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Organik Horribilis

Catherine, célibataire engluée dans un boulot qui l’ennuie, vit dans la monotonie la plus complète. Mais sa vie trop tranquille va basculer dans l’horreur après qu’elle ait consommé des OGM, comprendre des Œufs Génétiquement Modifiés.

Pour nous permettre de suivre les mésaventures de Catherine, ORGANIK HORRIBILIS prend comme base un sujet ô combien d’actualité : le transgénisme. Catherine nous est présentée au début du film comme une sorte d’adolescente dans un corps de femme. En effet, son seul compagnon dans la vie semble être son chien en peluche, ses pyjamas ornés de nounours ne sont pas nécessairement des plus affriolants et, même si elle prétend être à la recherche d’un « prince charmant », elle avoue avoir une légère préférence pour les aventures érotiques qu’elle vit dans ses rêves… à 27 ans, tout cela commence à être suspect et notre héroïne a tout d’une parfaite… catherinette (le choix du prénom ne semble donc pas anodin…) !!! Dans son petit train-train quotidien (on la rencontre à la sortie du boulot, dans un RER, rentrant chez elle pour retrouver le vide de sa vie : représentation du fameux métro-boulot-dodo !), elle a néanmoins un petit pêcher mignon : les œufs au bacon !! On est à nouveau loin de l’image de la femme fatale adepte de cocktails fluorescents aux noms exotiques mais pourquoi pas ? Malheureusement pour elle, les œufs prétendument bio qu’elle s’est offert et qu’elles consomment goulûment vont se révéler terriblement nocifs.

Les premiers symptômes de son intoxication seront des cauchemars de plus en plus glauques où elle se verra d’abord pourchassée par un zombie avant de se retrouver ligotée, en tenue SM, à la merci d’un chirurgien qui va la libérer de ses 2 « bébés », l’un par voie naturelle et l’autre lors d’une césarienne pratiquée à la tronçonneuse… mais bientôt, c’est Mickael, le présentateur du JT, qui va lui parler à travers l’écran de son poste de télévision !! Pour lui dire quoi ? que le monde est moche et l’Homme décadent mais qu’elle peut changer ça ! Voilà donc notre catherinette projetée dans le rôle d’une justicière supposée remettre l’humanité sur le droit chemin en la débarrassant de ses parasites. Mais le changement ne s’arrête pas là puisque son corps lui-même commence à subir de monstrueuses transformations…

Au delà du transgénisme et du côté potentiellement néfaste des produits qui en sont issus, on peut se dire que le sujet profond du film est celui de la mutation et ce, à plusieurs niveaux. En effet, Catherine passe du rôle de femme-enfant, naïve, soumise, invisible, à celui d’une femme prédatrice et vengeresse. D’un point de vue psychologique elle est donc totalement transformée et, à ce niveau là, on peut dire qu’elle a gagné en force (le film aussi d’ailleurs puisqu’il ne se cantonne pas à son aspect simplement fantastique et s’aventure sur le territoire des « vigilante movies »). D’un point de vue physique par contre, on pourrait plutôt parler de dégénérescence puisque son corps se recouvre progressivement de pustules avant de devenir difforme. Ainsi, en devenant psychologiquement la femme forte qu’elle rêvait d’être, elle est aussi devenue un objet de répulsion, paradoxe qui sera le point de départ de sa propre descente aux enfers.

Mais d’une certaine manière, on ne s’arrête pas au seul cas de Catherine. On croise ainsi tout au long du film des personnages qui ont pour la plupart une face cachée : le revendeur d’armes qui paraissait si sérieux à Catherine lors de leurs échanges de mails (?!?!?!) tente finalement de la violer lors de leur rencontre. Un simple vieillard croisé au détour d’une rue cache derrière son aimable « bonjour » un profond désir de « baiser cette petite salope » de Catherine (on arrive dans les contrées du « rape and revenge », le métrage touche donc à un nouveau genre !!). Comme l’explique Mickael, chaque être humain est potentiellement dangereux et il incombe donc maintenant à Catherine de découvrir en chacun cette part sombre. Encore une fois, au travers de ces personnages et des différents styles qu’il aborde, ORGANIK HORRIBILIS essaie de mettre en avant l’idée de changement, de « devenir », ce qui est plutôt intéressant même si on atteint bien rapidement les limites d’un tel film.

En effet, s’il est important de souligner la bonne volonté du réalisateur, Patrick Monier qui semble réaliser ici son premier film, il est indéniable que l’ensemble reste très amateur… ainsi, si on croise quelques bonnes idées au travers du métrage, beaucoup sont plombées par un scénario invraisemblable (même si le questionnement sur le potentiel danger des OGM reste pertinent), des bricolages souvent trop évidents et des choix pour le moins étonnants. La musique, par exemple, nous renvoie aux feuilletons érotiques que diffusaient la sixième chaîne les dimanche soir en deuxième partie de soirée. La réalisation est bien entendu assez approximative et les extérieurs rappellent quant à eux de laborieux films de vacances tournés avec le caméscope familial. Les acteurs se débattent au milieu de tout ça et, même si ils paraissent impliqués dans le projet, ils ne parviennent évidemment pas à convaincre. D’autant qu’ils sont pour la plupart dissimulés derrière d’improbables postiches et autres accessoires quand ils ne sont pas tout bonnement recouverts de latex. Subterfuges visant sans nul doute à permettre à un casting qu’on imagine restreint de tenir un plus grand nombre de rôles (« coïncidence » amusante à ce propos : environ 90% des noms apparaissant au générique final sont l’anagramme de celui du réalisateur !!! étonnant, non ??) mais qui nous laissent face à des personnages semblant tout droit sortis des Guignols de l’info ou de sketchs d’un Patrick Sébastien au plus bas de sa forme (c’est dire…) !!

Cependant, ces bricolages, effarants d’un certain point de vue puisqu’ils font perdre au métrage sa crédibilité (premier ou second degré ?), sont aussi une de ses forces : la séquence de l’accouchement ainsi que les maquillages et le costume de la Catherine pourrissante sont à ce titre de jolies réussites. A l’heure du tout numérique, avoir le courage de se lancer dans une entreprise qui sent bon le caoutchouc et le sirop de fraises se doit d’être salué, peut être pas avec une profonde passion, mais au moins avec une indulgence attendrie et une sympathie amusée. Bon courage à Patrick Monier donc, on ne peut que lui souhaiter de poursuivre ainsi son chemin afin d’arriver à des résultats qu’on imagine déjà plus convaincants

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