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Post Mortem

Hongrie, 1919. Après avoir été touché par une explosion, Tomas revient miraculeusement à la vie sous les yeux d’un photographe post mortem, qui l’embarque avec lui sur les foires où tous deux officient dans ce métier. Jusqu’à ce qu’un village lourdement endeuillé lui demande de venir prendre en photo les morts qui ne peuvent être enterrés à cause de la terre gelée. Tomas s’y rend et découvre assez vite que l’endroit est hanté par ces âmes coincées dans le monde des vivants.

Un drôle de duo pour mener l’enquête

Post-Mortem est un film de hantise assez classique dans sa forme, particulièrement par sa lumière qui s’inspire des peintures hollandaises pour dépeindre une atmosphère crépusculaire, mais également par le climat peu accueillant, la morsure du froid et la clarté du soleil trop pâle pour vraiment réchauffer. Dans sa musique, au contraire, il s’appuie plutôt sur de l’horreur moderne, avec des grincements de violons, et surtout l’idée de pousser le spectateur à bien regarder, car c’est dans les ténèbres que se meuvent les spectres. Une manière de mettre en scène les fantômes assez équivalente à celle de James Wan dans la série des CONJURING.

Un film de hantise dans une atmosphère crépusculaire

Tout en contraste et en clair-obscur, le film lorgne du côté du monochrome. En réalité, les couleurs s’approchent de celles qu’on pouvait distinguer sur les photographies de l’époque sur des plaques de verre comme les daguerréotypes : une légère tonalité sépia ou bleutée dans les moments nocturnes. Si cette inspiration coule de source étant donné le sujet, les autres inspirations qui traversent le film sont tout autant pertinente. Comme NOSFERATU de Murnau, où l’on retrouve la démarche hachée des possédés et l’ombre démesurée des morts évoque le célèbre vampire. Pour marquer l’hommage, nous croisons durant une scène très onirique un cercueil redressé où jailli l’un des spectres pourchassant le héros.

Des esprits en colère qui se la joue exorciste.

Quant à l’histoire contée, la manière dont la panique enfle et gagne tout le village au point que ses habitants cherchent à trouver refuge dans l’église, évoque plutôt SLEEPY HOLLOW, ou plus récemment LES SERMONS DE MINUIT. C’est bien sûr une trame classique étant donné la période à laquelle le film fait référence. L’église a toujours servi d’asile en cas de danger. Étrangement, on retrouve une scène assez semblable dans EIGHT FOR SILVER, qui est passé lui aussi au festival de Gérardmer en 2022. À croire que ces thématiques et celle de la contamination d’un mal revanchard étaient celles de l’année. Le réalisateur de POST MORTEM l’avoue lui-même, même si ce n’était pas forcément désiré, le Covid a laissé ses traces, et le choix de placer l’histoire au moment de la grippe espagnole n’est pas complètement innocent.

Un film d’horreur hongrois qui revisite ses classiques

Si les inspirations du réalisateur sont cinématographiques (il a fait une thèse sur le cinéma d’horreur et ses fans), elles sont également psychanalytiques. C’est Carl Jung qu’il cite en premier. Ce pionnier croyait en effet aux esprits et s’adonnait à des séances de spiritisme. Ici, elles sont évoquées comme une façon de les attirer, l’inverse de ce que voudrait nos héros. Il n’y en aura donc pas, ce qui est un tantinet frustrant. Car l’époque y était propice. C’était un phénomène de mode en un temps où l’on se sentait proche de la mort, sans doute parce qu’elle était omniprésente.

Le petit fantôme va sortir !

Et puis, le film fait évidemment référence aux différents rites funéraires, les photos des morts qui étaient très en vogue au 19e et début 20e, tout autant qu’aux peintures et à l’art funèbre qui étaient réputées durant le 18e. L’obsession du tombeau et de son caractère envoûtant nourrit aujourd’hui le cinéma d’horreur, il n’est donc pas étonnant que POST MORTEM leur rende un dernier hommage.

POST MORTEM remplit son contrat, offrant une atmosphère si particulière et qu’on affectionne tant quand on regarde un film de fantôme. Bien que s’inscrivant dans la modernité, il renoue aussi avec un cinéma d’horreur plus classique, comme pour réconcilier les deux. Mais pour le réalisateur, c’était surtout une manière de présenter ce genre de film au public hongrois qui, malheureusement, a dû se s’en passer durant la période soviétique où il était interdit.

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