan en 2K à partir d’une copie 35 miraculeusement retrouvée. Ainsi, il est désormais possible d’acquérir le DVD ! Peu avare en surprise, l’équipe Nanarland a fait monter sur scène Jean-Marie Pallardy. Ce réalisateur français à la longue carrière dans le cinéma érotique est devenu culte auprès du public de navets. Autant dire qu’il a été très bien accueilli tout comme WHITE FIRE dont la chanson titre a été entonnée plusieurs fois durant la nuit.

Suivait BLACK FORCE un film réalisé, écrit, interprété, produit, par Christian Anders. Christian est une sorte de Claude François allemand qui chante d’ailleurs pour la bande originale du film. C’est un film tourné à la gloire de Christian Anders. Malheureusement, il n’est pas très bon au jeu de l’homme orchestre. Dans la première partie du film, son personnage est perdu au milieu d’une affaire de drogue et de ninja le dépassant. Ce qu’il arrive à rendre pas trop mal. En revanche dès qu’il s’agit de nous faire croire à un actionner super testoronné, sa crédibilité en prend un coup. A cela, il faut ajouter des dialogues à l’écriture douteuse et des chorégraphies de combat laissant à désirer. Dans l’ensemble ce film de karaté est raté, mais plein de bons sentiments et d’une naïveté touchante. Deep Roy (acteur fétiche de Tim Burton) incarnant un nain despotique et génialement méchant, donne lieu à des scènes caustiques. L’ensemble est un ego trip désopilant, qui forcément avait sa place dans cette nuit.

Si la nature de nanar est discutable pour ZOMBI 3, ce film à la production torturée n’en est pas moins un triste exemple de comment l’industrie du cinéma peut broyer des auteurs. Lucio Fulci fort du succès de son ENFER DES ZOMBIES, est appelé pour réaliser la suite à savoir ZOMBI 3. Ce nom donné en version française était fait pour surfer sur le succès des films de George Romero. Seulement Lucio Fulci est malade et n’a aucune envie de réaliser ce film. La bataille qu’il livrera en permanence avec la production lui laissera un souvenir amer. Plus tard, il parlera de cette expérience comme un véritable enfer, reniant le film. Lucio Fulci abandonne donc le tournage livrant seulement 70 minutes dont ne sera conservé que 50 minutes dans un montage final opéré par Bruno Mattei et Claudio Fragasso. Ce dernier étant le scénariste de ZOMBI 3 et de l’inoubliable et culte TROLL 2 (lui aussi passé à la Nuit Nanarland, première édition). Du film de Fulci, on distingue les vestiges : une ambiance apocalyptique, une brume envahissante donnant au film des allures de mirage cauchemardesque, des maquillages de zombie dégoulinant, ou encore une fin nihiliste à l’humour noir. À ceci, Claudio Fragasso et son comparse Bruno Mattei viennent ajouter une intrigue militaire – laborantine fortement inspirée du RETOUR DES MORTS VIVANTS. De l’infection commençant par la crémation d’un zombie aux erreurs militaires provoquant la fin du monde, et un point de vue clairement antimilitariste, on retrouve tous les ingrédients du RETOUR DES MOTS VIVANTS. ZOMBI 3 est un film malade, couturé, maltraité, mais qui conserve malgré tout une saveur particulière, inimitable. Celle du film de genre italien d’une certaine époque désormais révolue.

Toute bonne nuit Nanarland se doit de s’achever en beauté, si possible avec un film de Ninja. C’est donc en toute logique que cette troisième et très belle nuit Nanarland s’acheve avec NINJA III. Production Canon, le film mêle avec audace FLASHDANSE, POLTERGEIST, et film de Ninja. Avec évidemment une bande-son adéquate, à savoir la musique électro très années 80. On y retrouve Lucinda Dickey qui avait déjà joué pour la Canon dans BREAKIN’ et sa suite, BREAKIN’ 2 ELECTRIC BOOGALOO. Elle incarne Chris, une jeune femme passionnée d’aérobic qui travaille dans les télécoms. Chris est une jeune femme talentueuse et passionnée travaillant dans le milieu ouvrier et pauvre. Son personnage n’est guère éloigné de l’héroïne de FLASHDANSE dont l’inspiration est évidente. Notre héroïne tombe par hasard sur un ninja à l’agonie qui lui donne son katana. Ce dernier conservé dans un placard donnera lieu à une scène imitant POLTERGEIST de Tobe Hooper. Possédée par l’esprit du ninja revanchard, la jeune femme va heureusement croiser la route de Billy, un policier un peu lourd, mais attachant qui fera tout pour faire exorciser sa petite amie. L’apparition de James Hong dans une scène d’exorciste plutôt étonnante rend le film d’autant plus chérissable. En dépit d’un criant manque d’imagination, il reste néanmoins bien mis en scène. C’est une série B de plutôt bonne facture qui réveille un peu sur la fin de cette nuit Nanarland.

Comme chaque année entre les films, il y a des bandes annonces, en 35 millimètres. Nous avons pu découvrir celle du cultissime LAC DES MORTS VIVANTS (qui a la réputation d’être le pire film français, réputation discutable néanmoins tant ce film est généreux à défaut d’être bon) ou encore quelques pépites du cinéma porno. On peut également compter sur les super cuts réalisés par l’équipe de Nanarland qui cette année encore ont réussi à dégoter des moments forts du cinéma. Certains d’entre eux assez modernes pour nous dire que le culte des mauvais films fait avec passion a encore de beaux jours devant lui.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà


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