Red Hill

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Australie - 2010 - Patrick Hughes
Interprètes : Ryan Kwanten, Steve Bisley, Tommy Lewis, Claire van der Boom

Première réalisation du publiciste Patrick Hughes, RED HILL se présente comme un étrange polar inspiré par le slasher mais qui, surtout, reprend tous les codes du western transposés dans un environnement contemporain.

Le policier Shane Cooper et sa femme enceinte Alice (humour volontaire ?) arrivent dans une petite bourgade perdue d’Australie, Red Hill, afin d’oublier le stress de la grande ville. Pour son premier jour, l’adjoint Cooper pense avoir droit à une tranquille découverte de la région mais l’annonce de l’évasion du détenu aborigène Jimmy Conway change la donne. Emprisonné depuis des années dans un quartier de haute sécurité pour le meurtre de sa femme, Conway revient à Red Hill, bien décidé à se venger du responsable de son arrestation. Mais la réticence de Bill, le shérif, à appeler des renforts conduit Cooper à se poser des questions sur les motivations de l’évadé. Lorsque Conway l’épargne après avoir tué plusieurs officiers de police, le jeune homme comprend que le shérif ne lui a pas dit toute la vérité…

Efficace, RED HILL fonctionne comme un western et, quoique situé dans un cadre moderne, en reprend tous les éléments, évoquant tant les classiques hollywoodiens des années ’50 que les productions italiennes de la décennie suivante. Une petite ville isolée, une communauté soudée, un lourd passé,…le décor est planté et les personnages, eux aussi, respectent les codes du western. Le jeune adjoint, en quête de tranquillité, a fui la métropole mais est confronté à la violence avant de s’opposer au shérif et ses hommes, lesquels cachent un lourd secret. L’Indien (pardon l’aborigène) revanchard dont les véritables motivations apparaissent progressivement vient rendre justice, annoncé par un orage et précédé par le tonnerre, à la manière du vengeur quasi spectral du classique ET LE VENT APPORTA LA VIOLENCE d’Antonio Margheriti.

Si l’intrigue est classique, le casting, lui, est soigné et convaincant. Dans le rôle principal, Ryan Kwanten (vu dans DEAD SILENCE mais surtout fameux pour la série télévisée « True Blood ») se présente comme un héros fragile, vulnérable mais, au final, prêt à prendre des risques pour faire triompher la justice. Face à lui se dresse le shérif, interprété par un Steve Bisley (jadis apparu dans MAD MAX) charismatique et autoritaire à souhait, l’exemple même du « dur à cuir » qui impose le respect et le silence à son auditoire. Entre les deux, RED HILL place l’aborigène quasi muet incarné par Tommy Lewis (aperçu dans l’excellent western australien THE PROPOSITION), sorte d’avatar des grands antihéros du western spaghetti comme, par exemple, le Bronson de IL ETAIT UNE FOIS DANS L’OUEST

Toutefois, en dépit de ses interprètes talentueux, la plus grande réussite de RED HILL réside dans la mise en scène de Patrick Hughes, laquelle porte complètement le film et maintient, durant 90 minutes, une tension palpable. Le réalisateur alterne des moments contemplatifs, filmés en plans très larges dans la plus pure tradition de l’Ouest cinématographique, avec des passages carrés et nerveux qui ne lésinent pas sur le suspense et la violence graphique. Cette réalisation maîtrisée compense les évidents défauts du long-métrage, comme une caractérisation assez sommaires des protagonistes secondaires (l’épouse enceinte, par exemple, ne sert à rien). Le secret de l’aborigène et les raisons de sa vengeance, typiquement dans la tradition du western italien, s’avèrent, pour leur part, rapidement éventés. Le film tourne donc, malheureusement, un peu à vide dans sa partie centrale, de loin la moins réussie. L’introduction, elle, s’avère nettement plus convaincante et retranscrit le sentiment d’isolement de la localité avec quelques passages bien trouvé comme cette « ballade à cheval » forcée du héros auquel les locaux refusent de prêter leur voiture. L’aspect inéluctable de la vengeance orchestrée par l’aborigène et la montée du suspense sont, dans l’ensemble, bien rendus eux aussi. Le climax, enfin, fonctionne avec efficacité et s’affirme comme un bon moment de cinéma sec et brutal, non dénué d’un parfum nostalgique venu tout droit des seventies. Malheureusement, si le cinéaste évoque tour à tour Clint Eastwood, Sam Peckinpah, Walter Hill ou les classiques du Spaghetti, RED HILL reste trop linéaire et prévisible pour surprendre le spectateur, lequel assiste avec une relative passivité au carnage mené par l’aborigène. Ces menus défauts empêchent le film de prétendre au statut de vraie réussite mais ne doivent pas, pour autant, écarter les curieux de ce spectacle suffisamment distrayant pour emporter l’adhésion à défaut de susciter un total enthousiasme.

Influencé, selon les dires de Patrick Hughes lui-même, par des titres comme L’HOMME DES HAUTES PLAINES, DELIVRANCE ou le plus récent NO COUNTRY FOR OLD MEN, ce western moderne venu des antipodes se suit avec plaisir et se révèle, au final, divertissant et pourvu d’un côté « B » réjouissant. A découvrir.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer


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