Pat Tremblay

Un texte signé Éric Peretti

- 2011

C’est le soir même de la première projection de son film HELLACIOUS ACRES, sélectionné en compétition officielle au LUFF, que nous rencontrons Pat Tremblay. Le coup de cœur ayant été immédiat pour cet objet filmique non identifié, une interview s’imposait avec son auteur. Il est donc plus de minuit à Lausanne lorsque Pat se pose sur un banc en face de la cinémathèque suisse pour répondre à nous questions, alors que souffle un vent glacial qui ne semble pas affecter ce canadien extrêmement sympathique.

Sueurs Froides : J’ai découvert que HELLACIOUS ACRES n’est pas ton premier long métrage.

Pat Tremblay : C’est exact, j’ai réalisé HEADS OF CONTROL : THE GORUL BAHEU BRAIN EXPEDITION en 2006. Il a joué seulement dans trois festivals, dont un qui est plutôt particulier, à Lorquin en France et qui est organisé par le Centre National de Documentation Audiovisuel en Santé Mentale. C’est un festival exclusivement pour des médecins,psychologues et psychiatres. C’est un film très bizarre, assez expérimental mais une comédie quand même.

Sueurs Froides : Et là c’est encore une comédie que tu as réalisée ?

Pat Tremblay : Et oui (rires)

Sueurs Froides : Es-tu d’accord pour définir HELLACIOUS ACRES comme un film post apocalyptique réaliste ? C’est à dire que tu ne filmes presque que les situations les plus anodines, celles que les autres films du genre sacrifient pour aller directement à l’action.

Pat Tremblay : C’est ça, j’ai tout le temps au fond de moi, lorsque je regarde des films de fiction, trouvé dommage que l’on coupe les moments ennuyeux. Je voulais jouer avec ce thème, c’est vraiment dans le but de montrer la réalité. Quand on pense à l’armée, il y a énormément de semaines où les gens passent du temps dans des coins désertiques et il n’y a rien à faire, à part jouer aux cartes, à attendre la prochaine mission. Ces éléments, on en voit pas souvent au cinéma et ça m’a toujours intrigué. Comment vivent ces gens, et que se passe-t-il entre les missions ? Alors dans le film, on ne joue pas aux cartes, mais je voulais montrer les temps morts et autres à-côtés car c’est la réalité, et on ne les voit jamais assez.

Sueurs Froides : Les péripéties de ton héros ont également été limitées par ton budget.

Pat Tremblay : Définitivement. A priori, je savais que je n’allais pas faire le film avec des subventions ou des investissements. J’avais déjà fait des demandes dans le passé, sans succès. Cette fois je me suis dit non. Je veux tourner, mais que puis-je faire avec la limite de mon propre argent ? Donc l’idée de départ découlait de ça en fait, c’est à dire de trouver une histoire qui allait être simple, qui ne nécessitait pas cent un décors. J’ai pensé à la possibilité de tourner dans des granges, ce qui ne demandaient pas beaucoup d’arrangements.

Sueurs Froides : Qui a réalisé les costumes des personnages ?

Pat Tremblay : C’est moi, j’ai un peu commencé dans les effets spéciaux. J’ai toujours aimé les costumes de tous genre, donc le film était aussi un prétexte aussi pour fabriquer des costumes. Mais je ne suis pas pro et j’ai improvisé leur confection. Celui du personnage principal se délabrait rapidement, les morceaux se décollaient et je devais passer 3-4 heures avant tous mes nouveaux week-ends de tournage afin d’essayer de le rafistoler adéquatement.

Sueurs Froides : Le tournage a été long ?

Pat Tremblay : Comme je tournais au Québec, je voulais un décors automnal, je ne voulais pas de feuilles dans les arbres, alors on tournait à cette période et au début du printemps. Mais c’était sur des périodes relativement courtes, avant qu’il n’y ait de la neige, et avant que les bourgeons ne sortent au printemps. Je ne tournais que les week-ends car mes amis qui m’aidaient n’étaient disponibles qu’à ce moment là. Tout ceci a ralenti la sortie du film. Mais ce temps m’a aussi aidé à arranger des trucs dans le scénario. Puis il y a eu beaucoup de post-production pour l’image et le son. Il a fallu trois ans pour que l’entité complète soit terminée.

Sueurs Froides : Avec cette quête de codes dispersés dans différents lieux et la possibilité de gagner du temps en se téléportant, ton film ressemble par moments aux vieux jeux vidéos qui ne possèdent que peu de décors et où il suffit de pousser un bouton pour trouver des passages secrets.

Pat Tremblay : C’est drôle car les gens lors des présentations me disent plutôt que ça leur fait penser à des jeux du genre Halo ou Fallout, alors que je n’y ai jamais pensé avant de faire le film. Mais je suis content de savoir que le film plaît à ces gens là, les fans de jeux. Moi le dernier jeux auquel j’ai joué c’est Doom 3, et je n’ai jamais eu le temps de le finir. Je n’y suis pas retourné depuis d’ailleurs. Je ne pense pas que je saurais jouer aux nouveaux jeux de nos jours, qui me semblent trop complexes.

Sueurs Froides : HELLACIOUS ACRES semble bien tourner en festival. As-tu déjà des projets pour la suite ?

Pat Tremblay : J’ai une belle vague en ce moment. Le film a eu sa première mondiale en Australie, puis il était à Fantasia à Montréal, à Québec. Ensuite Oldenberg en Allemagne et celui de la ville de Québec. Là, j’étais en Espagne à Sitges, maintenant Lausanne et ensuite Nice. Puis l’Italie à Ravenna et Kaohsiung pour Taiwan. J’espère en avoir d’autres. Pour mes projets, j’ai fait une demande de subvention pour un scénario complètement différent de celui de HELLACIOUS. Ce sera une comédie musicale en fait, très simple et encore avec un petit budget. Je ne m’attends pas à faire de gros numéros de scène avec plein de comédiens et plein de numéros de danse extravagants. C’est pas le but de ce projet. Si je n’ai pas l’argent pour ça, j’ai quand même 4-5 autres idées qui mijotent.

Sueurs Froides : Es-tu un autodidacte ou as-tu fait une école de cinéma ?

Pat Tremblay : Quand j’avais 17 ans j’ai eu un choix, car au Québec on a le CEGEP, sorte de collège avec différents programmes de spécialisation. En regardant tous les programmes disponibles, il y en avait deux qui m’intéressaient plus que les autres. Le premier était le cinéma. Et je me suis dit tiens je vais me lancer là-dedans pour voir. J’ai complété ce programme de deux ans mais je n’ai pas été accepté à l’université par la suite. Ça m’a pas empêché de continuer à faire d’autres trucs, des courts, des vidéos. J’ai un site perso où on peut voir mon travail graphique car mon boulot c’est aussi de faire des vidéos corporatives, du design graphique pour des pubs. Début 2000, j’ai fait des pochettes d’albums pour le monde musical métal.

Sueurs Froides : As-tu déjà un distributeur pour ton film ?

Pat Tremblay : J’ai eu, grâce au festival Fantasia, l’opportunité de rencontrer des gens de Bloody Disgusting.com. Avec leur nouveau label, Bloody Disgusting Selects, ils ont pris le film. J’ai donc une distribution nord-américaine. J’espère en avoir une en Europe et en Asie et plus, que ce soit pays par pays ou pour l’ensemble. J’ai quelques contacts, on verra bien…
Lien vers le site de Pat Tremblay
Merci à Pat pour cet entretien.
Merci à Patrick Suhner pour l’organisation de l’entretien.
Lire la critique de Hellacious Acres


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Éric Peretti

- Ses films préférés :

Share via
Copy link