Red Cliff part2

Un texte signé Alexandre Lecouffe

Chine - 2008 - John Woo
Titres alternatifs : Chi-Bi-xia, Les trois royaumes
Interprètes : Tony Leung, Takeshi Kaneshiro, Fengyi Zhang, Chang Chen

Sortie en Chine en janvier 2009, soit six mois après le premier volet, cette seconde partie a rapidement engrangé des bénéfices phénoménaux en Asie, détrônant le plus gros succès cinématographique jusqu’alors : le TITANIC de James Cameron (1998). RED CLIFF Part 2 fut un projet d’une ampleur et d’une lourdeur logistique encore plus grande qui nécessita la construction d’une vingtaine de navires de taille réelle, l’emploi de milliers de figurants (notamment un millier de cavaliers de l’armée chinoise !) et l’utilisation d’une seconde équipe pour certaines scènes d’action. Si l’équipe de John Woo (plusieurs centaines de personnes tout de même !) a dû faire face à de nombreux problèmes comme la destruction de plusieurs décors ou le décès d’un cascadeur, le film fut néanmoins achevé dans les temps et sans véritable dépassement de budget, conférant au cinéaste de Hong-Kong un regain de popularité d’un niveau international.
Les armées rebelles de l’Est et du Sud continuent de tenir tête au Premier Ministre Cao-Cao et envoient la jeune Sun Shangxiang infiltrer le camp ennemi. Celle-ci note les positions du campement et de la flotte qu’elle transmet aux siens grâce à un pigeon voyageur… Alors que le typhus vient de tuer certains de ses hommes, Cao-Cao fait transporter leurs corps jusque dans le camp des alliés afin d’y propager une épidémie. Dans le même temps, le chef de guerre du Sud Liu Bei se retire du combat avec ses hommes, laissant l’Alliance bien affaiblie…
D’une envergure colossale, culminant avec la fameuse et historique bataille de la « Falaise Rouge » qui voit les deux factions s’affronter sur mer puis sur terre, ce deuxième acte de RED CLIFF n’est pas, contrairement à ce qu’on pouvait logiquement attendre, une succession de scènes d’action et de batailles puisqu’il faut patienter environ 1h30 (sur 2h20 de métrage) pour que les hostilités guerrières débutent… Les deux premiers tiers du film sont de fait consacrés à la préparation de l’affrontement décisif qui doit avoir lieu quelques heures plus tard et pour lequel les deux chefs de l’Alliance (Zhou Yu joué par Tony Leung et Zhuge Liang joué par Takeshi Kaneshiro) rivalisent d’ingéniosité et de stratégie pour combler leur infériorité numérique. C’est donc réellement sur « l’Art de la guerre » que repose cette longue partie, succession de tromperie (l’excellente attaque navale avec des « hommes de paille » pour récupérer les flèches ennemies), d’affrontement indirect, d’espionnage et d’attention portée aux forces de la Nature. Les éléments, et plus particulièrement les vents, jouent en effet un rôle capital dans le déroulement et l’issue de la bataille dont les vainqueurs seront ceux qui sauront associer les forces naturelles et l’intellect plutôt que la puissance armée. Plus philosophique qu’épique, le film accuse alors quelques longueurs narratives heureusement atténuées par l’importance de deux intrigues parallèles où les femmes ont un rôle essentiel. C’est en effet une jeune fille qui infiltre le camp de Cao-Cao et en rapportera des informations capitales et surtout la propre épouse de Zhou Yu qui se rendra au palais de l’ennemi qu’elle sait amoureux d’elle pour tenter de distraire son attention. Finalement, dans ce long acte qui précède la bataille, ce sont les femmes qui prennent les devants et tiennent une place active et décisive dans le déclenchement des événements ; ces deux figures féminines comptent parmi les plus belles qu’ait dessinées le romantique cinéaste. Sans trop en révéler sur l’acmé que constitue la bataille de la « Falaise Rouge » (qui ne fut pas tournée sur les lieux véritables, la production ayant essuyé un refus catégorique de la part du gouvernement chinois), précisons simplement qu’elle est un beau moment de cinéma mêlant habilement plans en taille réelle, maquettes et effets visuels numériques. Les combats sont magnifiquement chorégraphiés et les scènes « câblées »alternent parfaitement avec les plans non-truqués de duels à l’épée ou à mains nues. Pour l’occasion, John Woo a fait appel aux spécialistes en chorégraphie des arts martiaux Patrick Leung et Corey Yuen pour un résultat ultra efficace et, encore une fois, d’une très bonne lisibilité graphique. Le final se permet même le luxe d’être un condensé du style explosif de John Woo avec panoramique circulaire, « mexican stand-off » et ralenti en apesanteur… En dépit de quelques longueurs, cette seconde partie se révèle assez passionnante et souvent audacieuse par son refus de jouer la carte du spectaculaire à tout prix. Tout comme dans la première partie, les enjeux moraux, historiques et philosophiques ont été privilégiés et ce sont les personnages qui restent au centre du récit. Fidèle à son style qu’il a cependant canalisé pour mieux se mettre au service de son sujet, John Woo est parvenu cependant à mettre en avant ses thèmes de prédilection (l’esprit chevaleresque, le sacrifice, la violence cathartique, la pureté des sentiments…) tout en livrant un solide « film de commande ». Le réalisateur devrait ensuite s’attaquer à un autre projet titanesque (on parle d’un budget de 160 millions de dollars !) : FLYING TIGERS HEROES, une co-production entre les Etats-Unis et la Chine sur des aviateurs américains venus aider les Chinois pendant l’occupation japonaise.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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