Prophecy

Un texte signé Éric Peretti

USA - 1979 - John Frankenheimer
Interprètes : Robert Foxworth, Talia Shire, Armand Assante, Victoria Racimo, Richard Dysart, George Clutesi, Burke Byrnes, Mia Bendixsen, Graham Jarvis, Everett Creach

Film peu aimé de son réalisateur, John Frankenheimer déclara avoir accepté le projet alors qu’il était en pleine phase dépressive et ne s’étendra jamais sur ce métrage lors des interviews sur sa carrière, PROPHECY ne mérite pourtant pas la réputation honteuse qu’il se coltine depuis sa sortie. Tournée à la fin des années 70, cette œuvre de commande du studio Paramount avait pour but de surfer sur la vague engendrée par le succès des DENTS DE LA MER, et de devenir un concurrent potentiel au box office pour un autre film de monstre mis en chantier par la Fox, ALIEN.
Alors que plusieurs disparitions mystérieuses y sont signalées, Robert Verne, médecin humaniste, se rend, accompagné de sa femme Maggie, dans un coin reculé du Maine. Mandaté par l’agence de protection de l’environnement de Washington, il doit enquêter sur un éventuel risque de pollution et mettre ainsi fin à une querelle opposant quelques indiens, natifs de la région, aux dirigeants d’une grande papeterie implantée sur leur territoire. Bethel Isely, le directeur de l’usine qui accueille le couple, laisse entendre que les indiens, régulièrement ivres et violents, sont indubitablement les responsables des disparitions. Une altercation avec ces derniers en chemin semble d’ailleurs lui donner raison. Mais le lendemain, Robert et Maggie acceptent de suivre John et Ramona Hawks, représentants des indiens, au cœur de la majestueuse forêt environnante, à la rencontre du grand père de Ramona. Il leur parle d’une créature mythique, Khatadin, qui veille sur la forêt et ses habitants, faisant payer aux hommes blancs le mal qu’ils ont infligé à la nature…
Bien que scénarisé par David Seltzer, auteur du script génial de LA MALEDICTION, le film ne tient évidemment pas la comparaison avec ceux de Spielberg et de Scott. Pourtant la mise en scène de Frankenheimer est, comme à l’accoutumée, efficace et sa bonne maîtrise du format scope nous offre quelques séquences étonnantes comme lorsqu’il cadre des visages angoissés dans l’exiguïté d’un tunnel, mais aussi magnifiques comme en témoignent les scènes tournées en pleine nature. Etant parmi les premières productions américaines à être tournées au Canada, ce film de monstre, à l’intrigue des plus classiques, bénéficie des superbes décors naturels qu’offre la Colombie Britannique pour illustrer son message écologique.
Si cette histoire de méchants industriels qui détruisent la nature au nom du profit et font face à de gentils indiens qui ne demandent qu’à pouvoir vivre en paix parvient malgré tout à ne pas ennuyer, c’est aussi en grande partie grâce à un casting peuplé d’acteurs sympathiques qui donnent le meilleur d’eux mêmes. Ainsi Robert Foxworth campe un docteur Verne qui, usé par son métier, l’injustice et la misère à laquelle il doit faire face, refuse d’avoir un enfant. Il est épaulé par Talia Shire qui, après avoir été une émouvante Constanzia “Connie” Corleone dans la saga familiale de son frère, allait bientôt reprendre le rôle d’Adrian pour soutenir son ROCKY de mari. Elle interprète ici une Maggie dont l’angoisse augmente à mesure que l’intrigue avance car, en plus d’avoir dissimulé sa grossesse débutante à son époux, elle réalise que son fœtus courre un risque de malformation. Il est juste dommage que ce point du récit soit totalement laissé sans suite dans le dénouement. Armand Assante est parfaitement crédible en indien révolté et la mignonne Victoria Racimo apporte une légère touche de glamour à l’ensemble.
Le gros souci vient de la créature. Les effets spéciaux ne rendent pas hommage à la vision promise dans le script et la bête est assez ridicule, même l’attaque d’un raton laveur en début de film est plus effrayante. Donc le réalisateur choisit de ne pas filmer la bête plus que nécessaire et opte pour un montage un peu trop abrupte lors des séquences d’attaque de cette dernière, ce qui entraîne un petit problème de lisibilité de l’ensemble. En effet le positionnement géographique des victimes et du monstre reste assez difficile à apprécier et rend les scènes en question plus confuses que terrifiantes. Sous le costume se cache, pour la première fois, Kevin Peter Hall qui va, grâce à son imposante stature, devenir un habitué des rôles de cet acabit en incarnant Bigfoot et le Prédator pour ne citer que les plus connus.
Terminons en signalant que David Seltzer a novélisé son scénario, ce qui lui a permis de mieux développer ses personnages et d’apporter certains éléments absents du métrage. Quant à John Frankenheimer, il se frottera encore aux films de monstres perdus dans la nature en remplaçant Richard Stanley sur le tournage du remake de L’ILE DU Dr. MOREAU avec Val Kilmer et Marlon Brando. Mais on lui préférera PROPHECY qui, en dépit du ridicule de son attraction principale, reste une oeuvre capable de provoquer un plaisir coupable, surtout lors de la mort ultra graphique et surprenante d’un gamin explosé par Khatadin. Rien que pour cette courte scène, il mérite d’être visionné.


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- Article rédigé par : Éric Peretti

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