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Prevenge

Ruth est une femme enceinte et une impitoyable vengeresse. Après la disparition du père de l’enfant qu’elle porte, Ruth se met en quête de vengeance de la manière la plus froide, sanguinaire et violente qui soit. Mettant à profit son physique passe-partout, elle s’approche de ses victimes avec aisance pour ensuite les tuer. Si cela est facile au début, car ses victimes sont peu ou prou d’horribles personnages, peu à peu, sa conscience se réveille. Mais la voix du bébé ne cesse de lui intimer l’ordre de venger son père tué dans un accident d’escalade.

Premier long métrage d’Alice Lowe, l’actrice, scénariste, humoriste qui tient ici le premier rôle. Précédemment, elle avait écrit le scénario de TOURIST de Ben Wesley où elle jouait l’un des deux principaux rôles. Le film a quelque chose de très intime puisque la réalisatrice l’a tourné durant sa grossesse. Ce choix impose forcément un tournage très rapide, d’autant qu’elle souhaitait l’achever avant la venue au monde de son enfant.

Et peut-être que cette rapidité est une erreur. Bien sûr, on comprend toute la question de la maternité, de l’étrangeté que cela peut être d’avoir un autre être vivant à l’intérieur de soi. Ce sentiment est superbement bien traité via la voix off supposée être celle de l’enfant. Cette voix, aigüe, trop peut-être, exprime cependant toute l’ambiguïté d’être mère. L’attachement quasi sacrificiel qu’elle ressent, et d’autre fois, l’impression d’être possédée comme la gamine de L’EXORCISTE.

Mais du fait de la rapidité d’exécution du projet, le film souffre d’avoir une mise en scène excessivement simplifiée, des effets gores avortés, un humour noir embryonnaire et pas assez corrosif. Il suffit de se souvenir de TOURIST pour constater qu’un tournage aussi rapide et sans budget à la hauteur, sans mise en scène parvenant à trouver comment montrer les émotions de son personnage par autre chose que de longs plans sur l’actrice seule, montre que c’était au final, sans doute, une mauvaise idée.

Tout n’est cependant pas à jeter. La folie latente de l’héroïne semble faire écho à un Norman Bates, et l’humour très noir pince-sans-rire qui jette un regard sombre sur une société, sans parler de la bonne dose d’hémoglobine versée, tout est là pour donner au spectateur un voyage assez inédit qui aura le mérite d’être original.

Et ce qu’on trouvera intéressant, c’est la manière dont le film interroge sur la société dans le regard qu’elle porte à une femme enceinte. Car pour approcher ses victimes, Ruth joue un personnage cliché qui répond aux attentes de la société, une mère au foyer, une femme désespérée sexuellement parlant, une femme à la recherche d’un emploi à qui l’on conseille de se débarrasser de son problème de maman pour avoir une chance d’obtenir un boulot, jusqu’au total anonymat dans lequel elle se drape avec aisance. Parce que personne au fond ne la voit.

Alors oui, le film explore des choses très intéressantes, et a un sujet plutôt original, mais indéniablement, avec plus de travail, on aurait eu une œuvre plus aboutie. Peut-être aura-t-on même eu une perle, un chef-d’œuvre. La carrière d’Alice Lowe est définitivement à suivre !

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