Panique au village

Un texte signé Alexandre Lecouffe

Belgique, Luxembourg, France - 2009 - Stéphane Aubier, Vincent Patar
Interprètes : Stéphane Aubier, Jeanne Balibar, Bruce Ellison, Vincent Patar, Benoît Poelvoorde

Le duo belge Stéphane Aubier et Vincent Patar compte une vingtaine d’années de travail et de créations en commun dans l’animation ; débutée à la fin des années 80, leur filmographie comprend PIC PIC ANDRE SHOOW (1988) qui les fait connaître, toute une floppée de courts d’animation ou de clips jusqu’à la réalisation de la série « Panique au village » (entre 2001 et 2003) avec laquelle ils atteignent une grande notoriété (les 45 épisodes sont diffusés sur Canal+ et rachetés dans de nombreux pays). Ce premier long métrage est donc une déclinaison de leur série et fut présenté à Cannes en 2009 où il a bénéficié d’un très bon accueil critique et au Festival du Film d’Angoulême où il se vit décerner le Valois de la Mise en Scène.

Il était une fois dans un petit village tranquille de la Wallonie….C’est l’anniversaire de Cheval et ses deux compères, Indien et Cowboy décident de lui offrir un barbecue en briques pour l’occasion. Malheureusement, suite à une erreur informatique, ils se font livrer un milliard de briques ! Afin de dissimuler leur bourde, Indien et Cowboy entreposent celles-ci sur le toit de la maison de Cheval…qui ne tarde pas à être détruite et ensevelie. Alors que les trois amis se lancent dans sa reconstruction, d’inquiétantes créatures venues d’un monde parallèle leur subtilisent les murs à la nuit tombée ! Un dangereux périple au centre de la Terre vient de commencer pour nos trois héros….

A mille lieux des univers ultra sophistiqués de l’animation 3D numérique actuelle, celui des deux réalisateurs propose un retour à l’artisanal et au bricolage. Les personnages sont des figurines en plastique, le décor se limite à deux maisons et leurs intérieurs emplis d’objets miniatures et la technique d’animation est celle de la « stop-motion » (ou animation image par image) qui donne au film un aspect volontairement saccadé dans son rythme et naïf dans sa forme. Cela tombe bien : l’univers du duo est tout entier tourné vers une nostalgie de l’enfance, un monde non pas mièvre mais ouvert sur toutes les possibilités de l’imaginaire. La mythologie du Far-West avec ses trois figures archétypales croise ici des souvenirs des romans de Jules Verne, le tout se mélangeant harmonieusement avec une forme de comique burlesque et non-sensique qui fait souvent mouche. Difficile de résister à ce microcosme hétéroclite qui voit un Cheval à l’accent de vieux wallon à la tête d’une « odyssée » qui le mènera, avec ses deux compagnons très « Laurel et Hardy », au centre de la Terre, dans des steppes enneigées, à l’intérieur d’une machine infernale puis dans un monde sous-marin type Atlantide. Avec un sens du rythme qui relève parfois de la véritable frénésie, PANIQUE AU VILLAGE ne laisse pas vraiment de répit au spectateur, malgré un net fléchissement dans la partie avec les savants-fous qui peine à renouveler un récit qui semble alors parvenu au bout de sa logique de courses-poursuites et de mouvement perpétuel et déraisonné. Peut être victime d’un trop plein d’imagination, le film s’essouffle alors et ne parvient pas à rebondir (même les répliques souvent hilarantes des trois compères tombent un peu à l’eau…). Ce petit bémol qui démontre la difficulté de passer d’un épisode de cinq minutes à un long métrage avec la même densité narrative ne gâche pas vraiment la vision d’un film débordant d’énergie et d’idées loufoques. Une bonne part de sa réussite repose sur les voix qui donnent vie aux personnages ; elles sont toutes excellentes, du faux accent américain de Indien au délirant débit de Steven le fermier (interprété par Benoît Poelvoorde) et confèrent à PANIQUE AU VILLAGE une bonne partie de son identité et de sa spontanéité. Régressif sans être infantile, poétique par instants, drôle sans tomber dans l’humour bas, ce premier long métrage réussit le difficile équilibre entre le bel objet artistique et le divertissement tout public.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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