BIFFF 2009review

One-eyed monster

Une équipe de tournage de films pornographiques se rend dans un chalet montagneux pour une nouvelle production. Au sein de l’équipe, Ron Jeremy, pornostar vieillissante mais toujours bien active et Veronica Hart, pornostar vieillissante également mais mise, elle, à la retraite forcée car, c’est bien connu, les actrices ne peuvent pas vieillir, surtout dans le porno. Lors d’une pause, Ron se fait pénétrer (!) par un alien qui prend possession de son corps… Ou plutôt de son sexe, lequel va tenter de féconder le casting féminin et décimer le masculin.

Nous avions déjà eu le japonais SEXUAL PARASITE : PUSSY KILLER, rapidement remaké par le TEETH américain, voici maintenant son pendant masculin avec ONE-EYED MONSTER. Aux vagins ornés d’une belle dentition (dangereux, un vagin, la même idée était encore récemment exploitée au détour d’une séquence de TOKYO GORE POLICE) se substitue ici le phallus serial killer et serial niqueur de ONE-EYED MONSTER. Et pas par n’importe quelle queue puisqu’il s’agit de l’engin de Ron Jeremy, la rondouillette et moustachue pornostar américaine, active dans pas loin de deux mille boulards depuis la fin des années 70 et qui joue ici son propre personnage. Une légende soutenue par la taille – 24 cm – de son outil.

Si de ce côté-ci de l’Atlantique, l’interminable sexe de Rocco Siffredi s’en va jouer les utilités auprès de Catherine Breillat (ANATOMIE DE L’ENFER), au pays des Hot-dogs (!) Ron Jeremy sort depuis quelques années du ghetto hardcore en décrochant des rôles mineurs dans des productions non pornographiques, le plus souvent pour John Frankenheimer.

Avec ONE-EYED MONSTER, le voici sujet principal d’un film… Sans pour autant que sa présence excède celle d’un second rôle lambda. En effet, Ron Jeremy est présent en creux (et en bosse). Il est sujet plus qu’objet : on parle de lui plus qu’on ne le voit. Et le voilà réduit à sa substantifique mœlle, puisque son sexe se détache de son corps pour aller remplir (!)… son rôle dans tout orifice passant à portée.

Astucieuse réflexion qui touche l’air de rien au statut de la pornostar masculine : l’homme est réduit à son sexe, son corps et son visage importent peu, voire restent même souvent anonymes, permettant ainsi au spectateur le transfert fantasmatique recherché.

Veronica Hart, autre gloire du X américain des années 80, ose une mise à nu (!) sur le difficile statut de la hardeuse vieillissante et délaissée par les producteurs d’un milieu sans pitié à l’égard de corps ne correspondant plus aux canons de l’éternelle jeunesse. Ses scènes, touchantes, nous rappellent le caméo de Brigitte Lahaie dans CALVAIRE (Fabrice du Welz) qui, même traité sous un angle très différent, confrontait aussi l’actrice actuelle à son prestigieux passé.

Au casting, peu d’autres têtes connues. A y regarder de plus près (et ce n’est pas l’envie qui nous manque) et à ne pas s’attarder qu’à la tête, on retrouve cependant une autre hardeuse : Carmen Hart, active depuis le milieu des années 2000, qui a ainsi l’occasion de nous montrer que son talent ne se limite pas à sa croupe.

Le scénario ne cache guère ses hommages appuyés aux deux premiers EVIL DEAD dont la structure générale imprègne ONE-EYED MONSTER. Quoi de plus logique, après tout EVIL DEAD II comprenait déjà une bonne dose d’humour. L’amateur trouvera certainement d’autres références, telles celles à ALIENS via le détecteur de mouvement ou le cocon emprisonnant la victime. Un poster promotionnel pastiche d’ailleurs l’affiche d’ALIENS. Le sexe détaché du corps, la comédie décalquant certains traits du cinéma d’horreur, le fricotage entre l’humour et le sexe, le rapport à un personnage célèbre… Voilà bien des éléments qu’on pouvait aussi trouver dans le dessin animé de Picha : TARZOON, LA HONTE DE LA JUNGLE, autre (plus) lointain cousin de ce ONE-EYED MONSTER. Et pour les amateurs, d’autres films ont joué dans la même cour. Pensons ainsi au FLESH GORDON (chro-niqué si on ose dire dans Sueurs Froides PDF).

L’autre référence prégnante de ONE-EYED MONSTER est LA NUIT DES MORTS-VIVANTS de Georges Romero. Moins par les protagonistes assiégés par la menace extérieure que par le héros noir.

ONE-EYED MONSTER est un très bon film qui, sous couvert d’un scénario à première vue peu original, révèle un solide sous texte qui émerge ça et là et nous parle avec humour d’un monde finalement mal connu, celui des productions X. Un monde qui semble intéresser les réalisateurs contemporains, que ce soit du côté de la production : ZACK AND MIRI MAKE A PORNO, LE PORNOGRAPHE ou de l’exploitation : SERBIS, LA CHATTE À DEUX TÊTES…

La comédie fait mouche, grâce à un scénario parfaitement ficelé, des dialogues bien amenés et du comique de situation judicieusement exploité, le tout plongé dans l’absurdité de l’argument !

Comédie oblige, le réalisateur Adam Fields (quel prénom pour ce type de réalisation !) ronge son frein (!) sur l’érotisme et le X : peu de nudité, aucune scène explicite. Le hors champ est judicieusement roi.

ONE-EYED MONSTER nous lave en une heure et demi de 20 ans de pseudo-comédies jamais drôles sur le sexe et réussit l’exploit d’une vulgarité pas simplement grasse ou gratuite.

ONE-EYED MONSTER a été joyeusement applaudi par une salle conquise, en séance de minuit du 27e Brussels International Fantastic Film Festival (BIFFF).

Share via
Copy link