RPG

Un texte signé André Cote

France - 2007 - Tristan Petel
Interprètes : Eric Sourd, François Ferry, Alain Cobos, Hakim Bouzidi, Sabrina Bouzidi...

RPG nous conte les aventures de cinq individus qui se réunissent pour une partie de jeu de rôle se déroulant dans un univers « d’heroic-fantasy », genre peu représenté au cinéma, bien qu’il ait donné naissance à plusieurs réussites majeures : CONAN LE BARBARE et le récent SEIGNEUR DES ANNEAUX, pour ne citer que ces titres. Les jeux de rôle se sont également montrés très peu prolifiques et le souvenir du DONJON ET DRAGONS de Courtney Solomon (tentative la plus populaire à ce jour) n’est pas pour nous rassurer quant au bien-fondé de leur adaptation sur grand écran.
RPG, pour ce qui le concerne, se heurtait à l’obstacle primordial de la structure narrative : un livre ou bande dessinée en possède une, les jeux de rôle non. Il est bon de rappeler cependant que, depuis quelques années, le comédien Alexandre Astier prouve avec sa série KAAMELOTT que « heroic fantasy », jeux de rôles et court-métrage peuvent faire bon ménage. Astier touche en effet à « l’heroic fantasy », puisque l’histoire du roi Arthur racontée dans sa « sitcom » est le cadre d’aventures médiévales où se côtoient diverses créatures et enchanteurs. Il aborde aussi les jeux de rôles en raison de l’imagerie et du langage employés, qui renvoient aux « grandeur nature ». Tristan Petel s’inscrit ainsi dans la même lignée que ce comédien, celle d’un fan qui laisse parler sa passion par le biais d’un média artistique : la « sitcom » chez l’un, le moyen-métrage chez l’autre.
Malheureusement, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas remarquer que RPG souffre du manque de moyen caractéristique à ce type de production. KAAMELOTT s’en accommodait avec un humour proche de celui des Monty Pythons, mais RPG s’évertue à garder un premier degré constant. Preuve en est l’éloquence du prologue, narré par le maître du jeu qui présente la quête aux joueurs, et l’absence du blagueur typique des productions familiales (qui a généralement le don d’irriter les puristes). De ce premier degré, il ressort régulièrement un comique involontaire, à cause de l’écart entre l’ambition et le résultat à l’écran : les interprètes qui ont du mal avec leur texte, la photographie “à la lumière du jour” (en particulier dans les scènes autour de la table de jeu), les mauvaises incrustations des effets spéciaux, le manque de mise en valeur des maquillages…
Mais il serait injuste de condamner ce RPG : il a beau cumuler les erreurs et les fautes, on les lui pardonne bien volontiers. Tout d’abord parce que Petel réussit à donner quelques belles images (les plans d’ensembles montrant son groupe de héros s’inspirent du SEIGNEUR DES ANNEAUX, sans toutefois en atteindre la beauté). Et ensuite parce que l’équipe semble réellement s’être amusée pendant les duels à l’épée, ou lors des affrontements entre enchanteurs. A ce titre, on remarque le plaisir, qui devient communicatif, des acteurs à mimer et imiter les poses des personnages de la fameuse trilogie de Peter Jackson.
Du fait de ce mixage entre réalité et fiction, RPG se différencie de KAAMELOTT, en offrant une réflexion sur la perception du jeu par les joueurs. Si Astier puise dans l’apparat des jeux de rôle grandeur nature pour matérialiser à l’écran la vie quotidienne des Chevaliers de la Table Ronde, Petel se sert de ce même apparat pour donner vie à un univers qui n’existe que dans l’imaginaire collectif des joueurs. De plus, il faut noter qu’aucun des joueurs n’interprète son propre avatar dans la partie « imaginaire » du jeu de rôle. Ce qui, d’emblée, établit une barrière entre les deux mondes. Les plans autour de la table nous enseignent donc que personne n’est dupe, contrairement à cette image véhiculée dans les médias selon qui les « rôlistes » seraient des psychopathes en puissance, incapables de faire la différence entre fiction et réalité. RPG nous montre que les participants jouent simplement à un jeu, ni plus ni moins. Il est alors fort dommage que les scénaristes aient cédé à la facilité lors du dernier rebondissement. Au lieu de nous offrir des portraits de simples joueurs, qui auraient pu être attachants, et aborder le côté ludique de ces jeux, ils ont préféré céder au spectaculaire.
Quoi qu’il en soit, RPG reste avant tout une tentative de mettre en scène un univers dont le versant adulte est méconnu du grand public : à part LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, « l’heroic fantasy » est illustrée par les HARRY POTTER et autres STARDUST. Si l’équipe de Petel persévérait, il n’est pas impossible qu’elle nous offre dans les années à venir des fictions très intéressantes. En l’état, RPG s’avère laborieux, certes, mais autant qu’un film de vacances tourné entre amis. Peut-être que Petel nous a simplement offert son équivalent de BAD TASTE, la première oeuvre amateur de Peter Jackson.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood

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