chroniques-infernales

Qui part à la Chasse…

Scénariste de B.D et auteur de polars, Jérémy Bouquin (au superbe patronyme !) a déjà signé 65 DE LA RUE BOUSCARAT pour les éditions Luciférines, une histoire très réussie de bordel désaffecté mais hanté qui évite tous les clichés attendus pour un tel sujet (recueil collectif MAISONS HANTEES, 2015).
Pour les mêmes éditions, le voici qui écrit le roman cannibale QUI PART A LA CHASSE en septembre de la même année.
Héritier des superbes RITUEL DE SANG de Graham Masterton et, surtout, DOSSIER ATREE de G.-J. Arnaud, QUI PART A LA CHASSE décrit une société parallèle à la nôtre où un véritable réseau ultra organisé élève ou traque des êtres humains pour satisfaire les plaisirs anthropophages des riches et des hommes de pouvoir qui en font secrètement partie… Ainsi, des fermes engraissent du « bétail humain » (on pense cette fois au drôlissime NUIT DE CAUCHEMAR de Kevin Connor) tandis qu’une véritable fédération de chasse réglemente… la chasse à l’homme.
C’’est à travers la voix d’un revendeur de viande (le triste anti-héros de cette histoire où l’on ne trouve guère de personnages positifs), au style imagé et familier, que l’on découvre cet autre monde, qui vit en marge du nôtre pour mieux l’exploiter. Même s’il ne faut pas chercher de la crédibilité à cette peinture outrancière, on se dit aussi « pourquoi pas » ? Après tout il existe bien des réseaux pédophiles, prostitutionnels et mafieux.
La description de ce microcosme, aussi peuplé de bouchers spécialisés et de braconniers, est une merveille de cynisme et d’humour très noir. Le narrateur ne pense qu’au fric même s’il ne dédaigne pas de goûter à la marchandise de temps à autre. Sa profession amorale lui permet de bien vivre. Tout juste semble-t-il aimer sa petite fille – un dernier semblant d’humanité, peut-être…
C’est quand un riche client lui demande de lui dégoter de la viande bio que tout va basculer pour Fortis. Louant les services d’un braconnier terrifiant (Clint Westwood !), Fortis fait kidnapper la mère d’une famille de la cambrousse.
Le chapitre 15 est absolument terrifiant et fait basculer ce récit plutôt noir dans l’horreur pure quand narrateur, braconnier et client consomment l’infortunée prisonnière. Une telle inhumanité de leur part nous explose en plein visage pour nous dégoûter et même nous choquer durablement. Le cannibalisme se teinte ici aussi de vampirisme (ils boivent le sang comme un grand cru) et de sadisme pervers. Il y a là quelque chose de sensuel, de sexuel même, qui est profondément dérangeant.
Le roman prend alors une autre tournure lorsqu’une expédition de chasse est organisée chez les néo-hippies pour capturer le reste de la famille… Plus rien ne se passe comme prévu et le roman devient de plus en plus violent. Jusqu’au final haletant dont nous ne dévoilerons rien ici.
Personne n’est épargné dans ce roman malsain, sordide, complaisant comme un fait-divers mais aussi drôle, savamment rythmé et très bien pensé.
QUI PART A LA CHASSE est un roman ouvertement splatterpunk qui aurait pu aisément figurer chez Gore ou Trash.
Pour nous c’est le plus beau des compliments.

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