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Paintball

Depuis la fin des années 90, l’Espagne a revigoré avec un savoir faire certain le cinéma de genre. Prenant la suite d’illustres prédécesseurs tels Narcisso Ibanez Serrador (LA RESIDENCE en 1969 et LES REVOLTES DE L’AN 2000 en 1972) et Jorge Grau (LE MASSACRE DES MORTS-VIVANTS en 1974), Alex De La Iglesia, Alejandro Amenabar, Jaume Balaguero et quelques autres imposent des nouveaux standards à un cinéma fantastique alors moribond. En 1993, le mélange détonnant d’humour féroce et de science-fiction d’ACTION MUTANTE impose le « style De La Iglesia », alors qu’Amenabar et Balaguero renouent avec le film de terreur poisseux très premier degré avec, respectivement, TESIS (1996) et LA SECTE SANS NOM (1999). Aujourd’hui, l’Espagne est devenu un label de qualité pour tous les cinéphiles, d’où une attente fébrile à chaque nouvelle sortie, en particulier lorsqu’elle est signée par les producteurs de REC (2007). Ces derniers donnent sa chance à Daniel Benmayor qui, avec PAINTBALL, signe un premier film au script original…
Une équipe de paintball, constituée des sommités mondiales de ce sport, part en affronter une autre. Mais ce qui s’avérait être un exercice hautement jubilatoire tourne au cauchemar lorsque les projectiles deviennent des balles réelles. S’engage alors une chasse à l’homme sans foi ni loi dans une forêt à la végétation luxuriante…
Le fait d’illustrer à l’écran une partie de paintball confère immédiatement à ce métrage un parfum de singularité. Néanmoins, cela est vite atténué par un scénario très basique, avec des personnages stéréotypés et des dialogues caricaturaux. A cela s’ajoute un final pompé sur le diptyque d’Eli Roth, HOSTEL (2005/2007). Toutefois, que ce survival soit basique dans son intrigue n’est pas forcément un obstacle, surtout s’il donne à voir une bonne série B bien mise en scène. Et c’est là que le bât blesse…
Car si la première demi-heure, très immersive, s’avère efficace en donnant au spectateur un rôle de voyeur plutôt déstabilisant, la suite sombre dans le médiocre. Benmayor choisit d’utiliser un procédé assez douteux : chacun des meurtres est filmé en « nightshot ». D’où un désintérêt croissant pour le long métrage qui voit tout son suspense sabordé par cet artifice, en effet, dès qu’une scène est en caméra thermique le spectateur devine que la future victime est poursuivie par un assaillant étranger au groupe. Cela supprime toute ambigüité, on sait que ce n’est pas un autre tireur de l’équipe qui va frapper, alors même que la troupe est disloquée et qu’il règne une certaine tension entre ses membres. Le réalisateur se prive ici d’un ressort scénaristique non négligeable. De plus, cela supprime tout l’impact des effets gore (pourtant certains meurtres sont très ingénieux) car le spectateur ne voit plus qu’une sorte de bouillie pixellisée. L’amateur de Z se croît alors revenu à la grande époque de Bruno Mattei et son cultissime ROBOWAR (1988). Néanmoins, le final, même s’il est prévisible, est beaucoup plus efficace et retrouve le souffle de la première partie, grâce, entre autre, à l’interprétation habitée de la belle Jennifer Matter en guerrière sexy malgré un treillis peu seyant.
A l’image de la quasi-totalité du casting de PAINTBALL, c’est une illustre inconnue du grand public. Quelques amateurs de Bis auront peut-être déjà aperçu le physique Patrick Regis que l’on voit dans l’oubliable ANACONDA III (Don E. FauntLeRoy-2008) donner la réplique à un David Hasselhoff au fond du trou ; quant aux téléphages amateurs de bonnes séries TV ils auront certainement reconnu, dans un rôle antipathique, l’irlandais Brendan Mackey vu dans LIFE ON MARS (2007). Ces interprètes font de leur mieux pour servir cette série B plutôt bien rythmée mais maladroitement réalisée.
Néanmoins, PAINTBALL devrait pouvoir satisfaire un auditoire adepte de la « shakycam », un procédé aujourd’hui tant prisé pour masquer l’absence de mise en scène dans les séquences d’action. L’accueil un peu tiède reçu par PAINTBALL (qui sort directement en DVD dans l’hexagone) est cependant à tempérer tant l’attente d’excellence envers la production ibérique est élevé, il est en effet fort difficile de succéder à la génération de surdoués de ces deux dernières décennies pour le jeune Daniel Benmayor. Il a voulu se démarquer en refusant une illustration classique du survival. Un genre qui, bien que très représenté à l’écran n’a donné que peu de navets. D’ailleurs, son compatriote Koldo Serra avait livré, en 2006, l’excellent THE BACKWOODS qui faisait preuve d’un classicisme formel digne du film fondateur de Sam Peckinpah STRAW DOGS (LES CHIENS DE PAILLE-1971). L’ambition et peut-être aussi la réception critique mitigée de EL REY DE LA MONTANA (LES PROIES de Gonzallo Lopez-Gallego-2007) font ici prendre quelques mauvais choix dans le traitement esthétique de son histoire à Daniel Benmayor. Seul l’avenir nous dira si ce coup d’essai très moyen était un incident de parcours (ou pas), en attendant PAINTBALL aura certainement trouvé un public, ne serait que celui qui, tous les week-ends, s’asperge de peinture en jouant, dans la joie et la bonne humeur, à se faire la guerre.

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