Porno Holocaust

Un texte signé Angélique Boloré

Italie - 1979 - Joe D'Amato
Titres alternatifs : Holocausto Porno
Interprètes : George Eastman, Dirce Funari, Annj Goren, Mark Shanon

PORNO HOLOCAUST sort du cadre habituel des films pornos, en narrant une histoire. Des scientifiques apprennent que des animaux ont subi, dans une île, d’étranges mutations. L’un des scientifiques pose la question qu’il ne fallait pas au ministre du pays: cette mutation a-t-elle déjà touché des êtres humains? Nos scientifiques, accompagnés de torrides créatures de rêve débarquent sur l’île. Là, les uns après les autres, ils sont attaqués par un homme. Ce dernier, un indigène, souffre apparemment de la mutation, son nez s’est déformé et a quelque chose de porcin. L’action oscille entre scènes d’amour et scènes de meurtre. Le mutant massacre les hommes, et viole les femmes. Il enlève même l’une d’elle, une indigène, et l’emmène dans une grotte. Elle y découvre deux crânes, une musette avec des vêtements d’enfant et un journal. Pendant ce temps, le mutant décime l’équipe scientifique. Le dernier survivant parvient à libérer la prisonnière, avec laquelle, il s’enfuit. Mais le tueur les rattrape. Il s’apprête à achever l’homme, à terre et sans défense, quand la jeune femme l’en empêche. Le couple tue avec un harpon la créature, pui quitte l’île. En pleine mer, ils sont sauvés par un cargo.
Le film oscille donc entre des scènes de dialogue interminables et des scènes pornographiques très réussies. La première d’entre elles est une scène de lesbianisme. Les deux protagonistes sont très belles, extrêmement désirables et la caméra a su se placer et évoluer de manière à rendre toute la sensualité de leurs étreintes. Plus tard, nous retrouvons l’une des filles en train de se déshabiller et de se faire monter par deux grands noirs impressionnants. Le contraste entre la peau blanche de la fille et les deux noirs est encore plus frappant du fait qu’elle est petite, longiligne, a les cheveux courts et la poitrine timide. Le tout est bien tourné, ne cache rien, et se trouve digne de n’importe quel autre film pornographique. Ce coït a énormément de charme et de force. Par contre, la musique, ringarde et atroce, aussi médiocre que les mélodies des autres films du genre, n’aide pas beaucoup. Immédiatement après suit une scène d’amour sur une plage ensoleillée entre l’un des scientifiques et l’indigène. Quoi de plus excitant que ces ébats sensuels dans un tel cadre! Le soleil caresse et souligne les formes parfaites des corps nus, le bruit des vagues étouffe les gémissements. Une scène érotique ne suggérant que le coït aurait peut-être eu plus d’impact pour l’imagination, mais Joe D’Amato voulait un film pornographique. Eh bien, il est là. Les fellations, sollicitations fièvreuses du clitoris et levrettes sont au rendez-vous. Par contre, la musique est toujours aussi insupportable. On pourrait également reprocher au réalisateur d’avoir trop peu d’imagination en ce qui concerne les positions dans la copulation. La levrette est de rigueur, et les partenaires masculins ne semblent pas avoir envie de changer. C’est donc un tantinet rébarbatif. Par contre, les gros plans sont nombreux et explicites.

D’Amato apparemment, a refusé de simplement se borner au film pornographique, via le scénario, mais il aurait pu faire un effort pour aller jusqu’au bout. En effet, les invraisemblances gênent énormément. Quand l’indigène est prisonnière du mutant, par exemple. Pour la capturer, il s’approche d’elle lentement, d’une façon théâtrale, et l’assomme. Elle, elle ne fait que reculer pauvrement devant lui, sans esquisser le moindre geste de fuite. Dans sa grotte, pour la retenir, il lui lie les poignets avec une malheureuse ficelle et laisse ses pieds libres. Une fille cherchant à s’enfuir ne serait pas retenue par un lien aussi ridicule, et les mains ne servent en rien à la course. Cela ne doit pas être aussi difficile que ça de faire attention à ce genre de détail, et les incohérences gâchent le plaisir du spectateur. On a aussi parfois l’impression que le réalisateur se moque carrément de son public. Les scènes d’amour se déroulent souvent sur le même arbre mort de la plage; on a pu aisément remarquer qu’une légère barrière de corail la protégeait. En effet, les vagues brisant leur mouvement sur les coraux projettent une écume blanche reconnaissable. Les deux rescapés s’enfuient donc, sur une barque pour la pleine mer, seul endroit où ils peuvent rencontrer un cargo de la taille de celui qui les sauve. Pourtant, leurs signaux de détresse et leurs cris de joie sont jetés de l’intérieur du lagon, comme le prouve, à quelques mètres derrières eux, l’écume blanche. On peut imaginer que D’Amato n’a ni moyens, ni temps, mais qu’il fait tout de même des films pour notre plaisir (même si cela peut paraître légèrement utopiste). Ainsi, les défauts en seraient partiellement excusés. Malheureusement, on a du mal à retenir cette hypothèse, car l’ensemble paraît souvent trop bâclé, pour ne pas avoir l’impression qu’il se moque de nous.

Si on part du principe que PORNO HOLOCAUST est un film pornographique, alors il est bon. Mais on ne peut quand même pas résister à un sentiment de frustration. En effet, Joe d’Amato aurait facilement pu faire de son film un chef-d’oeuvre. Le mutant est effrayant. Il force les femmes du groupe à assouvir ses envies sexuelles. Il oblige la première à s’agenouiller, et fourre son sexe durci avec violence dans sa bouche. Ensuite, il lui tient fortement la tête et imprime un autoritaire va et vient. On sent ici un formidable potentiel malsain que le réalisateur n’a pas voulu exploiter. Ce genre d’images et de situations aurait pu constituer le clou du film. Afin d’abuser de la deuxième femme qu’il rencontre, il l’assomme, puis la viole complaisamment. Il secoue le corps inerte, lui fait prendre plusieurs poses, abuse d’elle, comme d’une poupée en chiffon, ou encore, comme d’une morte. Mais D’Amato n’a pas utilisé le côté fortement pervers qu’il aurait pu tirer de ces scènes. Il s’est contenté de filmer les parties génitales et le coït. Et pourtant, quand le reste du groupe découvre la fille, elle n’est plus qu’un cadavre splendide dans sa nudité. L’accouplement avec le mutant l’a tuée, la grande tache de sang maculant le haut de ses cuisses et ses fesses le prouve. L’image est relativement fugace, mais d’une force incontestable. Le spectateur apprécie pleinement ce plan, et regrette de n’avoir pas vu ce qui dans le coït a pu lui causer de telles blessures. C’est un peu dommage.

Quant aux femmes, elles sont naturelles, poilues et non siliconées. D’Amato a choisi des filles au physique intéressant, comme celle qui ressemble à un garçon ou à une adolescente, et des acteurs puissants et virils, qui néanmoins se font tuer un peu facilement pour des hommes à la musculature aussi développée. Le réalisateur a cependant le mérite d’avoir réussi à faire autre chose qu’un porno classique et conventionnel.


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- Article rédigé par : Angélique Boloré

- Ses films préférés : Autant en Emporte le Vent, Les dents de la Mer, Cannibal Holocaust, Hurlement, L’invasion des Profanateurs de Sépultures

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