retrospective

Nuits Rouges

Maxime de Borrego est menacé par un génie criminel, l’Homme sans Visage (Jacques Champreux) lorsque celui-ci apprend que le professeur connaît la cachette du trésor des templiers. Refusant de parler, de Borrego est tué. Tandis que l’Homme sans Visage continue, avec son assistante (Gayle Hunnicutt), à chasser ce fameux trésor, il est lui aussi recherché par plusieurs personnes. A ses trousses se pressent le neveu du professeur, Paul de Borrego (Hugo Pagliai), le commissaire Sorbier (Gert Fröbe) mais également les templiers.
Même lorsqu’il tournait JUDEX (1963), Georges Franju fut toujours plus attiré par les criminels que par les justiciers et il ne rêvait que de pouvoir mettre en scène Fantômas. Ce rêve était proche de devenir réalité quand une somme énorme lui fut offerte pour réaliser un film sur ce fameux génie du crime. Malheureusement, le projet était dès le début placé sous une mauvaise étoile. Tout d’abord, les droits sur le nom Fantômas auraient été tellement chers qu’ils auraient avalé une partie importante du budget. Arriva alors Jacques Champreux avec un script qu’il avait écrit sur son temps libre, inspiré par Fantômas d’un côté et Lon Chaney (l’homme aux milles visages) de l’autre. Afin de profiter doublement du budget, il fut décidé de tourner une version de feuilleton télé en 16mm en même temps qu’une version cinéma en 35mm. Georges Franju décida de tourner une grande partie du matériau (les scènes sur les toits, entre autres) à Belgrade, ce qui permit de tirer un maximum du budget. Puis vint le coup final. A leur arrivée en France, Georges Franju réalisa que plusieurs des bobines 35mm avaient été volées et remplacées par des sacs de sable dans les boîtiers. Ces scènes ont finalement dû être remplacées par les scènes similaires (sans toujours être identiques) en 16mm. Cette solution reste donc, en ce qui concerne la version cinéma du film, à l’origine de certains faux raccords. Il faudrait pouvoir voir la version télé (L’HOMME SANS VISAGE fut diffusé en 1975 en 8 épisodes) pour pouvoir juger de l’étendue du dommage qu’a causé le vol de ces bobines 35 mm.
Ce qu’on peut visionner reste amusant, sans plus malheureusement. Et la seule faute n’est pas à chercher avec le vol du matériel filmé. La version feuilleton du film, L’HOMME SANS VISAGE, nous donne évidemment la totalité de l’intrigue et NUITS ROUGES en est témoin. Sans qu’on ait des problèmes à suivre l’intrigue, elle saute d’un épisode à l’autre, et il serait facile de couper le film en chapitres pour refléter les différentes parties de la version feuilleton. On a ainsi l’impression de manquer des pièces de l’intrigue, et certains trous de logique sont évidents, au point de presque être agaçants. Certes, l’intrigue somme toute très farfelue et le fait que le trésor des templiers ne reste finalement qu’un McGuffin des plus classiques ne disparaîtront sûrement pas non plus dans la version télé longue mais la structure sera probablement plus cohérente.
Georges Franju n’était pas non plus soutenu par des acteurs vraiment solides. Certes, ils n’embarrassent personne mais sont loin d’avoir la classe du tandem Pierre Brasseur/Alida Valli qui a donné sa force à LES YEUX SANS VISAGE du même réalisateur. En fait, on peut fermement classer la plupart de leurs efforts au niveau « feuilleton télé » et leurs performances se révèlent certainement plus confortables dans la version longue.
Tout n’est bien sûr pas mauvais dans NUITS ROUGES. L’intrigue passe à un rythme soutenu, on ne s’ennuie jamais, et les références à la culture populaire ne manquent pas. Ainsi, l’Homme sans Visage est aussi bien une référence au Fantômas de Feuillade qu’à la série avec Louis de Funès. Et il ne serait pas déplacé parmi tous les vilains des films d’Edgar Wallace. Sa manière de lancer les couteaux est un hommage direct à Spiderman et son masque rouge profond est à la base de quelques images frappantes. Somme toute, la valeur visuelle et esthétique du film excède de loin les éléments narratifs de NUITS ROUGES. Si cette œuvre de Georges Franju mérite certainement un petit détour, elle devrait préférablement être dégustée dans sa version de feuilleton télé, version dans laquelle aussi bien les failles de l’intrigue que les qualités des acteurs seraient plus facilement pardonnées.

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