Photographing Fairies

Un texte signé Marisa C. Hayes

Royaume-Uni - 1997 - Nick Willing
Interprètes : Toby Stephens, Emily Woof, Ben Kingsley, Frances Barber, Rachel Shelley…

Dans les années suivant la Première Guerre mondiale, après avoir servi en tant que photographe dans les tranchées, Charles Castle retourne à Londres pour ouvrir avec succès un magasin consacré à la réalisation de portraits. Avant le conflit, Castle fut le témoin de la mort de sa jeune femme lors d’un accident tragique au cours de leur lune de miel. Bien que les années aient passé, il est toujours miné par le chagrin et il vit dans l’attente du jour où il cessera d’exister. Son athéisme soutient qu’il n’y a pas de vie après la mort, ni de place pour le surnaturel, à l’inverse de la ferveur spirituelle qui sévit alors à l’époque. Le jeune photographe prend ainsi plaisir à démythifier ce type de croyances lors d’une réunion de la société théosophique, dont les membres spiritualistes prétendent posséder d’authentiques clichés de fées. Après avoir prouvé que les photos en question sont des faux, il reçoit la visite à son studio d’une des membres du public. Elle lui montre son propre ensemble de photos, fort différentes de celles présentées lors de la réunion, et elle affirme qu’une série de marques floues trace en réalité les contours de fées. Castle accepte d’agrandir les clichés afin de pouvoir rejeter ses dires, mais il devient intrigué quand il découvre davantage que ce à quoi il s’attendait. Affublé de son équipement photographique, il part à la campagne, dans le village de Burkinwell, afin d’étudier les fées de première main. Une étrange série d’événements s’ensuit, dans laquelle temps onirique et circonstances bizarres entrent en collision…

PHOTOGRAPHING FAIRIES est tiré du livre éponyme de Steven Szilagyi, mais le message du film ainsi que ses personnages diffèrent grandement de ceux présents à l’origine dans roman. Quoi qu’il en soit, tous deux prennent leur source d’une série de faits authentiques, connue sous le nom de : THE COTTINGLEY FAIRY CASE. En 1917, deux jeunes filles britanniques prétendirent avoir pris des photos de fées ailées dans leur jardin. Leur supercherie parvint à tromper de nombreuses personnes à travers les années, parmi lesquelles le créateur de Sherlock Holmes, Sir Arthur Conan Doyle (dont la forte présence dans le livre est condensée à quelques moments seulement à l’écran). Ce n’est pas avant 1980 que les deux cousines, Elsie Wright et Frances Griffiths, confessèrent leur tromperie dans le « Times », en décrivant comment elles posèrent aux côtés de découpages des créatures mythiques (lors de la scène de la réunion théosophique, nous découvrons une projection des vraies photos de fées de Cottingley). La diffusion originelle des photos coïncida avec l’influence croissante du mouvement théosophique à travers l’Angleterre. Parfois connue sous le terme de « spiritualisme », la théosophie avance l’idée que les religions du monde détiennent toutes une parcelle de vérité, de même que la science et la philosophie. Etrange mélange de religion, de métaphysique et de pratiques occultes, la théosophie inclut la croyance en les anges, les fées et autres esprits naturels. Les photos de fées de Cottingley créèrent un événement à travers le pays qui laissa une marque profonde dans l’histoire et la culture populaire britannique. De nombreux livres et films continuent de traiter ce sujet sous toute une variété d’angles. Tandis que FAIRY TALE : A TRUE STORY (également sorti en 1997) recrée joliment la série d’événements historiques qui s’est déroulée à Cottingley, PHOTOGRAPHING FAIRIES ne cherche pas à dupliquer l’histoire, mais plutôt à examiner d’un point de vue adulte certaines des questions soulevées durant l’incident. De fleurs narcotiques en fées érotiques, le film s’attaque aux idées liées au schisme entre science et croyance, aux différents plans d’existence, au chagrin, à la sexualité et à la nature.

La photographie du film – qui pénètre par moments dans domaine de l’expressionnisme, bien adapté à la campagne anglaise ainsi qu’aux thèmes liés à la nature qui s’y déroulent – constitue un des points forts de ce dernier. L’arbre magique d’où surgissent les fées, et duquel plusieurs personnes tombent (une en mourra) est admirablement filmé, presque comme un être vivant, avec ses branches tendues vers le ciel, infinies, à l’image des possibilités proposées dans le film. Notons également la montre à gousset de Charles Castle qui s’ouvre pour révéler une photo de feu sa femme, et qui joue un morceau de musique entêtant. Ce morceau refait surface à travers le film, même durant les scènes où le corps brisé du photographe, entièrement bandé dans un plâtre, ne pourrait pas l’ouvrir. La montre fonctionne comme un compte à rebours symbolique jusqu’à la fin du récit, moment où Castle est certain d’être réuni avec son épouse. Le fort sens artistique du film se manifeste lors d’une scène qui n’est pas sans rappeler BLOW UP, scène durant laquelle Castle agrandit les photos de fées de manière à mieux les examiner. Toujours plus obsédé par ses étranges découvertes, le sol du studio photographique se transforme en une mosaïque de photos en noir et blanc, qui reflètent son mode de pensée cyclique.

Bien que PHOTOGRAPHING FAIRIES puisse paraître conventionnel quant à ses thèmes liés à la croyance, la réalisation parvient à contenir ce sentiment de déception grâce à une subtilité qui permet à d’autres aspects réussis du film de prendre le devant. Une histoire bien construite couplée à un rythme prenant rendent cette fantaisie historique digne d’être vue. La mise en scène, le travail sur l’image et le jeu des acteurs sont tous à souligner, ce qui vaut à la première réalisation de Nick Willing de prendre sa juste place aux côtés des autres classiques traitant des fées de Cottingley.


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- Article rédigé par : Marisa C. Hayes

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