Paradise Lost

Un texte signé Patryck Ficini

USA - 2006 - John Stockwell
Titres alternatifs : Turistas
Interprètes : Josh Duhamel, Melissa George, Olivia Wilde

De jeunes touristes partent à la découverte du Brésil, désireux de se noyer dans la fête permanente. C’est hélas plutôt entre les mains de voleurs d’organes qu’ils vont finir !
TURISTAS évoque un peu HOSTEL. Comme dans le film d’Eli Roth, on retrouve la
même bande de joyeux drilles avides d’exotisme et de plaisirs faciles. Dans les deux cas, il s’agit d’anglo-saxons qui croient arriver en terrain conquis dans des pays socialement défavorisés (Europe de l’est ou Brésil). On peut véritablement parler de tourisme sexuel dans HOSTEL ; moins ici c’est vrai (sans doute à cause de la présence de filles dans le groupe) mais le principe reste le même. TURISTAS et HOSTEL développent, sous couvert de film d’horreur, un sujet intéressant : l’exploitation des pays en voie de développement par les pays riches. Dans HOSTEL, des jeunes sont capturés par la mafia slovaque pour servir de victime à de riches bourreaux. Ici, des touristes coulés dans le même moule sont traqués et capturés par le gang d’un médecin brésilien « humaniste ». En effet, son but est de rétablir l’équilibre entre amérique du nord et du sud en leur prélevant des organes qui serviront aux pauvres de son pays. Il explique clairement (à la fille qu’il est en train de charcuter !) qu’Américains et Européens nantis n’hésitent pas à acheter des organes sains aux trafiquants du Tiers-Monde ; et il compte bien faire l’inverse.
Intéressante la confrontation entre une vision idyllique du Brésil, réservée aux touristes, et la réalité d’un pays violent et misérable – même si ce dernier point aurait pu être accentué. Le paradis et l’enfer réunis en un même lieu. Ce n’est pas rare : pensons à toutes ces destinations lointaines qui font rêver les Occidentaux alors que la vie quotidienne de la majorité de leurs habitants est plus proche du cauchemar le plus noir.
TURISTAS, filmé et photographié très professionnellement, démarre lentement (HOSTEL commençait sur un ton de comédie avant de braquer sur l’horreur pure). Il y a bien un accident d’autocar mais tous les passagers en sortent avant qu’il ne bascule dans un précipice. Les paysages sont beaux, il y a des chansons brésiliennes, on boit, on danse, on drague, on s’éclate. Le malaise est peu présent : juste dans la barrière de la langue et dans un incident verbal avec un type qui ne veut pas qu’on photographie son enfant (par crainte des enlèvements). La vie est belle et nombre de spectateurs auront envie de passer leurs prochaines vacances là-bas. C’est LES BRONZES 4, en quelque sorte ! Seule la toute première scène et ses flashs sadiques montre la direction qu’adoptera finalement le film.
Les choses changent quand, après une nuit trop arrosée, les touristes insouciants se réveillent dépouillés en terre inconnue, sans le précieux argent qui leur ouvrait toutes les portes. Deux d’entre eux sont capturés et liquidés (jolie scène de doigts tranchés à la machette) et les autres (les héros proprement dits) errent dans un village à la recherche de la police. Un natif avec qui ils ont sympathisé est chargé de les conduire dans un endroit où le fameux médecin tortionnaire ira les chercher. On peut se demander pourquoi ils ne sont pas tous enlevés en même temps. On peut se demander aussi pourquoi le Brésilien s’attache à eux au point de vouloir trahir ses patrons. Une infirmière fera de même (en leur conseillant de fuir) comme le bras droit du médecin au final. Très bizarre, tous ces méchants pas si méchants qui retournent leur veste pour aider les victimes étrangères. Est-ce pour montrer grossièrement qu’il ne faut pas mettre tous les Brésiliens dans le même sac ? Cela aurait pu être mieux fait. Les propos du médecin sont plus intéressants de ce point de vue, car il s’agit véritablement d’un salaud qui a son éthique, même tordue. Il n’est au fond que le retour de bâton pour un Nord qui se fout comme d’une guigne de la misère du Sud dès lors qu’il peut l’exploiter pour son bien-être.
Hélas, malgré la qualité de son sujet, TURISTAS a un grand défaut : son rythme déficient. Rien n’intéresse vraiment jusqu’à la capture des héros (après une longue marche dans la jungle et une exploration encore plus lassante de grottes sous-marines). La tension est faible. On retiendra principalement une scène où le médecin crève l’œil d’un complice avec la brochette qu’il vient de manger. Très brutal, et surprenant. La vivisection d’une touriste (assez forte) marque cependant le vrai début des hostilités. Mais au lieu de virer au malsain comme HOSTEL et ses tortures, TURISTAS choisit la voie du survival dès la précoce évasion des jeunes. Un survival sans relief, sans attrait réel où le réalisateur nous replonge dans ses grottes pour la poursuite finale alors que la première visite avait largement suffi à nous fatiguer ! On est loin de THE DESCENT, quand même.
TURISTAS aurait mérité, compte-tenu de son excellent sujet, un traitement plus nerveux et rentre-dedans. On peut rêver de ce que Ruggero Deodato en aurait fait, au vu de ses CANNIBAL HOLOCAUST et AMAZONIA. Un film d’aventures crade et ultraviolent, sadique et sans concessions. Tout ce que TURISTAS, avare en vraie sauvagerie, n’est pas, hormis lors de trop rares fulgurances.


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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