entretiensHallucinations Collectives 2011

Richard Allan 2

Toujours depuis Lyon pour le Festival Hallucinations Collectives, Richard Allan revient sur sa carrière dans le X, mais nous parle aussi de sa reconversion dans les plaisirs de la bouche…

Sueurs Froides : En dehors des longs métrages, vous avez aussi donné de vous-même pour ce que l’on nomme des inserts ?

Richard Allan : Des mecs ont acheté des films à l’étranger et ont fait des scènes additionnelles. Je faisais des raccords dans une cave où il y avait une photo de Tahiti avec du sable, ca puait, il y avait des rats qui couraient. Jean-Marie Pallardy était un grand spécialiste du remontage, comme Jean-François Davy et Michel Caputo. Avec un film, ils vous en font dix ! Et encore, eux ils ont surtout fait des remontages. Ceux avec qui je faisais des inserts, c’était n’importe quoi. Une fois à Saint Lazare, en regardant un film, je me vois en doublure à la place d’un noir ! Faut pas déconner. Mais personne ne se plaignait dans le public…. Il faut dire que le public entrait et sortait de la salle quand c’était noir, on éclairait la salle que lorsqu’elle était vide. Je me suis amusé à aller à la sortie des films en disant vous venez de voir un film de cul, j’aimerai votre avis sur les acteurs. Et les réponses étaient toujours du genre « Pas du tout, je suis venu voir un copain mais il est pas là ».

Sueurs Froides : Pourtant vous ne vous êtes pas cantonné à faire l’acteur dans le monde du X …

Richard Allan : J’ai fait ça au début pour m’amuser, pour prendre un peu de pognon, je bandais facile. Et j’ai compris qu’il fallait trouver des décors, organiser des castings, alors je me suis diversifié. Après j’ai monté des coproductions, j’ai produit et réalisé. J’ai travaillé avec Marc Dorcel dans les romans-photos. En 1981, Marc m’a dit « Richard, j’ai fait un film en vidéo, dis moi ce que tu en penses ». Je lui ai dit que c’est de la merde. Je lui ai ensuite présenté ma maquilleuse Colette Xaiss, mon photographe Jacques Kobel et mon ami réalisateur Didier-Philippe Gérard (alias Michel Barny). Il a fait son deuxième film qui était déjà plus conséquent. J’aurais pu faire de la vidéo aussi, mais ca ne m’intéressait pas. Je voulais faire du cinéma 35 mm.

Sueurs Froides : Aviez-vous des contacts avec les acteurs de X américains de l’époque ?

Richard Allan : J’ai tourné avec Jamie Gillis et Harry Reems aux États-Unis. J’ai connu John Holmes, on a eu l’occasion de tourner ensemble. Malheureusement, il ne bandait pas, il a fallu que je le double. J’ai dit « eh les mecs, lui c’est le bras d’enfant, moi je suis un Mickey à côté ». Bon, il bandait mou, il bandait mou… Gillis était un type très nature, c’était des tournages très bon enfant. Gerard Damiano était un bon metteur en scène. Avec Serena, on a eu beaucoup de plaisir, ensemble on s’est payé des petites tranches intimes. Quant à Annette Haven, j’ai tourné avec elle pour Alan Vydra. Pas très jolie, mais un charisme extraordinaire, une sensualité… On baisait rien que pour le plaisir, ce n’était pas de la machinerie comme aujourd’hui. J’aurais pu faire une carrière aux États-Unis avec Alan Vydra qui étais un tchèque allemand et qui a beaucoup tourné là-bas. Mais comme j’étais marié, c’était un peu difficile.

Sueurs Froides : N’avez-vous pas l’impression qu’il est plus facile pour les hommes d’appartenir au monde du porno ?

Richard Allan : Ce n’est pas spécifique au cinéma. On disait que les gonzesses étaient des salopes ou des putes alors que nous on était vénéré car on avait toujours la bite à l’air. Si on parle de prostitution, moi je suis une prostituée, au même titre que les gonzesses. Pourquoi les traiter de salopes ? Vous vous branlez dessus. Il y a un certain machisme. Philippe Noiret, qui devait faire un plateau Canal, a dit que si Brigitte Lahaie était présente, il ne viendrait pas.

Sueurs Froides : Survivant du X ?

Richard Allan : Je dis toujours je suis un peu un rescapé dans le sens où mes activités étaient à risque, que ce soit au cinéma ou avec mes partouzes. En 1982, le journal Libération a mis en première page une photo horrible d’un mec plein de taches noires et il était marqué “cette homme va mourir du Syndrome de Kaposi”. Ca ma fait prendre conscience que j’étais dans une colonie à risque et j’ai décidé de mettre un frein. Il suffit d’une fois… Je suis passé au travers, d’autres ont eu moins de chance…

Sueurs Froides : Pensez-vous qu’un retour du cinéma X sur les écrans soit possible ?

Richard Allan : Les seuls qui pourraient faire du X en France, j’en connais pas. Ailleurs, il y a Ken Russell qui a été assez loin, surtout dans LES DIABLES (The Devils, 1971) quand la nonne se masturbe avec le crucifix, c’est quand même fort. Et il y a Brian de Palma, qui a toujours été limite… Mais maintenant ca s’est tellement vulgarisé par rapport à Internet que c’est n’importe quoi. On n’est plus dans l’époque d’EMMANUELLE (id. Just Jaeckin, 1974) et d’HISTOIRE D’O (id. Just Jaeckin, 1975). Il y avait le côté interdit, pas de vidéo. Il y avait ce coté érotico-pornographique. EMMANUELLE a été un prétexte pour amener un autre genre de cinéma et se tourner vers le porno. Quand EMMANUELLE a été fait, on était pas encore sous la loi X. De mon point de vue, les producteurs de films de cul ont tué la poule aux œufs d’or dans le sens où il y a beaucoup d’argent qui a été gagné, mais cet argent n’a jamais été réinvesti. Après la loi X il y avait un tiers des recettes du porno affectées au ciné traditionnel. Les films traditionnels ont un peu notre odeur de cul comme l’on dit Alban Ceray. Il à tout a fait raison.

Sueurs Froides : Et maintenant, comment occupez-vous votre temps ?

Richard Allan : Quand je me suis mis à la retraite, je me suis dit que je voulais voir au moins deux films par jour. Mais j’ai le temps de rien, je dors en moyenne 4-5 heures par nuit. Je bosse beaucoup pour mon magasin. À la maison j’entretiens mon terrain, je m’occupe de mes chiens. J’ai une passion : la photo sous-marine, je suis plongeur depuis 1965. C’est ma véritable passion, après les femmes, c’est maintenant les poissons.

Sueurs Froides : Êtes vous surpris de cette notoriété plus de trente ans après cet âge d’or ?

Richard Allan : Pas surpris, car ces films avaient une vraie valeur cinématographique, tournés en 35 mm, ils comportait un scénario plus ou moins intéressant. Il faut quand même reconnaître que Francis Mischkind avec Blue One a beaucoup contribué au maintien de la mémoire. Tous les films qu’on peut trouver de ma génération sont remasterisés au niveau son et image. Alors ils sont un peu coupés quelques fois parce qu’on met deux films sur le même disque par intérêt commercial. Mais disons qu’il a remis à la mode tout ce genre. Je suis la conséquence indirecte de ce succès dont je me sers aujourd’hui pour promouvoir ce que je fais : du chocolat. Donc je prêche pour ma paroisse. Aujourd’hui Queue de béton vous l’oubliez, c’est Queue de guimauve de toute façon, et on parle de ce que je fais par rapport à ce que j’ai fait, mais dans ma vie je n’ai pas fait que du cul, j’ai fait plein de métiers.

Sueurs Froides : Un dernier mot sur le chocolat ?

Richard Allan : Le chocolat certainement l’aliment qui a le plus d’émotions sensorielles et gustatives.

Pour les amateur de chocolat, voici le lien vers le magasin de Richard Allan, Drogue Douce.

Merci à Richard Allan pour sa patience et à Anne-Laure de Boissieu pour l’organisation de l’entretien.

cliquez ici pour lire la 1ère partie

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